Polémique. "Il a trois fractures au visage" : un militant anti-A69, père de famille de 58 ans, violemment interpellé à son domicile par les forces de l'ordre

Un opposant à l'A69 a été interpellé chez lui avec violence, le jeudi 25 avril 2024, deux mois après les faits qui lui sont reprochés. Il a reconnu le délit alors qu'il venait d'être molesté et qu'il était en état de choc explique son avocate. Condamné à 10 mois de prison avec sursis, il a fait appel.

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Le 25 avril à 7 heures du matin, les forces de l'ordre se présentent chez Jean*, un membre du collectif La voie est libre opposé à la construction de l'A69 entre Castres et Toulouse. L'homme est plaqué au sol devant sa femme et sa fille. Il est emmené à la gendarmerie pour y être placé en garde à vue. Il doit répondre de faits qui remontent au 1er mars alors qu'il se trouvait à Saix sur le site de la Crem'arbre pour ravitailler des militants anti autoroute.

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"L'interpellation a été extrêmement violente, explique Claire Dujardin, l'avocate de Jean quand elle évoque ce 25 avril au matin alors que son client est chez lui et ne s'attend pas à être plaqué au sol et emmené à la gendarmerie. Il a dû aller aux urgences en sortant de la garde à vue. Fracture des parois antérieures et postérieures du sinus, maxillaire droit. Fracture multifocale et impactée de l'arcade zygomatique droite. Fracture du plancher de l'orbite droit. Il a trois fractures au visage".

Déféré avec 3 fractures au visage

L'avocate mentionne que son client est complètement traumatisé, puisqu'en quelques heures, il se retrouve avec des fractures, entouré par les gendarmes, emmené en garde à vue, dans un état tel qu'il n'aurait pas eu tout son discernement. "Ils l'auditionnent et lui font reconnaître les faits alors qu'il est en état de choc post-traumatique" explique-t-elle.

Jean est de fait déféré au parquet. Le magistrat lui propose une CRPC, une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Une procédure plaider-coupable qui permet de juger rapidement l'auteur d'une infraction qui reconnaît sa culpabilité.

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"Quand on est présenté comme ça au tribunal, il y a bien évidemment une sorte de chantage, mentionne l'avocate, puisqu'on dit à la personne soit vous reconnaissez les faits et on vous inflige une peine qui vous permettra de sortir, vous serez libre, soit vous ne reconnaissez pas et on va demander votre détention".

10 mois avec sursis

Or, Jean ne reconnaît pas les faits qui lui sont reprochés. Elle explique qu'entre le choc traumatique et le stress de la perspective d'une détention alors qu'il n'y était pas préparé, son client a accepté cette procédure avec l'unique perspective de recouvrer sa liberté et sa mise en sécurité.

Il écope d'une peine lourde, qu'il estime injuste et lourde pour quelqu'un de 58 ans qui n'a aucun casier judiciaire : 10 mois d'emprisonnement assortis d'un sursis probatoire de 24 mois. "Il n'est pas du tout connu des services de police, il est particulièrement inséré. Il n'a aucune difficulté. Donc, il a une peine extrêmement lourde alors même qu'il vient d'être interpellé de manière hyperviolente,
qu'il n'est pas dans son état normal et qu'il n'a pas reconnu les faits dans le sens où quand on reconnaît les faits, ça veut dire qu'on les assume et qu'on ne les conteste pas", plaide Claire Dujardin.

Retour sur les faits

Les faits remontent au 1er mars. Ce jour-là, Jean fait partie des membres du collectif La voie est libre venus à la Crem'arbre pour ravitailler les militants perchés dans les cimes dans le but d'éviter leur abattage. Les forces de l'ordre les en empêchent. Selon les versions, il force le passage en renversant un gendarme ou le bouscule simplement.

Il est poursuivi pour violences sur personne dépositaire de l'autorité publique. Deux gendarmes ont porté plainte : un qui a 45 jours d'ITT et un qui n'a pas d'ITT. "Je n'ai jamais vu ça dans la procédure, commente Claire Dujardin. Même des personnes éborgnées n'ont pas 45 jours d'ITT !".

Contexte des plus tendus

Quelques jours plus tôt, le 22 février, Michel Forst, rapporteur spécial de l'ONU sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, s'est rendu au même endroit. Il a réclamé "une enquête et des sanctions" après des actes des forces de l’ordre qui avaient pu mettre en danger les militants sur le chantier de l’autoroute Toulouse-Castres.

Évoquant les vidéos prises ce jour-là, l'avocate de Jean précise "on voit des militants expliquer aux forces de l'ordre que le rapporteur des Nations Unies a bien rappelé qu'il fallait ravitailler les écureuils. Enfin, en tout cas, leur donner accès à l'eau et à la nourriture".

Ce vendredi 1er mars, Jean n'est pas interpellé. Il n'est pas davantage convoqué à la gendarmerie. Mais près de deux mois plus tard, les gendarmes font irruption à son domicile à 7 heures du matin, l'interpellent et le placent en garde à vue.

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Le militant a fait appel de sa condamnation car il conteste les faits qui lui sont reprochés. Pour son avocate, le dossier est vide. Elle estime qu'il n'y a pas de preuves de la commission et de la caractérisation d'infraction. "Et ça questionne sur la manière dont la justice est rendue puisqu'il n'était pas du tout nécessaire d'interpeller mon client à 7h du matin dans ces conditions-là. C'était totalement disproportionné d'utiliser cette force-là. Il n'était pas nécessaire de commettre ces violences-là", poursuit-elle en expliquant qu'il aurait fallu prendre en compte son état de santé quand la CRPC lui a été proposée, à savoir 3 fractures au visage dont une qui va nécessiter une opération.

Un contrôle judiciaire aurait pu lui être proposé pour lui permettre de se défendre, explique-t-elle, sachant qu'il n'a pas d'antécédents judiciaires et qu'il a des garanties de représentation. Nous avons pris attache avec le parquet de Castres dans le but d'obtenir plus d'informations sur le déroulé de cette affaire.

*Le prénom a été modifié

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