Dans le Tarn, le maire de Gaillac, Patrice Gausserand, jugé pour corruption passive et prise illégale d’intérêt

Jeudi 2 juillet, le maire de Gaillac comparaîtra devant le tribunal correctionnel d’Albi (Tarn). Il est suspecté de s'être abstenu, en tant que maire, de fermer le bar la Bodega en contrepartie du départ des gérants de cet établissement qu’il venait de racheter.

Patrice Gausserand est la fois un homme politique mais aussi un homme d’affaires. Elu en 2014 une première fois maire de Gaillac et réélu le 28 juin 2020, ce professionnel de la communication devient quelques mois plus tard actionnaire et salarié d’une société de vente en gros créée avec deux de ses amis, Pierre-Yves Olivier et son épouse, Jing Liu : la SAS Le Comptoirs des Bastides. 

Les trois associés ont beaucoup de projets sur la commune tarnaise, notamment l’ouverture d’un restaurant de standing dans un bâtiment situé en face de la majestueuse Abbaye Saint Michel au bord du Tarn, qu’ils viennent de racheter. Lors de cette acquisition, les locaux sont occupés par un bar, bien connu des fêtards à Gaillac, nommé la Bodega.   

Le 9 mai 2017, Patrice Gausserand et Pierre-Yves Olivier rendent visite aux deux gérants de l’établissement. Leur but est d’obtenir le départ anticipé de ces locataires afin de lancer dans les meilleurs délais leur projet. 

Une conversation enregistrée

La conversation s’engage entre les quatre protagonistes mais Patrice Gausserand et Pierre-Yves Olivier ne le savent pas. Ils sont enregistrés. 
 Durant l’entretien d’une heure et demie, l’élu déclare à plusieurs reprises qu’en tant que maire il a le pouvoir de fermer La Bodega mais qu’il n’en a jamais rien fait :

"Si j’avais voulu fermer l’établissement, cela fait longtemps qu’il serait fermé. (…) Entre les plaintes que j’ai reçues, la préfecture, la gendarmerie, entre le bruit, le coup de la licence, cela me prend 3 minutes pour vous fermer." Le maire se fait alors conciliant. "Je ne l’ai pas fait, non pas parce que je vous apprécie ou quoi que ce soit, on ne se connait pas. Je ne l’ai pas fait parce c’est bon dans la ville si vous étiez les seuls hors la loi, il y en a beaucoup qui fermeraient."

Patrice Gausserand offre une solution : aider les gérants du restaurant à trouver un nouveau local afin de continuer à exercer leur activité. Des recherches facilitées selon lui par son mandat. "Moi je vous aiderai pour trouver quelquechose", entend on sur ce fichier audio.
 

Je ne sais pas où. Je ne sais pas comment. Je commence à chercher à droite et à gauche.(...) Vous cassez le bail au 1er septembre. En contre partie vous avez la gratuité des loyers. Moi, je m’engage à trouver une solution dans cette affaire.

Patrice Gausserand, maire de Gaillac - enregistrement du 9 mai 2017

Corruption passive ou arrangement ?

Ce sont ces propos qui valent, en partie, au maire de Gaillac d’être présenté devant la justice. Après la révélation de ces échanges par France 3 Occitanie (enregistrements que nous avons pu ecouter) le conseiller municipal d’opposition Thomas Domenech (La France Insoumise) et le gérant de la Bodega, Didier Brésolle ont déposé plainte. 
 
Pour le parquet d’Albi, tout ceci pourrait relever de la "corruption passive", en l’occurence de s'être abstenu, en tant que maire, de fermer le restaurant la Bodega en contrepartie du départ des gérants du bar qu’il venait de racheter.
 
Des accusations dont s’est toujours défendu Patrice Gausserand. L’élu assure avoir voulu avec ce rendez-vous "apaiser la situation et trouver un arrangement". Pour lui il ne s’agissait en aucun cas d’une "menace".

De subites mises en demeure

Mais dans cette affaire Patrice Gausserand est aussi suspecté de prise illégale d’intérêt. L’enquête préliminaire menée par la division économique et financière de la Police judiciaire de Toulouse révèle qu’un mois après le rendez-vous à la Bodega et le refus des gérants de libérer les locaux, la mairie a envoyé 5 mises en demeure à l’établissement. Rien pourtant n’avait jamais été entrepris auparavant. 

Au sujet de ces courriers, Patrice Gausserand déclare qu’ils étaient préparés "depuis bien longtemps" et que toute la "procédure était prête". L’explication n’a pas convaincu les enquêteurs.
 

En prenant ces décisions en sa qualité de maire à l’encontre de la Bodega, Patrice Gausserand abusait de sa fonction, en se servant de ses pouvoirs de maire pour régler ou influer sur une affaire privée.

Enquêteurs SRPJ de Toulouse


 

Contradiction avec son devoir de probité

Dans son rapport de conclusion d’enquête, les membres du SRPJ estiment qu’en tant qu’associé et salarié de la SAS Le Comptoirs des Bastides, l’élu avait un intérêt financier à ce que l’opération se réalise.

Un conflit d’intérêt (…) non négligeable au vu de la rémunération qu’en retire Patrice Gausserand" (4750 euros chaque mois au titre de ses mandats privés en plus des 4200 euros perçus dans le cadre de ses mandats) en contradiction avec ses devoirs de probité, d’indépendance et d’impartialité que lui impose sa qualité de Maire.

Enquêteurs SRPJ de Toulouse

Des montants de sa rémunération privée constestés par le principal interessé qui a contacté la rédaction de France 3 Occitanie, ce mercredi matin.

En mai dernier, à un mois du second tour de l’élection municipale à Gaillac, deux des quatre associés (Valérie Ballester et Razic Aïdoud) de la Bodega sont revenus sur leurs témoignages et ont souhaité "présenter leurs excuses au maire."

Un revirement de situation qui aura sa place lors de l'audience de ce jeudi. Patrice Gausserand est jugé le 2 juillet prochain à Albi. "Je reconnais des maladresses avec cette visite mais pas d’intention de corruption" continue-t-il à répéter dans cette affaire. Il l'avait dit notamment lors du débat du 1er tour des Municipales, organisé par France 3 Occitanie.Lors de ce procès, Patrice Gausserand encourt jusqu’à dix ans d’emprisonnement, 150 000 euros d’amende et une peine d’inéligibilité.
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