REPORTAGE. Rentrée scolaire : dans l'académie de Versailles, devenir prof prend 30 minutes

L'académie de Versailles manque de professeurs. Pour éviter les classes vides en septembre, quatre jours de job dating intensifs ont lieu cette semaine, ouverts aux diplômés d'un bac+3 quelle que soit leur filière.

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Des tables, des chaises, et des candidats qui se succèdent pour une vie nouvelle. Trente minutes pour convaincre, les yeux dans les yeux. On pourrait croire à des entrevues de célibataires mais non, on parle éducation avec "des femmes et des hommes qui changent la vie pour toute la vie", nous explique-t-on.

Au rectorat de Versailles (Yvelines), devenir prof prend donc trente minutes. Vingt-sept même, on a compté avec cette candidate qui se confie en sortant de la salle. Elle est au chômage, diplômée en économie, et après une "démarche de réflexion", elle tente le professorat des écoles. Mais ce mode de recrutement la questionne, elle a "peur du rapport avec les professeurs titulaires si elle est embauchée".

Les titulaires ont en effet pour la plupart passé le concours (CRPE) après deux années de Master dédié aux métiers de l'éducation (MEEF). Ils ont donc mis plusieurs centaines d'heures à apprendre à tenir une classe, à enseigner les contenus des programmes, et donc plusieurs milliers de minutes. On comprend donc la crainte de cette candidate après sa petite demi-heure de job dating sur ce parquet ciré. Elle continue de douter : "On va être immergé dans un chaudron, c'est un sacré challenge quand même... Ils sont en galère je crois."

610 contractuels recrutés l'an dernier

"Ils", c'est le rectorat, qui a aujourd'hui cinq cents postes de contractuels à pourvoir dans les maternelles et primaires de ses quatre départements. Et visiblement, les "canaux habituels" de recrutement ne sont plus suffisants pour assurer un.e professeur.e dans chaque classe en septembre.

"Changer la vie pour toute la vie" ne fait donc plus rêver. Depuis deux ans, le manque de professeurs est problématique dans l'académie. À titre d'exemple, sur 1285 postes de titulaires à pouvoir cette année via le concours, seuls 833 candidats sont admissibles. La même opération de recrutement intensif a donc déjà dû être organisée l'an dernier dans les mêmes conditions et avec, pour seul critère pour candidater, un diplômé Bac+3. Plus de 600 contractuels avaient alors été embauchés en quatre jours.

Quand on demande à Michael Khirat, le chargé de mission recrutement auprès du DRH de l'académie, si ça ne pose pas problème d'embaucher pour septembre des personnes n'ayant parfois jamais eu de classe devant eux, il évacue d'un trait cet argument : "une des qualités d'un professeur est sa volonté d'incarner un cours et animer le face-à-face pédagogique. Nos recruteurs sont en mesure de déceler ce potentiel." L'attaché de presse du rectorat précise que tout est accompagné. "Il y a un portail pédagogique mis en ligne avec des modules construits pour les contractuels"

À ces tutos s'ajoute une formation : cinq jours en août (les embauchés démarreront leur contrat mi-juin). Et lorsqu'on parle de la difficulté à enseigner tel ou tel point de programme à des petits, on nous répond là aussi du tac au tac : "ça s'apprend..." et 'il y a "trois jours de formation personnalisée aux vacances suivant la rentrée". 

"Plus personne ne veut faire ce métier"

Devant la porte, une candidate attend son tour. Elle a fait le fameux master MEEF sans avoir le concours, alors ce recrutement est la seule solution pour elle, en attendant de retenter sa chance l'an prochain, "c'est ça ou faire caissière..." En regardant la grande salle où les entrevues s'enchaînent, elle doute, elle aussi. "Ça me pose problème honnêtement, déjà qu'avec mes deux années de master je n'ai pas l'impression d'être légitime... alors tous ces gens ! Le problème, c'est que l'académie doit trouver des profs alors que plus personne ne veut faire ce métier, c'est mal payé et les conditions sont nazes..."

Sur son communiqué justement, le rectorat dit s'occuper de ça. Il parle d'"opérations de transformation pour rendre l’école plus attractive" et promet à chaque contractuel un relèvement de la prime d'activité de plus de... 100 euros. Les contractuels, payés entre 1550 et 1800 euros nets par mois, peuvent aussi passer le concours interne après dix-huit mois d'enseignement. "Toutes ces initiatives porteront leurs fruits", nous explique-t-on sur le document. La plume est optimiste.

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