En août 2008, dix soldats français dont 8 militaires du 8eme RPIMA de Castres (Tarn) perdaient la vie dans une embuscade tendue par les talibans afghans dans la vallée d’Uzbin. Dans une enquête diffusée le vendredi 29 septembre 2023, la cellule investigation de Radio France met au jour une "succession d’erreurs" commises par la chaîne de commandement.
Le 18 août 2008, 120 soldats de la Force internationale d'assistance et de sécurité, envoyés en Afghanistan, sont pris en embuscade dans la vallée d’Uzbin. Le bilan est lourd : dix soldats tués, dont 8 parachutistes du 8ème RPIMA de Castres (Tarn).
Les familles estiment que la mission était dangereuse et mal préparée. En 2009, sept d'entre elles portent plainte contre X pour "mise en danger de la vie d’autrui". Plainte classée sans suite.
Mais la cellule investigation de Radio France a eu accès au dossier judiciaire qui apporte des éléments de réponse, diffusés vendredi 29 septembre 2023. Ils montrent qu’une succession de mauvaises décisions a pu conduire au drame.
"Les talibans ont laissé les Français s'approcher. Puis ils ont tiré et les combats ont commencé.”
Saïd Meskin Sadati, interprète afghan de la section Rouge 4
Peu de moyens, de vieux gilets pare-balles
Tout d’abord, la mission a été ordonnée alors que plusieurs renseignements faisaient état de la présence des talibans dans la zone. Aucune reconnaissance aérienne n'a eu lieu, faute de moyens. "Toute la section avait d’anciens gilets pare-balles. Ils sont montés sur cette piste. Nous étions dans le village en train de les observer”, se souvient Saïd Meskin Sadati, interprète afghan de la section Rouge 4, rencontré par la cellule investigation dans le sud de la France où il vit et travaille désormais avec sa famille.
“Les talibans étaient en embuscade sur la ligne de crête", raconte-t-il à nos confrères de Radio France. "Ils ont laissé les Français s'approcher. Puis ils ont tiré et les combats ont commencé.”
“Il y a des choses qui sont pour moi, militaire, incompréhensibles dans cette affaire. Ces 120 hommes, de cultures différentes, de langues différentes, pourquoi ils n'avaient pas de chef ?"
Major Jacques Antoine, ancien militaire du 8e RPIMa
Autre critique, l’absence de chef qualifié sur le terrain pour coordonner la mission. La mission était composée de soldats français, afghans, et américains. Les rescapés parlent de communication "difficile" pendant l’assaut liée au manque de commandement unique.
L'incompréhension d'un ancien du 8e RPIMa
Avec 15 ans de recul, le major Jacques Antoine, ancien militaire du 8e RPIMa aujourd’hui à la retraite et mémoire vive du régiment, s’interroge au micro de Radio France : “Il y a des choses qui sont pour moi, militaire, incompréhensibles dans cette affaire. Ces 120 hommes, de cultures différentes, de langues différentes, pourquoi ils n'avaient pas de chef ? Il y a quelques années, quand on faisait balayer la cour par trois soldats, on mettait un caporal comme responsable. Et là, pour 120 gars qui vont au combat, on ne met pas de chef !” Autre révélation, les renforts d’artillerie ne sont pas intervenus au moment demandé.
Enfin, de lourds soupçons pèsent sur le traducteur afghan. Ce dernier aurait été surpris en train de passer un coup de téléphone avant la mission. Certains pensent qu’il ait pu donner des informations aux talibans.
Si pour l’armée française, à Uzbin, aucune erreur n’a été commise, cette enquête semble aujourd’hui prouver le contraire.