Témoignage. "Je ne m’attendais pas du tout à recevoir une OQTF, l'obligation de quitter la France" : mobilisation pour une mère de famille

Publié le Écrit par Toky Nirhy-Lanto

Fadhila, 47 ans, est mère de quatre enfants, dont l'une est encore scolarisée à Vitry-sur-Seine dans le Val-de-Marne. Après sa demande de carte de séjour, elle se voit demander de quitter la France. Une décision injustifiée selon elle et ses soutiens qui se mobilisent.

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Fadhila est arrivée en France en juillet 2018 accompagnée de ses quatre enfants. Deux de ses enfants sont partis et travaillent. Les deux derniers vivent avec elle chez une amie à Vitry-sur-Seine. L'un est étudiant et la dernière au lycée.

La femme de 47 ans a déposé sa demande de carte de séjour auprès de la préfecture du Val-de-Marne, en octobre dernier. En même temps que son dernier fils majeur, 18 ans en septembre, qui, lui, a obtenu cette carte, au titre d'étudiant. Pourtant, son espoir est vite refroidi : elle se voit notifier une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

Un couperet inattendu

"Je ne m’attendais pas du tout à recevoir l’ordre de quitter la France. Je souhaite pouvoir avoir cette carte, pour travailler avec dignité. Avoir un logement et vivre dignement comme tout le monde, ne pas profiter des aides sociales." L'inquiétude de Fadhila dure depuis février, et ce jour où cette décision est tombée. Actuellement chez une amie, avec ses deux derniers enfants, la mère de famille se dit en règle : "Je sais qu'il s'agit d'une admission exceptionnelle, mais mon dossier est bon et il est solide."

L'admission exceptionnelle est un dispositif qui permet d'obtenir une carte de séjour "vie privée et familiale", sous conditions. Il faut, par exemple, 5 ans de présence en France et des enfants étrangers scolarisés. C'est ce qu'invoque Fadhila, celle qui exerce actuellement comme femme de ménage à temps partiel. "C'est 5 ans de présence et 3 certificats d'école pour l'admission exceptionnelle, mais moi j'ai bien plus que cela. Ma fille a eu la mention très bien au brevet et mon fils a eu son bac avec mention assez bien, et j'ai aussi une promesse d'embauche", prend-elle le soin de nous préciser.

Son incompréhension est encore plus forte. Cela fait six ans qu'elle vit en France avec sa famille. D'où cette incrédulité, devant les motifs et les erreurs de la préfecture. "On me dit que je n'ai pas d'attachement familial, alors que mes sœurs, mes frères, mes cousins, mes tantes et mes parents résident en France et sont Français. La préfecture indique que mes enfants sont de nationalité algérienne. Je n'ai rien à voir avec l'Algérie, moi et mes enfants sommes Tunisiens. Pour la préfecture, mes enfants vivraient en Tunisie, mais ils sont ici en France", s'étonne-t-elle. 

Fadhila dit "ne plus avoir personne là-bas" et que "sa vie est ici". Elle met en avant plusieurs aspects : "Je suis bénévole pour le Secours Catholique, le Secours Populaire, mais aussi pour les Restos du Coeur. Je suis des cours de français, depuis notre arrivée. En Essonne au début, puis à Alfortville quand j'ai déménagé, et maintenant au collège Maurice-Audin à Vitry. Je vais bientôt passer le DELF, un diplôme de langue française."

Mobilisation à plusieurs niveaux

La décision administrative fait réagir dans sa commune de résidence. En attendant, elle a déposé un recours "gracieux", contre cette décision de la préfecture. Outre son indignation, elle peut compter sur des membres de la communauté scolaire, associative et politique qui la soutiennent.

La mère de famille a contacté plusieurs députés. Il y a d'abord eu Mathilde Panot (La France Insoumise-Nupes), pour la circonscription de Vitry-sur-Seine : "Elle a envoyé un mail à la préfecture. Sa secrétaire a bien reçu une réponse de leur part pour dire qu'ils ont reçu le mail, mais pas d'autre réponse."

Fadhila contacte ensuite Isabelle Santiago, députée (Parti Socialiste-Nupes) d'Alfortville. Là non plus, malgré la relance de cette députée, la préfecture est muette. Vient enfin une entrevue avec le maire (Parti communiste français) de Vitry-sur-Seine, où elle est accompagnée d'un responsable du Secours Populaire. "Il a eu ensuite un rendez-vous avec la préfète, où je suis venue avec mon dossier complet. La préfète a tout le dossier en main", explique-t-elle. 

En parallèle, des soutiens se mobilisent pour Fadhila. C'est le cas au lycée Adolphe-Chérioux de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), où est scolarisée sa fille Jihen. "Une élève de 2nde et sans histoire, 15 ans", selon Vincent Jolivet, enseignant. Il ne l'a pas dans sa classe, mais reconnaît ses qualités : "En bonne élève, elle fait ce qu'on lui demande. La seconde est une classe d'orientation, et elle se projette déjà dans ses choix pour l'année prochaine. Elle se voit déjà dans les options scientifiques", indique le professeur d'histoire-géographie du lycée.

L'association Réseau éducation sans frontières (RESF), en lien avec l'établissement scolaire et des élèves, aide également Fadhila. "Il y a une pétition qui tourne avec 600 signatures collectées. Deux rassemblements devant la préfecture ont eu lieu les 20 et 27 mars, avec une vingtaine de professeurs et près de 80 élèves. La préfecture ne nous a pas reçus", précise Pablo, retraité de l'Éducation nationale et représentant de RESF sur Vitry. "La seule réponse de leur part, c'est l'accusé de réception de la Poste qui indique que le recours gracieux a bien été reçu", souligne-t-il.

"Ce qui nous préoccupe actuellement, c'est qu'il n'y a aucune réponse de leur part. Aucune audience qui n'a été accordée. La seule mesure d'apaisement, ce serait que la préfecture reconnaisse ses erreurs. C'est une décision à l'emporte-pièce, il faut qu'elle annule l'ordre de quitter le territoire français", ajoute Pablo. "Il n'y aura pas d'autres actions dans l'immédiat, pour soutenir Fadhila, mais on espère avoir de bonnes nouvelles à annoncer aux élèves après les vacances", espère-t-il.

Dans le cas contraire, ils projettent d'organiser d'autres rassemblements pour la soutenir cette mère de famille.

LIRE AUSSI. Des parents d'élèves occupent une école en soutien à deux familles étrangères sans abri et sans papier.

Contactée, la préfecture du Val-de-Marne n'a pu répondre à notre demande d'interview dans les délais impartis.

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