Dans le Tarn, la forêt départementale de Sérénac est peu à peu déboisée à certains endroits. Une mesure qui veut, contrairement aux apparences, favoriser la pérennité des parcelles. À la place des arbres dépérissant en raison, notamment, du changement climatique, de nouvelles espèces plus adaptées vont être plantées.
Au milieu de la forêt luxuriante de Sérénac, une parcelle nue. Comme si une tempête l’avait décimée. C’est en se promenant avec son chien, comme à son habitude, que Dominique a découvert le spectacle. "Je me suis aperçu que toute la forêt avait été coupée. Cette partie est complètement détruite", se désole le promeneur."En cette période où on replante des arbres en permanence, là, elle va mettre 50 ans à revenir."Effectivement, "plusieurs parcelles, appelées unités de gestion ont été récemment exploitées en forêt départementale du Tarn. Il s’agit des parcelles forestières n°1, 5 pour une surface totale de 8,55 hectares", affirment Bruno Gratia, responsable du Service Forêt de l'agence ONF territoriale Aveyron, et Yvon Grzelec, responsable de l’unité territoriale Grand Ouest. Une coupe qui s’explique par l’état des arbres jadis présents. "L’exploitation est liée au dépérissement de peuplements purs de Douglas et de pins sylvestre présents sur ces parcelles", continue-t-il.
La coupe, une solution indispensable
"Lorsqu’un arbre dépérit, dans les conditions de changement climatique actuel, l’abattage est la seule possibilité", affirme Yvon Grzelec. Si un arbre dépérissant n’est pas coupé, le premier risque est qu’il chute, et menace la sécurité du public. Mais le but est aussi de limiter le danger de propagation et d'amplification du dépérissement lié aux agents biotiques (champignons pathogènes, insectes ravageurs, bactéries…). "Si on n’abat pas les arbres dépérissants, dans 50 ans, il n’y aura plus d’espaces boisés à Sérénac, et donc plus de services rendus par la forêt, comme le stockage de carbone, la protection contre les risques naturels, la fourniture de bois ou de gibier, ou la participation à la lutte contre le réchauffement climatique", alerte l’ONF.
Le changement climatique et l'obligation de réfléchir à des forêts plus pérennes
Aujourd’hui, le changement climatique oblige à repenser en profondeur la forêt, son organisation et sa constitution. "Le changement climatique agit comme un facteur déclenchant sur les peuplements forestiers déjà sensibilisés par une pluralité de facteurs tant biotiques qu’abiotiques [lumière, température, humidité de l'air..]", décrit l'ONF.
A Sérénac, d’autres parcelles "qui avaient déjà fait l’objet d’exploitation il y a quelques années et où on pouvait rencontrer la présence de jeunes arbres issus de semis, et qui, eux aussi, étaient dépérissants ou non adaptés au changement climatique ont également fait l’objet d’exploitation, précise Yvon Grzelec. Au total, sur les 200 hectares de forêt, 21,6 hectares sont concernés par des coupes."
Des aides publiques pour financer le renouvellement des arbres
Pour contrecarrer ce déboisement, des financements publics ont été mis en place, dont l’Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) "Renouvellement forestier", qui découle du plan France Relance. Selon le site internet du Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, cette mesure "dédie des moyens pour engager le renouvellement forestier dans le contexte du changement climatique, en incitant les propriétaires forestiers à investir pour adapter leurs forêts." La direction territoriale de l'ONF est mandataire pour le compte du département. C'est elle qui a constitué le dossier de demande d'aides.
Afin d’en bénéficier, les peuplements doivent présenter un dépérissement d’au moins 20%, explique l’ONF. Dans la forêt de Sérénac, "au moment de l’expertise en fin d’année 2022, ils étaient de l’ordre de 30 à 40%. Au moment de la coupe en juin 2023, pour les peuplements de douglas, les dépérissements étaient supérieurs à 70%", explique Yvon Grzelec.
Mieux planter pour assurer la survie de la forêt
Alors comment faire pour mieux adapter la forêt et la rendre plus vigoureuse ? La forêt départementale de Sérénac, classée Espace Naturel Sensible (ENS), va ainsi bénéficier d'un dispositif de plantation qui s'inscrit dans le programme départemental "1 arbre, 1 collégien". Sur les parcelles déboisées de la forêt de Sérénac, l’ONF assure que "11 essences différentes vont être implantées", notamment du chêne sessile et chevelu, du poirier, de l’érable plane ou sycomore, du tilleul, de l’aulne, du pin maritime ou encore du bouleau verruqueux.
Les densités de plantation devraient atteindre les 1 600 plants à l’hectare. Soit 44 000 jeunes sujets plantés sur 26 hectares. Fin de l’opération : printemps 2024. "L’introduction d’espèces et provenances plus méridionales favorisent la migration assistée [déplacement artificiel d’arbres d’une zone à une autre, plus adaptée] des espèces forestières, afin d’obtenir des peuplements à la fois plus résilients au manque d’eau et aux épisodes caniculaires", développe Yvon Grzelec.
Au total, le coût du projet de plantation est estimé à 140 000 €. Dans le département, d’autres forêts, publiques ou privées, sont soumises aux mêmes problématiques. Dans la forêt domaniale de Grésigne, ce sont les chênes pédonculés qui dépérissent en masse. D’autres espèces, comme les épicéas, subissent aussi des épidémies de scolytes, favorisées par le réchauffement climatique.