Restrictions nitrates : "C'est comme si on nous demandait de rouler à 50 km/h sur l'autoroute !"

L'exploitation d'Alain Trouche est passée en zone vulnérable en 2012. Pour pouvoir répondre aux nouvelles restrictions il doit investir 80.000 €. Il envisage tout arrêter. On fait les comptes.

A 15 kilomètres d'Albi en remontant vers Cordes-sur-Ciel, 10 hectares appartiennent à la famille Trouche. Une soixantaine de vaches laitières, élevées par l'arrière grand-père, le grand-père, le père et aujourd'hui le fils. Depuis 1926, des directives, des restrictions et des manifestations... ils en ont vécu par dizaines. 

A la veille de la retraite, Alain Trouche - le père - n'en peut plus. En 2012, il était déjà descendu dans la rue pour crier son refus de passer en zone vulnérable. Tout comme les manifestants de la région, depuis fin août, date de sortie de la nouvelle carte des zones vulnérables.

"Dans le contexte actuel on ne peut plus supporter une n-ième directive. Cela représente un investissement considérable sans que nous puissions récupérer ne serait-ce qu'un euro ! Ils veulent notre mort." 

Pour savoir si oui ou non lui et son fils vont pouvoir consever l'exploitation, il a sorti carnets, stylos et surtout calculatrice pour élaborer le projet correspondant aux nouvelles restrictions.

Au total, entre 60.000 et 80.000 euros à mettre sur la table pour se mettre en règle, qui comprennent :

  • L'aménagement des bâtiments d'élevage
  • La construction et la monopolisation des fausses de stockage pendant 6 mois
La directive nitrate prévoit notamment que les agriculteurs ne puissent plus épandre les effluents des bêtes tout au long de l'année mais qu'ils soient limités à des périodes ne représentant pas de risque d'écoulement.

La restriction de l'épandage, principale inquiétude d'Alain Trouche, met en péril la viabilité de son exploitation :

"Aujourd'hui, je me verse 1.000 € par mois. Autant que mon fils. Et avec ça, je n'ai aucune capacité d'investissement. Pour me mettre aux normes, je vais devoir prélever 1.000 par mois sur nos rémunération. Vous faites le calcul : on ne se paierait plus que 500 euros chacun."

Le législateur veut laver plus blanc que blanc, poussé par l'Europe ou je ne sais quels idéologistes écologiques."


Alain Trouche ne rejette pas la directive en bloc mais n'est pas convaincu du bénéfice environnemental de cette restriction de l'épandage :

"Dans les zones vulnérables, tous les agriculteurs vont épandre en même temps. Cela veut dire que même si toutes les conditions ne sont pas réunies pendant la période autorisée - s'il pleut par exemple -, les agriculteurs ne vont pas s'empêcher d'épandre puisque ça sera les seuls moments autorisés."

Derrière son refus d'appliquer cette directive se cache un écolo convaincu : "Je suis d'accord avec les règles environnementales. Il y a eu tellement d'abus... Dans les années 1975, quand je me suis lancé, on utilisait des quantités astronomiques d'engrais minéraux. On s'en foutait. Ca ne coûtait pas cher, les profs nous disait qu'il y avait de super rendements et qu'il fallait nourrir la planète. Mais cela a fait des dégâts. Aujourd'hui je sens que ça a changé. Les agriculteurs ont pris conscience que la terre est le support de leur métier donc que s'ils la détruisent, il n'auront plus rien."

Alain trouche voudrait des règles... raisonnables : "Aujourd'hui, on va trop loin. Le législateur veut laver plus blanc que blanc poussé par l'Europe ou je ne sais quels idéologistes écologiques."

"18 mg/l : des seuils déconnectés de toute réalité"

Les règles imposées par la directive Européenne visent à limiter la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole. Sauf que d'après Alain Tronche, qui est aussi président d'un syndicat d'eau potable, " (leur) eau répond à toutes les normes fixées par l'Agence Régionale de Santé (fixées à 50 mg de nitrate par litre d'eau, NDLR). Depuis 10 ans, on oscille autour de 25 mg/l d'eau, sans jamais avoir dépassé les 30 mg/l. Aujourd'hui, la directive Européenne fixe un nouveau seuil à 18mg/l... C'est  inatteignable !" 

"On aura beau ne plus traiter, on n'y arrivera pas. Rien qu'avec la décomposition des végétaux - qui produit des nitrates - on sera au-dessus des 18 mg/l. A mon avis, ils ont sorti ce chiffre juste pour pouvoir passer toutes les zones qu'ils voudront en vulnérable"

"C'est comme si on nous demandait d'un coup de rouler à 50 km/h sur l'autoroute. Ca n'a pas de sens !"

L'agriculteur a encore 2 ans pour se mettre aux normes. "D'ici là,tout est envisageable. L'arrêt de l'activité, la transformation de l'exploitation... On verra".

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