Mort d'Émile : "Depuis le début de cette affaire, j'ai le sentiment qu'il s'agit d'un accident"

"Il ne faut pas privilégier une thèse criminelle" : l'ancien procureur, Jacques Dallest, revient sur l'enquête autour de la mort d'Émile, ce garçonnet dont les ossements ont été retrouvés le 30 mars au Haut-Vernet à l’issue de neuf mois d'enquête. L'auteur de "Cold cases, un magistrat enquête" reste convaincu, par expérience, qu'il s'agit d’un accident et il explique pourquoi.

L’enquête suit son cours au Haut-Vernet, le village des Alpes-de-Haute-Provence où le petit Emile avait disparu le 8 juillet 2023. Le mystère qui entoure la mort du garçon de deux ans reste entier malgré la découverte de ses ossements samedi 30 mars. Faute de piste sérieuse, les spéculations vont bon train dans le village tandis que les recherches se poursuivent ce mercredi.

L'ancien procureur Jacques Dallest, spécialiste des enquêtes pour disparition et auteur du livre Cold cases, un magistrat enquête, revient sur les éléments qui créditent la thèse de l'accident, à laquelle il croît depuis le début.

"Une explication banale"

"Depuis le début de cette affaire, j'ai le sentiment qu'il s'agit d'un accident". Jacques Dallest analyse l'affaire Émile à travers le prisme de son expérience de magistrat. À ce stade, selon lui, les enquêteurs ne disposent d'aucun élément étayant la thèse criminelle, le crâne du petit garçon n'ayant notamment révélé aucune fracture ante mortem.

"Il faut s'en tenir à une explication banale même si elle n'est pas croustillante", explique Jacques Dallest. Compte tenu du relief et du caractère escarpé de la zone entourant le village, le magistrat privilégie le scenario de l'accident, la montagne étant risquée, y compris pour des adultes, qui disparaissent chaque année en randonnée. Selon lui, chutes et glissades accidentelles sont monnaie courante, de surcroît pour un enfant qui, à cet âge-là, est dépourvu de sens de l'orientation.

"Il ne faut pas oublier que le bambin a été élevé à la campagne, il a marché, est allé tout droit, il a tourné sur un chemin puis l'a suivi jusqu'au moment où il a glissé, il était fatigué, il s'est assis et il est mort de froid ou de faim". Une configuration déjà rencontrée dans d'autres affaires, par le passé : "les enfants peuvent glisser, tomber et souvent, on les retrouve noyés dans un ruisseau".

Difficile de retrouver un corps humain dans la nature

Le magistrat ne se dit pas surpris que les recherches n'ont pas abouti jusque-là, malgré les battues. Dans les quatre jours qui ont suivi la disparition du petit garçon en juillet 2023, près de 100 hectares de forêt et de bois avaient été passés au peigne fin par des militaires, des habitants du village et des centaines de bénévoles, à grand renfort de drones et d'équipes cynophiles.

Avec le temps, un corps se dégrade, peut être déplacé, la nature joue un rôle. On aurait pu ne jamais retrouver ni le crane, ni les vêtements.

Jacques Dallest, procureur général honoraire

France 3 Provence-Alpes

"Même avec de gros moyens, on ne peut pas explorer chaque centimètre carré, ni fouiller un escarpement ", affirme Jacques Dallest, "les couleurs les plus vives se ternissent, il y a les feuilles, de la terre, tout se confond avec la végétation. Il est très difficile de retrouver un corps humain dans la nature, à fortiori, plus tard, de tout petits os, que les animaux peuvent disperser".

La piste criminelle "peu probable" 

Le magistrat explique que si on suit la piste criminelle, elle se subdivise en deux. Soit celle d'un prédateur sexuel qui aurait déplacé le corps sur plus d'un kilomètre, au risque de croiser quelqu'un ? "On aurait retrouvé le corps au bord de la route" selon l'ancien procureur. Soit la piste familiale, celle du meurtrier qui aurait alors cherché à ensevelir le corps, or "il semble que le crane n'a pas été enfoui, ce qui laisse penser que le corps gisait par terre, il n'était pas enterré... Je peux me tromper, mais la piste criminelle apparaît peu probable".

Il y a eu Natasha Kampuch en Autriche ou l'affaire Dutroux en Belgique, mais en France, on n'a jamais eu connaissance de cas de séquestration d'enfant.

Jacques Dallest, auteur de "Cold cases , un magistrat enquête"

France 3 Provence-Alpes

L'enquête, d'abord ouverte pour "disparition inquiétante", avait été rapidement requalifiée en motifs criminels pour "enlèvement" et "séquestration". Une thèse sur la disparition d'Émile durant neuf mois qui continue d'alimenter des rumeurs. "En France, une séquestration d'enfants, on n'a jamais vu ça, il y a d'ailleurs de fortes chances que cette piste soit abandonnée par l'opinion publique pour revenir à celle des grands-parents", conclut le magistrat. "Et pourtant, on ne saura peut-être jamais ce qui est réellement arrivé à Émile".

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