Dissolution des Soulèvements de la terre. "Il ne faut pas se détourner du fond et de l'urgence" dénoncent plusieurs associations opposées à la méga-bassine de Sainte-Soline

La volonté de dissoudre le mouvement des Soulèvements de la Terre exprimé par le ministre de l'Intérieur mardi 28 mars n'a pas entamé la détermination de plusieurs associations de Loire-Atlantique. Elles continuent à lutter contre les bassines et souhaitent ouvrir un dialogue sur l'urgence d'une gestion partagée de la ressource en eau.

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Gérald Darmanin a annoncé ce mardi 28 mars devant l'Assemblée nationale avoir "décidé d'engager la dissolution des Soulèvements de la Terre, que je proposerai après un débat contradictoire à un prochain conseil des ministres". 

L'allocution du ministre de l'Intérieur fait suite à la manifestation contre la méga-bassine de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) samedi 25 mars, lors de laquelle de violents affrontements ont éclaté entre opposants au projet et forces de l'ordre.

En Loire-Atlantique, l'organisation Attac 44, l'association Notre-Dame-des-Landes Poursuivre Ensemble et le syndicat Confédération paysanne 44 continuent de contester la méga-bassine.

Ces collectifs dénoncent une diversion et un effet d'annonce qui détournent l'attention du fond et de l'urgence du sujet : la gestion équitable et partagée de l'eau. 

Demande d'un moratoire pour étudier l'utilité des bassines

Les trois organismes sont en faveur d'un moratoire pour suspendre les projets d'aménagement de bassines. Selon Christian Grisollet, co-président de l'association Notre-Dame-des-Landes Poursuivre Ensemble (NDDL PE), "il y a un refus du moratoire, et d'une concertation pour discuter du fond".

"Ces projets ne font absolument pas l'unanimité. Les organisations demandent des études plus poussées sur les méga-bassines pour savoir si elles peuvent être des solutions face au changement climatique", explique Juliette Radepont, porte-parole de l'organisation altermondialiste Attac 44, qui a participé à l'organisation de la manifestation du 25 mars.

Il y a un refus du moratoire et d'une concertation pour discuter du fond.

Christian Grisollet

Co-président de Notre-Dame-des-Landes Poursuivre Ensemble

Pour Jean-Christophe Richard, agriculteur et co-président de la Confédération paysanne, "les bassines ne sont pas une solution miracle".

La dissolution, il en prend acte sans s'en émouvoir et soutient que "la vraie question est de savoir où sont les lieux de discussion pour exposer nos préoccupations sur le sujet. Il est urgent d'organiser des espaces de dialogue".

Un effet d'annonce pour dissuader 

Attac 44 et NDDL PE ne sont pas non plus déstabilisés par l'annonce de la dissolution. 

"On ne peut pas dissoudre un mouvement de cette ampleur, estime Juliette Radepont, il y a des dizaines d'organisations qui sont derrière, des syndicats, des citoyens...Il va continuer sous une autre forme."

Pour la porte-parole, il s'agit "juste d'un effet d'annonce qui met de l'huile sur le feu. Ça ne peut que mettre en colère avec le climat actuel. Le gouvernement ne se rend pas compte du nombre de gens qui sont en colère".

Le mouvement va continuer sous une autre forme. La dissolution est juste un effet d'annonce qui met de l'huile sur le feu.

Juliette Radepont

Porte-parole d'Attac 44

Christian Grisollet s'étonne aussi que "le gouvernement ait la volonté de dissoudre un mouvement qui regroupe des dizaines d'organisations".

C'est une façon, selon lui, de punir pour l'exemple et de dissuader de contester les projets de bassines, "d'attaquer la volonté de faire avancer les choses". 

À contresens des enjeux climatiques

Jean-Christophe Richard continue à "vouloir se mettre au tour de la table pour porter nos préoccupations sur le climat".

La, ou plutôt les tables en question : celles d'instances de décision telles que les Comités locaux de l'eau et les Agences de l'eau, où le co-président estime n'avoir que des "des petits sièges, des petites places".

Il subit pourtant déjà les conséquences du manque d'eau dans son exploitation agricole, qui n'est pas irriguée et ne pourrait donc pas bénéficier de bassines pour être alimentée en eau.

Nous voulons continuer à nous mettre autour de la table pour porter nos préoccupations sur le climat. Il faut réfléchir tous ensemble, y compris avec les citoyens.

Jean-Christophe Richard

Co-président de la Confédération paysanne 44

Ses prairies ne dépendent que de l'eau de pluie, et les périodes de micro-sécheresses comme celle du début d'année sont particulièrement difficiles pour son activité et le contraignent à réduire la durée de pâturage des bêtes. 

Juliette Radepont regrette que "l'État passe en force sur ces projets absurdes qui ne sont pas cohérents avec les enjeux de la crise climatique".

Justice fiscale, sociale et environnementale

"C'est ridicule, lance-t-elle, ces projets coûtent cher pour finir par être rebouchés quand les nappes sont trop asséchées pour les remplir. Il faut arrêter les dégâts, d'autant plus que ce sont nos impôts qui paient ces projets."

La porte-parole affirme qu'Attac 44 reste mobilisée contre les "méga-bassines qui représentent un enjeu de justice fiscale puisque l'État subventionne massivement les projets".

Il faut arrêter les dégâts, d'autant plus que ce sont nos impôts qui paient ces projets.

Juliette Radepont

Porte-parole d'Attac 44

Pour l'association, le projet de Sainte-Soline touche aussi à des enjeux de justice sociale et environnementale "parce que la ressource en eau est précieuse, et parce que cette bassine ne bénéficiera qu'à 6% des agriculteurs de l'agro-industrie. Dans le même temps, les paysans qui respectent le cycle de l'eau ne pourront pas puiser dans ces bassines et se retrouveront avec des puits à sec"

"La dissolution n'arrêtera rien. C'est une lutte pour l'eau et donc une lutte pour la vie", renchérit Christian Grisollet pour NDDL PE. Présent à Sainte-Soline le 25 mars, il se dit plein d'espoir au vu de la forte mobilisation contre les méga-bassines  qu'il a pu constater. 

Un "groupuscule violent"

Les Soulèvements de la Terre est un groupement constitué d'anciens zadistes de Notre-Dame-des-Landes, selon le journaliste Erwan Seznec sur Sud Radio. Une information tout droit venue de son enquête sur le collectif créé en 2021.

Le ministre de l'Intérieur a désigné le mouvement de "groupuscule fiché par les services de renseignement et responsables de grandes violences" pour justifier l'engagement d'une procédure de dissolution.

Il a aussi dénoncé leurs actions : "Plusieurs envahissements d'entreprises, plusieurs exactions fortes contre les forces de l'ordre, plusieurs destructions de biens, des centaines de gendarmes ou de policiers blessés, plusieurs [de ses membres] appellent à l'insurrection". 

Une tentative de "faire baisser l'attention sur les violences meurtrières déchaînées contre les manifestants"

Le mouvement a répliqué que cette annonce de dissolution constitue "une tentative crapuleuse par le ministre de l'Intérieur de faire baisser l'attention sur les violences meurtrières qu'il a déchaînées contre les manifestants de Sainte-Soline"

Pour le collectif, "il s'agit là encore d'étouffer un mouvement politique fédérateur qu'il considère comme un affront".

Le mouvement des Soulèvements de la Terre se préoccupe principalement du soutien "de dizaines de blessés graves, dont deux sont encore entre la vie et la mort à ce jour"

Entre compréhension et condamnation de la violence

Sur ce point, Attac 44, NDDL PE et la Confédération Paysanne ne s'accordent pas tout à fait.

Juliette Radepont (Attac 44) et Christian Grisollet (NDDL PE) dénoncent de concert les violences disproportionnées infligées par les forces de l'ordre, qui auraient déclenché la fureur des manifestants et les débordements.

Attac 44 a signé un appel au rassemblement devant les préfectures du pays "contre les violences policières".

Selon Christian Grisollet, le gouvernement adopte une rhétorique qui "stigmatise les militants en les présentant comme des terroristes"

Jean-Christophe Richard, quant à lui, déclare que la Confédération paysanne du 44 "condamne toute forme de violence des deux côtés. Nous sommes allés à Sainte-Soline de façon pacifique"

Un rassemblement interdit par la préfecture

La manifestation du samedi 25 mars à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) était organisée par les Soulèvements de la Terre, le collectif Bassines non merci et la Confédération paysanne. 

Ce rassemblement, comme le précédent fin octobre 2022, avait été interdit par la préfecture et plus de 3 000 membres des forces de l'ordre ont été mobilisées autour du chantier.

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Selon les autorités, il a réuni quelque 6 000 manifestants, dont un millier d'activistes radicaux. Les organisateurs parlent de leur côté de 30 000 personnes.

Les méga-bassines et les ressources en eau

Les bassines sont des réserves d'eau destinées à l'irrigation agricole. Elles ressemblent à des piscines en plein air au milieu des champs et l'eau qui les alimente est puisée dans les nappes phréatiques lorsqu'elles se remplissent en hiver.

L'eau est stockée pour être utilisée en été par les agriculteurs. En France, les bassines existantes se trouvent principalement en Vendée, dans les Deux-Sèvres et la Vienne, et plus à l’Est en région Auvergne-Rhône-Alpes. 

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La réserve d'eau en construction à Sainte-Soline est l'une des 16 prévues dans la région pour une capacité totale de six millions de mètres cubes.

Ce projet porté par une coopérative d'agriculteurs irrigants, avec le soutien de l'État, est contesté de longue date par plusieurs collectifs en Poitou-Charentes.

La question des bassines fait surgir des tensions autour du partage des ressources d'eau, et les bassines sont décriées car elles s'apparentent, pour les opposants, à une façon d'accaparer l'eau pour l'agriculture intensive de cultures très consommatrices comme le maïs. 

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