A qui offrirez-vous une BD en cadeau pour Noël ?

Un voyage à Yopougon, des super-héros à Paris avec une brigade chimérique, une uchronie enchantée dans la capitale de la Belle Époque… Vous ne savez pas encore quelle BD mettre sous le sapin ? Voici dix bandes dessinées et autant de cadeaux pour Noël qui cochent toutes les cases.

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Bienvenue dans le Paris des Merveilles !

Depuis 15 ans, le secteur de la bande dessinée propose plus de 5.000 nouvelles publications chaque année. Le 9e art tient de plus en plus une place importante dans le monde du livre. Les chiffres donnent le tournis : plus de 85 millions d’exemplaires BD ont été vendus en 2021. C’est une hausse de +60%, selon le Festival d'Angoulême et l'institut GFK.

Alors pour vous aider, voici notre seconde sélection. Parmi ces deux fois dix albums, il y a certainement celui qui vous correspond à vous, ou bien à vos amis ou à votre famille. Offrir une BD, c'est une promesse d'évasion !

Pour des ados, et plus si affinités

Aya de Yopougon (tome 7) de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie (éd. Gallimard BD)

Le résumé de l'éditeur : Lutte pour les droits des étudiants, défense des sans-papiers et des homosexuels, le grand retour d'Aya est engagé !

À Yopougon, les problèmes vont bon train ! Aya tente de concilier un stage à la Solibra et sa relation compliquée avec Didier... mais surtout, elle s'engage dans la lutte pour les droits des étudiants de l'université de Cocody ! De son côté, Albert, rejeté par sa famille, galère pour se loger. Et ce n'est rien comparé à Bintou, devenue la star détestée de la série Gâteuse de foyer ! Quant à Innocent, exilé en France et sans-papiers, il n'est pas au bout de ses peines car "Paris est dur comme caillou". Mais tous comptent prendre en main leur destin, quitte à mener une petite révolution !

Pourquoi le lire : Elle est notre rayon de soleil au coeur de l'hiver parisien. Après 12 ans ans d'une si longue attente, le retour d'Aya de Youpougon pour une septième aventure est déjà une bonne nouvelle en soi. Pour les chanceux qui ne connaissent pas encore cette charmante tornade désormais étudiante en droit, sachez que l'histoire a commencé à la fin des années 70, à Yopougon, quartier populaire d'Abidjan, en Côte d'Ivoire, là où vivent Aya et ses deux amies, Adjoua et Bintou.

Marguerite Abouet y a vécu jusqu'à l'âge de 12 ans. Son récit est construit à partir de ses souvenirs d'enfance. Elle précise dans un entretien : "Il est amusant de voir que le deuxième personnage le plus apprécié par les lecteurs, après Aya, est Innocent, un homosexuel, alors qu’en Afrique l’homosexualité est encore passible de prison dans certains pays… et que j’ai été accusée par certains de pervertir la jeunesse."

Innocent, c'est le sosie de Michael Jackson et le coiffeur pour femmes du quartier. Homosexuel caché, il décide de partir pour la France afin de pouvoir assumer son identité au grand jour. Mais, comme il s'en rend vite compte, la vie quotidienne à Paris est bien plus difficile que dans son pays et que c'est un enfer d'obtenir des papiers, en dépit des promesses du nouveau président François Mitterrand - nous sommes en 1981 dans ce tome 7.

Une série chorale vendue à 800 000 exemplaires, traduite en 15 langues, qui a  reçu le prix du meilleur premier album à Angoulême en 2006. Un soap ivoirien aux multiples péripéties et aux personnages haut en couleur, qu'on ne se lasse pas de découvrir - ou de relire.

Pour découvrir les bonnes feuilles, c'est ici.

Poisson à pattes de Blonk (éd. Pow Pow)

Le résumé de l'éditeur : Sept ans après 23 h 72 (Prix Réal-Fillion), l’énigmatique Blonk est de retour et nous propose un récit campé au Moyen âge, où il est question d’obscurantisme et d’intolérance.

Bastien, un jeune homme tiraillé entre sa loyauté envers son père et sa soif de connaissance, vit dans un monde où la curiosité intellectuelle est synonyme de sorcellerie. C’est avec Sidonie, que les villageois suspectent d’avoir signé un pacte avec le Diable, qu’il partage le plus d’atomes crochus. Si Bastien se pose tant de questions, c’est aussi parce qu’il cherche à élucider le mystère de ses propres origines.

Poisson à pattes est le fruit de sept années de travail au cours desquelles le style visuel unique de Blonk s’est précisé et raffiné. Mais le plus étonnant, c’est de constater à quel point les préoccupations de l’auteur sont toujours d’actualité. Ce récit d’un pessimisme tranchant nous rappelle toute la cruauté dont l’humanité est capable lorsqu’elle se bute aux limites de son propre entendement. Poisson à pattes est une fable tragique dont les enjeux intemporels paraissent plus pertinents que jamais.

Pourquoi le lire : Un album qui nous vient du Québec, c'est rare, et dès la première page nous voilà prévenus avec cette citation de Marcel Aymé : « La vie, ça finit toujours mal. » Blonk, dessinateur la nuit, graphiste le jour sous son véritable nom Jean-Claude Aumais, a bien pu puiser son inspiration dans les pages des Idées Noires du dessinateur belge Franquin qu'il admire.

Fais attention à c'que tu dis, han ! Ch'us pas plus niaiseux qu'un aut'e, monsieur le bollé ! Ma mère me l'a toujours dit : ch'us spécial !

Blonk - extrait de l'album Poisson à Pattes

Dans ce récit à la manière d'un fabliau tragique de l'an mille, l'auteur mêle habilement la vie quotidienne de la paysannerie aux accents québécois, l'intolérance de la religion, les peurs face à une femme sourcière et le fantastique du personnage principal définit comme un drôle de "poisson à pattes" doué d'une intelligence bien supérieure à ses congénères. "Depuis que je suis tout jeune, y a une chose qui m'obsède... la connaissance ! Je veux tout savoir !" Cet ovni aux bulles décalées et aux dessins époilants collectionne les sélections en finale de nombreux festivals (Sélection Fauve des Lycéens et Sélection Officielle du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême 2023)

Pour découvrir les bonnes feuilles, c'est ici :

Pour des amateurs d'enquêtes…

Bertille & Bertille d'Eric Stalner (éd. Grand Angle)

Le résumé de l'éditeur : La rencontre improbable d’un flic bougon, d’une jeune aristocrate… et d’une grosse boule rouge ! Bertille et Bertille. Prénom pour l’une, nom de famille pour l’autre. C’est bien tout ce qui rapproche cette jeune fille de bonne famille et ce commissaire ! Ils ont pourtant un autre point commun pour le moins incongru. Ils ont tous deux assisté à l’atterrissage mouvementé d’un objet insolite. Un objet qui grossit, grossit, grossit au sens propre du terme devenant un véritable casse-tête pour le gouvernement. Tandis que nos deux personnages s’affrontent dans de réjouissantes joutes verbales, cette mystérieuse boule rouge devient une menace pour la France des Années folles. Écrasée près de Paris, et ne cessant de grandir, elle se rapproche de la capitale…

Pourquoi le lire : Un album au dessin en noir et blanc avec une boule rouge, elle seule en couleur. Le pari est osé et réussi. Eric Stalner, l'auteur, s'en explique : "C'est une histoire que j'avais en tête depuis longtemps, cette boule rouge qui apparait sans raison. Et puis j'avais envie de creuser autour de ses deux personnages très différents, un flic bougon et une jeune fille extravertie des Années folles, que rien ne pouvait ou ne devait rassembler à priori." Ensemble ils mènent l'enquête. Ce couple, que l'on décrit comme "mal assorti" au cinéma, constitue ici aussi un formidable ressort de comédie. Un album au charme et à la sensibilité rare, à découvrir avec l'espoir que nous reverrons un jour ces deux là.

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La Brigade Chimérique - Ultime Renaissance de Serge Lehman, Gess et Stéphanie de Caneva (éd. Delcourt)

Le résumé de l'éditeur : Près d'un siècle après avoir été effacés de la mémoire collective, les surhommes légendaires de La Brigade chimérique font leur retour à Paris !

Dans le métro parisien, l'apparition d'un mutant monstrueux pousse les autorités à ouvrir leurs archives. Elles y trouvent trace de vieux justiciers aux pouvoirs étranges, oubliés depuis la seconde guerre mondiale. Charles Dex, « spécialiste en aberrations scientifiques », est chargé de les ramener à Paris. Mais y a-t-il encore une place pour les super-héros européens au XXIe siècle ?

Pourquoi le lire : "Pourquoi n’y a-t-il pas de super-héros français ou européen ?" Voilà la question qui taraude le jeune Serge Lehman en 1978, dans une lettre qu’il envoie au magazine Strange. « Non, seulement il n’y a pas de super-héros [...]en Europe occidentale, explique-t-il plus tard dans la postface de La Brigade chimérique (Ed. de L’Atalante) Mais il semble impossible d’en créer un qui ne soit pas un hommage, une parodie ou un décalque affaibli des grandes figures des comics US. »

12 ans après La Brigade chimérique, une première création de super-héros européens, Serge Lehman réhabilite les « surhommes » (traduction européenne de super-héros) oubliés du Vieux Continent, alors que Marvel et les comics US semblent avoir colonisé les esprits européens. Des personnages qui curieusement tombèrent dans l’oubli dès le début de la Seconde guerre mondiale, comme le soldat inconnu, un héros amnésique qui aurait travaillé avec Marie Curie dans son institut du radium ou Felifax, homme-tigre surpuissant issu d’une expérience génétique …

Avec cet album Ultime Renaissance, les auteurs livrent une œuvre à la croisée de ces deux mondes, le comics et le franco-belge, et qui démontre que leur frontière est beaucoup plus ténue qu'on ne pourrait le croire. La principale différence est que l’action se situe non pas à New York ou L.A., mais principalement en région parisienne, dans ce fameux « Grand Paris » qui pour certains appartient toujours au futur, tant il peine à prendre forme.

Que vous connaissiez ou pas les 4 tomes de La Brigade chimérique, sachez que le colossal one-shot de 240 pages est certainement l'occasion d’approfondir sa connaissance de la littérature fantastique européenne. Une réussite…

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Melvile, l'histoire de Ruth Jacob de Romain Renard (Éd. Le Lombard)

Le résumé de l'éditeur : Avez-vous déjà connu le grand amour ? Celui qui compte pour toute une vie, celui pour qui vous seriez prêt à tout, même au pire ?

Paul Rivest l'a connu. C'était durant un été à Melvile, il avait 14 ans, il est tombé amoureux de Ruth, la fille du pasteur. La passion s'est terminée dans une tragédie brûlante et Paul ne s'en est jamais remis.

Aujourd'hui, il est obligé d'y revenir après plus de vingt-cinq années d'absence. Mais Melvile a de la mémoire et ses habitants aussi…

Pourquoi le lire : Attention une fois les pages de cet album ouvertes, vous entrerez dans un univers hypnotique dont il est difficile de ressortir. Avec ses quatre tomes indépendants, Romain Renard nous livre quatre récits lynchiens d'une petite bourgade du Middle West. Graphiste, scénographe, musicien, cet artiste pluridisciplinaire nous embarque pour un voyage dans la ville qu'il a créée il y a 10 ans déjà : Melvile, un monde sauvage et brumeux, un village terré entre sa scierie et une forêt de sycomores. Des vivants et des morts irriguent ses albums. La narration est plus proche du roman que de la série classique de BD.

Melvile est un personnage à part entière, territoire au sein duquel gravitent Ruth Jacob, une adolescente amoureuse, Saul Miller, un astrophysicien en mal d'élèves, et Samuel Beauclair, un écrivain en panne d'inspiration.

Par la force de ses dessins souvent en pleine plage, Romain Roland réussit à nous chambouler. Un roman graphique à lire avec les yeux, mais aussi avec les oreilles. Cet ouvrage de 400 pages en grand format est un des joyaux incontournables de l’année, que l'artiste complète, sur le site qu'il a créé, de musiques et de spectacles - en attendant le long-métrage en préparation.

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Pour des amateurs de fantastique…

Les rivières du passé (2 tomes) de Stephen Desberg et Yannick Corboz (éd. Daniel Maghen)

Le résumé de l'éditeur : Dans les ruines d’une Venise ravagée, Lamia est à la recherche du codex qu’elle a subtilisé au seigneur de la peur. Avec l’aide de Linn, son amie et complice, elle part sur les traces de Ay, le pharaon maudit et le plus grand mystère de l’Égypte ancienne. En approchant de Venise, Lamia se remémore sa première rencontre avec le Seigneur de la peur, au Palazzo Grassi. La jeune archéologue a immédiatement été fascinée par cet homme étrange, dangereux, et qui n’ignorait rien des mystères de l’Égypte ancienne. Il lui fit visiter son palais, véritable musée constitué de trésors que l’on pensait disparus, en particulier une représentation de Ay, le pharaon maudit, dont toutes les représentations ont en principe été détruites. Ce pharaon oublié a-t-il été l’inventeur du premier Dieu unique ?

Pourquoi le lire : Yannick Corboz sait parfaitement déstructurer ses planches, avec des dessins qui débordent les cases, son trait est incisif et les couleurs sont splendides. L'ensemble sert parfaitement le récit de l'aventure de ses deux héroïnes : une archéologue brune retors et une habile voleuse rousse à mèche bleue.

Lors de la sortie des Rivières du Passé, il explique dans un entretien au magazine Ligne Claire : "Dans mes BD, je mets des références sur la peinture, et là ce sont les dessins de Victor Hugo méconnus. Je suis parti sur un Paris très sombre fait de silhouettes plus que de monuments connus. Il y a eu d’ailleurs une exposition au Louvre sur le Paris médiéval."

A travers ce diptyque, le scénariste Stephen Desberg joue une fois encore avec les distorsions du temps. Avec aisance, il nous fait basculer du Paris d’aujourd’hui dans un Paris médiéval pour le moins surprenant. Une odyssée originale au croisement de l'Histoire, du polar et du fantastique…

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Le Paris des Merveilles (tome 1 Les Enchantements d’Ambremer) de Pevel et Willem (éd. Drakoo)

Le résumé de l'éditeur : Bienvenue dans le Paris des Merveilles ! Nous sommes en 1909. Mage et gentleman, Louis Denizart Hippolyte Griffont se voit confier une enquête délicate : démasquer un tricheur usant de magie pour écumer un élégant cercle de jeu parisien. Parallèlement, il se trouve plongé au cœur d’une affaire d’état impliquant l’OutreMonde. Et comme si cela ne suffisait pas, voilà qu’une très séduisante fée renégate, espionne et cambrioleuse à ses heures, refait surface…

Pourquoi le lire : Et si une ligne du métropolitain donnait un accès direct à Ambremer, capitale du monde magique et cœur de l’Outremonde imaginé par Pierre Pevel dans un Paris de la Belle Époque ? Mais pas celui tel que nous le connaissons : la tour Eiffel est en bois blanc ! Le dessinateur Étienne Willem confie son plaisir jubilatoire : "Imaginer un gnome habillé à la gavroche pendu au zinc d'un bistrot parisien, un allumeur de réverbères qui utilise un petit dragon pour souffler sur les becs de gaz, ou encore un ogre se déplaçant dans les couloirs d'un immeuble haussmanien, c'est du pur bonheur." Mélange de Fantasy et de Steampunk, mais aussi d’enquête policière et de magie, Le Paris des merveilles est un récit foisonnant, aux rebondissements feuilletonnesques. Adapté d'une trilogie à succès, il est nécessaire d'être un peu attentif avec cette adaptation en BD pour ne rater aucun détail. Clin d'oeil pour les amateurs de la série Les Brigades du Tigre qui se déroule à la même époque : vous pourrez retrouver les inspecteurs de la première Police Mobile Pujol et Terrasson. Une uchronie dans un "Paris qui n'est ni tout à fait le nôtre, ni tout a fait un autre" et dont on attend la suite avec impatience…

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Pour des amateurs d'Histoire…

De sel et de sang de Frédéric Paronuzzi et Vincent Djinda (Éd. Les Arènes BD)

Le résumé de l'éditeur : Plongez dans un épisode peu connu de l’Histoire, qui s’est produit à Aigues-Morte. Cette bande dessinée vous permet de comprendre le conflit qui a divisé les Italiens et les Français dans les marais salants.

Ce mois d’août 1893 aurait pu disparaître des mémoires. La ville gronde d’une colère folle. L’étranger devient un animal à abattre, sans état d’âme.
Saura-t-on jamais ce qui a déclenché une telle folie ?

Les auteurs de De sel et de sang s’emparent librement de ces faits réels (qui ont une troublante résonance avec le monde d’aujourd’hui) et racontent ces moments de démence. On y découvre comment les discours nationalistes et cocardiers, les fantasmes xénophobes et la vieille rengaine « fiers d’être français », ont incité des laissés-pour-compte à se déchaîner contre leurs frères de misère avec une effrayante sauvagerie.

Pourquoi le lire : Une démence, une sauvagerie "indignes d'un peuple civilisé". C'est ce qu'écrira un journaliste du Journal du Midi (édition du 18 août 1893). Les ouvriers français, des "trimards" soutenus par les habitants et la bourgeoisie locale, font éclater leur rage, leur haine de l’étranger, du "rital", du "christo", des "Piémontais", des transalpins souvent originaires du nord et du centre de l'Italie. Ainsi commence une des pages les plus sombres de l'histoire moderne de la France selon certains historiens. Dès les premières pages de l’album, la tension est palpable : de provocations en insultes, des échauffourées vont éclater pour se transformer en chasse à l’homme et mettre la ville à feu et à sang.  Cet album se veut à la mémoire des dix morts de cette tuerie qui restera impunie.

Que s’est-il passé, les 16 et 17 août 1893, dans la cité gardoise, écrasée par un soleil de plomb ? Au plus près des faits, les dessins vibrent de la chaleur implacable sur les marais.  Dans le style des journaux de l'époque, comme L’Illustration, le trait de Vincent Djinda donne crédit à cette reconstitution poignante et minutieuse.

Pour Frédéric Panoruzzi, le scénariste, il s'agit avant tout d'une véritable tragédie du travail : "Je suis assez fasciné par la foule. De voir comment une simple bagarre, une rumeur, se transforme, grossit et finit par basculer dans la violence. A la fin, il faut quand même le savoir, il y avait 800 trimards face à seulement 50 Italiens encore debout. C'est absolument effrayant !

Et pour lui, cet épisode "honteux" résonne encore fortement, près de 130 ans après les faits. Il y est déjà question de migrants, de racisme et de xénophobie. 

Cette histoire, elle nous parle. Elle parle à notre société d'aujourd'hui. Quand on utilise encore le drapeau, la Marseillaise, pour désigner l'Autre et l'exclure, comme on l'a vu lors de la campagne présidentielle.

Frédéric Paronuzzi, scénariste

https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/gard/de-sel-et-de-sang-le-massacre-des-italiens-d-aigues-mortes-en-1893-en-bande-dessinee-2541488.html

Par souci de réalité historique, le scénariste et le dessinateur ont effectué de longs repérages dans la cité gardoise. Et même poussé très loin la reconstitution, jusque dans le texte des bulles ! 

Une œuvre aboutie, dérangeante et instructive à découvrir…

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Rivage de la colère de Laurent Galandon et Rachid N'Haoua (éd. Philéas)

Le résumé de l'éditeur : 1968, la République de Maurice accède à l'indépendance après 158 ans de domination britannique. Les insulaires des Chagos sont réunis sur la plage : ils ont une heure pour quitter leur île. Marie-Pierre Ladouceur se retrouve exilée dans un bidonville sordide, sans espoir de retour…

Après le déchirement vient la colère et, avec elle, la révolte.

Septembre 2018. Pour Joséphin, l'heure de la justice a sonné. Dans ses yeux, le visage de sa mère…

En mars 1967, Marie-Pierre Ladouceur vit à Diego Garcia, aux Chagos, un archipel rattaché à l'île Maurice. Elle y fait la connaissance de Gabriel, un Mauricien venu seconder l'administrateur colonial. Un homme de la ville. Une élégance folle.

Quelques mois plus tard, Maurice accède à l'indépendance après 158 ans de domination britannique. Mais les soldats convoquent les Chagossiens sur la plage : ils ont une heure pour quitter leur île, abandonner leurs bêtes, leurs maisons, leurs attaches. Et pour quelle raison ? Pour aller où ?

Après le déchirement vient la colère et, avec elle, la révolte.

Une histoire d'amour impossible qui nous plonge dans le drame historique des Chagossiens — vendus aux Anglais par le gouvernement mauricien ; une population de 2000 habitants devenus parias et écrasés par l'Histoire, qui peu à peu vont retrouver leur dignité dans le combat.

Pourquoi le lire : Pas simple d'adapter en BD un pavé romanesque. La romancière Caroline Laurent connaissait cette histoire par sa mère, mauricienne, qui la lui racontait étant enfant, et s'est longuement documentée sur les habitants des Chagos et leur déportation. Le roman de 432 pages, salué par la critique, est ici condensé en 96 planches. L'histoire méconnue est dense d'un petit paradis bien fragile, les personnages nombreux ; émerge avec force une femme puissante, Marie-Pierre Ladouceur, aux origines bien modestes. "Sauvage. Sagouin. Nègre-bois. Voleur. Crétin. Crevard. Fils de rien. Chagossien, ça voulait dire tout ça quand j'étais enfant. Notre accent ? Différent de celui des Mauriciens. Notre peau ? Plus noire que celle des Mauriciens. Notre bourse, vide. Nos maisons, inexistantes", écrit Caroline Laurent. Les Chagossiens ne reverront jamais leur archipel.

Avec les Rivage de la Colère, plus qu'un voyage dans des paysages peu connus, c'est un nouveau chapitre de l'histoire coloniale dans l'océan indien qui se révèle dans cet album. Une histoire sur l'exil, la colère et l'espoir, bien servis par des dessins efficaces et une adaptation bien construite.

Notre coup de coeur 2021 toujours d'actualité :

La Bibliomule de Cordoue, de Wilfrid Lupano et Léonard Chemineau (éd. Dargaud)

Pour découvrir un des cinq finalistes du grand prix de la critique ACBD 2022, retrouvez notre article ici.

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