Autoroute A69 : le site Mediapart dénonce un "asservissement volontaire de l'Etat devant les intérêts privés"

Mediapart a eu accès au contrat de concession accordé à Atosca pour la future autoroute A69 entre Toulouse (Haute-Garonne) et Castres (Tarn). Le site d'informations en ligne y voit un asservissement volontaire de l'Etat devant les intérêts privés et un déséquilibre au préjudice des collectivités. Décryptage.

C'est un travail minutieux qu'a effectué le site Médiapart. Il a eu accès au contrat de concession de la future A69, accordé à Atosca. Alors que le projet est largement contesté, ces révélations de Médiapart font l'effet d'une bombe.

"Rien n'a été laissé au hasard"

Selon le média d'investigation, ce contrat fait plus de 700 pages. Le contrat de concession a été signé en 2022 entre Atosca, l'Etat et cinq collectivités territoriales, la Région Occitanie, la ville de Castres, la communauté de communes Sor et Agout et les départements du Tarn et de Haute-Garonne. Il prévoit une concession de l'A69 pendant 55 ans. Selon Médiapart, "rien ne semble avoir été laissé au hasard".

Le site en ligne y voit "un souci manifeste de dissimuler et d'opacifier encore plus des méthodes qui existaient déjà auparavant" et qui ont engendré plusieurs rapports parlementaires et interventions de la cour des comptes ou de l'inspection générale des finances. À l'image des "documents grisés et caviardés remis aux élus et aux parties prenantes afin de rendre le texte illisible."

Des aides publiques généreuses

Ce qui retient l'attention de Médiapart, c'est "le déséquilibre accepté dans les relations entre l'Etat et les intérêts privés, les situations de rentes non contrôlées et non encadré de groupes privés ayant mis la main sur des monopoles naturels". Médiapart rappelle que l'Etat a acheté beaucoup de terrains avant le lancement de l'opération et que les contournements des villes jusque-là gratuits seront intégrés à l'autoroute : "C'est un apport en nature de 75 millions d'euros qui n'est jamais comptabilisé dans le coût de l'opération", précise Médiapart. Apport qui augmenterait pourtant la facture. Elle passerait à 9 millions du kilomètre.

Et que dire des aides versées pour l'avancement des travaux, révisables car indexées sur les prix et soumises à pénalités en cas de retard, ou encore du crédit sur la TVA accordé à Atosca ? "Les aides publiques, établies à 24,6 Millions d'euros pourraient finalement atteindre 111,6 Millions, c'est plus de 20% du budget total de réalisation de l'A69", Médiapart voit dans ce jeu de cache-cache une volonté de dissimulation.

Un montage financier capitaliste

Selon Médiapart, "cette méthode permet d'afficher un relatif équilibre entre investissements privés et publics", Atosca mettant sur la table de son côté un capital de 26,7 millions. Mais Atosca n'est pas le seul présent. Car son capital est complété par des dettes subordonnées de 110 millions, sans doute à ses actionnaires et d'autres groupes comme Eiffage, qui auraient des vues et des intérêts et 275 millions d'euros de crédit bancaire souscrit jusqu'en 2046.

"Dans le contrat, la puissance publique a même accepté que les actionnaires d'Atosca se versent un dividende exceptionnel dans la limite de 4 millions d'euros, payable dès l'ouverture de l'autoroute." ajoute Mediapart. "Des actionnaires qui ne sont tenus de conserver leurs parts que pendant 2 ans et qui toucheront d'éventuels bénéfices avant même le remboursement des dettes publiques".

Absence de contrôle

Le site en ligne remarque encore que "rien n'est prévu concernant la fixation des tarifs des péages sur les gains de productivité" et note l'absence de dispositif pour contrôler la rente. Ce qui donnerait toute latitude au concessionnaire : "tout est fait pour favoriser les seuls intérêts privés", écrit Mediapart. "30 ans de profits nets avant de rembourser les dettes publiques en 2046".

"Pour ne pas donner l'impression que l'Etat fait un cadeau à Atosca, il a certes été prévu dans le contrat, qu'il puisse reprendre la main sur l'autoroute au bout de 28 ans", précise Médiapart. Mais ce retour dans le giron du public n'est passible que si la société concessionnaire a réalisé un chiffre d’affaires de 4,06 milliards d'euros : "Inatégnable", conclut Médiapart. "Car Atosca prévoit de réaliser un chiffre d’affaires cumulé de 3,7 milliards d'euros entre 2025 et 2076".

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