Avec l'inflation, de nombreux clients se rabattent sur des produits moins chers. Or, dans le même temps, les producteurs ont vu leurs coûts exploser à cause notamment de la sécheresse. Certaines exploitations pourraient ne pas survivre.
Cela n'était jamais arrivé en avril, Nathalie Delahaye n'a sorti que sept bœufs dans ses pâturages du Heaulme dans le Val-d'Oise. Ses 120 génisses et vaches laitières sont cantonnées à l'étable, la sécheresse des sols empêche la nature de se développer. En temps normal, l'herbe devrait arriver à hauteur du mollet "là, il n'y a pas suffisamment pour les nourrir" regrette l'agricultrice.
L'été dernier, c'était déjà pareil, alors Nathalie Delahaye a épuisé son stock de fourrage. Pour nourrir ses bêtes cet hiver, elle a dû acheter du maïs, obligatoirement bio car elle vend du lait bio. Facture totale pour les grains : 17 000 euros. "C'était pas du tout prévu dans ma trésorerie donc là ça me fout complétement à plat", en plus de la nourriture, le prix du carburant a explosé pour son tracteur et le prix de vente du lait bio s'est effondré faute de consommateurs.
Pour survivre, l'agricultrice n'a qu'une solution, envoyer ses vaches à l'abattoir : "là aujourd'hui, mes camions de maïs que je viens de rentrer, tous les mois je vais avoir un lot de bêtes qui va partir pour payer les factures. Honnêtement je suis abandonnée aussi bien par le consommateur que par l'Etat".
La filière bio en déroute
Beaucoup de consommateurs adeptes du bio et du local pendant le confinement sont partis et l'inflation a mis un gros coup de frein à la croissance des magasins bio. À Deuil-La-Barre, le magasin Eco-Bio a perdu 10% de son chiffre d'affaires en trois ans. "Il y a des personnes qui ne viennent pas, pensant que c'est bien plus cher en magasin bio alors que ce n'est pas vrai. Et puis il y a des personnes qui viennent quand même, qui sont clients mais qui font attention à leur budget" reconnait Freddy Carpentier, le gérant de la boutique.
Le budget des agriculteurs bio d'Ile-de-France est dans le rouge. Maraîchers, éleveurs, céréaliers, tous voient leurs revenus diminuer, aussi à cause de la fin des aides de l'Etat. "On aurait souhaité un paiement pour services environnementaux rendus. On ne pollue pas l'air, on ne pollue pas l'eau, l'impact sur la santé n'est pas encore chiffré mais il est énormissime. Investir dans une agriculture vertueuse me parait indispensable, c'e n'est pas le cas aujourd'hui" déplore Thomas Lafouasse, vice-président du GAB (Groupement Agriculteurs Biologiques) Ile-de-France.
L'exploitation de Nathalie Delahaye ne survivra pas à une deuxième année de sécheresse si les consommateurs et l'Etat ne lui viennent pas en aide.
Retrouvez tous nos reportages sur idf.france3.fr