Électro-hypersensible, un habitant des Alpes-de-Haute-Provence a trouvé refuge depuis huit ans dans la forêt du Vanson, une zone blanche où il campe pour échapper aux ondes. Son répit se voit menacé par l’installation d’une nouvelle antenne relais à proximité. Désemparé, Philippe Tribaudeau réclame "un lieu pérenne où vivre décemment".
"Mon cerveau brûle". Les traits tirés, Philippe Tribaudeau ne dort presque plus. Depuis dix jours, une nouvelle antenne relais a été mise en service à proximité de son campement, lui rendant la vie impossible. Cet ex-enseignant avait dû se retirer de la vie active une dizaine d'années auparavant, en raison de son électrohypersensibilité. Un syndrome qui le rend particulièrement réceptif aux ondes, tandis que le wifi, le Bluetooth et autres réseaux de téléphonie mobile ont envahi notre environnement jusque dans ses moindres recoins.
Chassé par les ondes
Exposé aux ondes électromagnétiques, le sexagénaire ressent de vives brûlures intracrâniennes, "des milliers de petites épingles qui [lui] picotent le cerveau", faisant de lui "un légume". "Vivre en souffrant tout le temps, ce n’est pas tenable", confie-t-il. Voilà qui le pousse, dès 2010, à quitter les zones urbanisées pour échapper à ses souffrances.
Philippe Tribaudeau, vit depuis huit ans en ermite dans le confort sommaire d'un camping-car, avec sa compagne et leur fille. Il a trouvé refuge sur la commune d'Entrepierres, dans la forêt domaniale du Vanson, non sans rencontrer de nombreux obstacles. Toléré puis menacé d'expulsion par l'Office national des forêts, il est aujourd'hui de nouveau indisposé depuis la récente mise en service d’une antenne relais à proximité. "Vous sentez que la fuite est la seule sortie possible", explique cet ancien professeur de technologie, qui évoque une véritable torture, "je ne peux pas vivre ça pendant des semaines, je dois dormir pour que mon cerveau se désenflamme".
"Une bête traquée"
L'électro-hypersensibilité (EHS), aussi appelée "hypersensibilité électromagnétique" reste discutée, le lien entre ce syndrome et l'exposition aux ondes électromagnétiques n'étant toujours pas confirmé scientifiquement.
Par ailleurs, le temps joue contre les électros-hypersensibles. Le plan gouvernemental "New Deal Mobile", lancé en 2018, qui vise à résorber les zones blanches ou grises afin de généraliser la couverture 4G sur l'ensemble du territoire français, gagne peu à peu du terrain. Tous les départements bénéficient d'une couverture de 80% minimum, même si les Alpes-de-Haute-Provence se situent encore dans le bas du tableau, le nombre d'équipements en 4G a doublé, indique l'Arcep.
Ce qui condamne Philippe Tribaudeau à l'errance : "dans cette vallée, il y a très peu d’endroits où l’on peut se garer, je vis comme une bête traquée par les ondes à la recherche d'un terrier."
Ce n’est pas parce que l'on crée une zone blanche pour des électros hypersensibles que les industriels feront moins de bénéfices ou que les citoyens cesseront de téléphoner, non, mais vous me sauvez la vie !
Philippe Tribaudeau, atteint d'éléctrohypersensibilitéFrance 3 Provence-Alpes
Impossible pour lui de retourner dans son campement de fortune "historique", aujourd'hui couvert par la téléphonie mobile. "On le voit bien, il y a deux barres en 4G", indique Laure Birgy sa compagne, son téléphone portable en main. Et le sexagénaire de s’indigner de ses conditions de vie :"dans cette vallée, il y a très peu d’endroits où l’on peut se garer, je vis comme une bête traquée par les ondes à la recherche d'un terrier".
Éteindre l'antenne et trouver des solutions
Philippe Tribaudeau, fort de son comité de soutien, interpelle donc la préfecture, pour laquelle ce dossier est un serpent de mer." Si on vit dans des bouts du monde, dans des caves, des grottes, dans des bois, ce n’est pas parce que c’est plus beau qu’ailleurs, c'est parce que c’est le seul endroit où nous EHS, pouvons vivre... comment peut-on nous éradiquer nos derniers lieux de vie, quelle porte de sortie, vous me laissez ?"
La seule alternative, selon lui, serait d'éteindre cette antenne relais immédiatement et de mettre en place des solutions techniques, qui existent, affirme-t-il, "vivre quelque part, est un droit inaliénable, le problème, ce n'est pas nous, les EHS, mais bien la toxicité des ondes. La reconnaissance de l'électrohypersensibilité est aujourd’hui inéluctable."
Article écrit avec Aurélien Casanova.