La réforme de la police judiciaire de Gérald Darmanin vise à mutualiser les services de police, ce qui inquiète les officiers qui craignent de ne plus avoir les mêmes budgets pour mener à bien un travail bien particulier.
Trafic de drogue, meurtres complexes, criminalité organisée, délinquance financière. Les tâches de la police judiciaire ne manquent pas de diversité.
À Nantes, ils sont 45 à aller sur le terrain au quotidien pour tenter de résoudre ces affaires. Un travail de l'ombre qui peut parfois avoir des conséquences sur la vie personnelle.
"Beaucoup de nos collègues sont divorcés"
"C'est énormément d'implication, on passe beaucoup plus de temps au travail qu'à la maison. Cela n'est pas sans conséquences. Beaucoup de nos collègues sont divorcés ou dans une situation personnelle difficile. C'est un métier de passionné", constate un officier de police judiciaire, qui ne peut pas révéler son identité.
Un constat que son collègue de travail appuie : "C'est vrai que c'est difficile de rentrer chez soi et puis de passer à la vie courante. On pense encore à nos enquêtes. Le week-end ou en vacances on y pense et on peut être rappelés si on a des mandats d'arrêt sur des suspects impliqués dans nos enquêtes."
Un quotidien bientôt bouleversé ?
Un métier difficile, où les officiers de police judiciaire côtoient au quotidien la mort, la détresse des victimes, ce qui soude : "On a un vrai esprit de famille dans la profession. Avec ce qu'on voit sur le terrain, cela resserre vraiment les liens entre enquêteurs."
Un quotidien qui sera bientôt bouleversé par la réforme de la police judiciaire, portée par le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin. Cette réforme vise à mutualiser les différents services de police.
Un vent de contestation partout en France
Une réforme qui ne passe pas et qui a mobilisé les officiers de police judiciaire partout en France, comme par exemple à Marseille, où les policiers ont organisé une "haie du déshonneur", lors d'une visite de Frédéric Veaux, directeur de la Police Nationale venu présenter la réforme.
À Nantes aussi, un vent de contestation souffle aussi. En octobre, une trentaine de fonctionnaires de la police judiciaire se rassemble devant le palais de justice pour protester, inquiets de voir leur service fusionné avec la police nationale.
"C'est une mauvaise réforme parce que la délinquance se spécialise de plus en plus, il faut une police qui est aussi spécialisée pour pouvoir contrer les criminels. On veut faire de nous des policiers généralistes."
"On ne sait pas si on aura le même budget"
L'autre crainte des officiers de police judiciaires, c'est la mutualisation des directions des différents services : "Avec un directeur pour tous les services, on ne sait pas si on aura le même budget, et donc les mêmes moyens pour faire notre travail."
Si le gouvernement maintient la réforme telle qu'elle est aujourd'hui, les officiers de police judiciaire craignent une fuite des effectifs, notamment dans un secteur qui ne fait plus rêver, et peine déjà à recruter.
(Un reportage de Céline Dupeyrat, d'Olivier Quentin et de Nathalie Saliou)
Le point de vue de l'ancien commissaire Jean-Marc Bloch
Jean-Marc Bloch, ancien commissaire de police, était l'invité de notre édition régionale mardi 10 janvier 2022.
Pour celui qui a été chef d'état-major de la direction de la police judiciaire du 36, quai des Orfèvres,, "la réforme en elle-même n'est pas forcément une aberration, c'est plus compliqué que ça".
"C'est vrai que la police est organisée en tuyau d'orgue, c'est un système extrêmement compliqué où il n'y a aucune coordination territoriale à aucun niveau territorial. Donc une réforme est nécessaire pour cette raison et pour une autre raison aussi, les commissariats sont engorgés".
Les enquêteurs des commissariats sont débordés par le judiciaire du quotidien sur leur bureau s'empilent 50-60 dossiers
Jean-Marc BlochAncien commissaire de police
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