La pêche dans le golfe de Gascogne est partiellement interdite pour un mois. L'essentiel des bateaux de pêche est à quai pour préserver les dauphins. Une interdiction d'un mois qui angoisse la filière malgré les aides annoncées et qui crée une certaine incompréhension.
La filière va être indemnisée, mais la colère et l'incompréhension sont profondes face à cette décision prise par le Conseil d'État pour protéger les populations de dauphins.
Alain Burgadeau est tout juste retraité. Ce pêcheur de l'Herbaudière, à Noirmoutier, a quarante années de métier et "en quarante ans, je ne sais pas si j'ai pu pêcher 40 dauphins. C'est même pas un dauphin de moyenne par an".
"Vous voyez bien, la Vendée, c'est l'Arc Atlantique. Et tous les ans, à cette saison, il y a une migration de dauphins qui se fait et ils viennent s'échouer là. C'est naturel. Mais ça, ils nous mettent à chaque fois ça sur le pompon".
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"À chaque fois, c'est Pelagis qui vient faire les autopsies, et à chaque fois, c'est capture accidentelle. En Europe du Nord, c'est d'autres scientifiques qui font des autopsies. Eux, là-bas, c'est la grippe aviaire, c'est des maladies animalières. Et chez nous, c'est toujours nous qui sommes montrés du doigt".
C'est la nature qui est comme ça, puis maintenant les conditions ont changé, les courants ont changé, tout a changé, et puis du coup ils perdent le nord comme on dit, puis ils viennent s'échouer
Alain BurgadeauPatron-pêcheur pendant 40 ans
"Pendant quarante ans, on aurait pêché dix, quinze dauphins par an, ou même plus. On aurait dit putain, ouais, c'est vrai, là, on a fait les cons, on ferme notre gueule et tout, et puis voilà, on paye ce qu'on a fait. Mais au contraire, on n'en a jamais pêché. C'est quasi zéro".
On a toujours fait une pêche responsable pour que ça dure
Alain BurgadeauPatron-pêcheur pendant 40 ans
"Ils ne savent pas faire le juste milieu. De toute façon, tous les chiffres sont calculés comme ça. Moi, ça fait trente ans que je fais partie du groupe de travail Soles En trente ans, qu'est-ce qu'on a fait ? On n'a rien fait du tout".
Ça ne va rien changer du tout, ça va juste foutre la filière en l'air, c'est tout ce que ça va faire, mais pour la ressource et les dauphins ça ne va rien faire du tout
Alain BurgadeauPatron-pêcheur pendant 40 ans
Un plan expérimental qui tombe à l'eau
"On ne comprend pas pourquoi le juge des référés n'a pas pris en compte les références scientifiques qui disent qu'il y a des évaluations qui ont été faites l'année dernière et la population des cétacés est stable, explique Christian Cloutour, directeur de l'organisation des pêcheurs de l'Île de Noirmoutier, il n'y a pas du tout de danger. C'est pour ça qu'on ne comprend pas pourquoi il y a cette mesure".
"Et puis tous les bateaux, je crois que c'est 85 ou 86 % des bateaux, sont équipés de répulsifs. Momentanément, lorsque l'on met les filets à l'eau, il y a une sorte d'émission pour prévenir les dauphins qu'il y a une présence de filets".
Christian Cloutour rappelle qu'il y avait "tout un plan expérimental qui devait être mis en place, des caméras à bord des bateaux, pour vous dire jusqu'à quel point des matériels intrusifs comme ça étaient admis par les marins. Et donc tout ce plan expérimental tombe à l'eau, c'est balayé d'un revers de main, et là, on va pas pouvoir expérimenter, alors que l'Europe nous obligeait à mettre en place un champ expérimental pour la fin de l'année"
On devait mettre en place des matériels qui permettraient aux marins de côtoyer les dauphins sans les tuer.
Christian CloutourDirecteur de l'organisation des pêcheurs de l'Île de Noirmoutier
"Le marin est résilient, donc on arrivera toujours à continuer. Mais quand on réfléchit bien, c'est complètement démesuré. On parle de transition écologique. OK, d'accord. Il y a un objectif écologique, c'est la protection des dauphins. Mais il y a aussi les objectifs sociaux, les objectifs économiques. On ne peut pas tout annuler et ne raisonner que l'écologie. Tout doit se faire avec un accompagnement".
L'inquiétude des marins est également de savoir si le personnel sera là pour repartir en mer à la fin de l'interdiction.
Propos recueillis par Sandrine Gadet
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