Entre le pays du Cèdre et la Côte d’Azur, c’est un lien de solidarité qui ne cesse de se renforcer grâce à "L Blanches", une association créée en décembre 2021. Aide aux pompiers, aux écoliers ou plus largement à la population beyrouthine, la structure présidée par Claude El Hage change le quotidien de nombre d'habitants.
Après l’explosion meurtrière au port de Beyrouth, il y a trois ans, en août 2020, le Liban n’a cessé de s’enfoncer dans une crise politique, financière et logistique.
À l’hiver 2021, Claude El Hage concrétise une volonté vieille de plusieurs mois, celle de venir en aide au peuple libanais. Un pays dont il est natif.
Les premières récoltes de fond se font lors de ventes de produits libanais faits maison, au marché du phare de la Garoupe, à Antibes, sa terre d'adoption depuis plus de 30 ans.
"On a voulu attendre une petite année après l’explosion du port de Beyrouth pour comprendre le fonctionnement des associations et des ONG sur place. Après cette petite réflexion, nous nous sommes rendus chez les pompiers de Beyrouth qui protègent la population de la ville et de sa banlieue".
Le point de départ de l'aventure de "L Blanches". Lors de ce premier voyage, il part notamment avec Jean-Paul Veziano, un boulanger d'Antibes pour faire du pain, sur place, offert aux plus démunis, et rencontre les officiers des pompiers de la capitale libanaise.
Les pompiers en première ligne
Les soldats du feu beyrouthins manquent de tout. Médicaments, équipements, véhicules...
"Des chaises en plastiques" en guise de siège, dans certains camions de pompiers, des brancards qui ne tiennent pas dans l’ambulance. Et la liste de ce qui fait défaut aux pompiers locaux qu'énumère Claude El Hage est encore longue.
Les pompiers n’ont que trois camions à grande échelle, dont deux sont en panne. Leurs tenues de feu sont périmées. Ils vont au feu sans une véritable protection pour leur personne avant d’aider les gens.
Claude El Hage, président de l'association "L Blanches"
"On a, à ce jour, envoyé par exemple une embarcation, un Zodiac, car ils ont 18 km de côtes à protéger et n’avaient pas la moindre embarcation pour aller sauver les gens en mer."
Par le biais du SDIS 59, le service départemental d'incendie et de secours du Nord, un don des pompiers, envoyé au Liban en cet été.
Les pompiers maralpins n'ont pas été avares en dons également. Des vêtements de pompiers (treillis, pantalons, polos, etc) ont été offerts par le SDIS 06, notamment. Sur place, la bonne réception et distribution de ces nombreux dons est rendue possible grâce à la présence de la secrétaire générale de l'association, une franco-libanaise, Eliane Maalouf.
Sauver des vies
Des appareils ou dispositifs médicaux ont également traversé la Méditerranée jusqu'au Liban, toujours par cargo, à bord de conteneurs spécialement affrétés au départ de Marseille ou du Havre. Certains de ces réceptacles de la solidarité pouvant aller jusqu'à 40 pieds, soit 12 mètres, et accueillir plusieurs tonnes de matériel.
"C’est aberrant, mais les pompiers de Beyrouth n’avaient pas de défibrillateur. On a réussi à leur en envoyer 5 en mai dernier, que l’on a réussi à récupérer grâce à une entreprise lyonnaise. C’est un don que l’on a livré sur place au commandant des sapeurs-pompiers de Beyrouth."
Avec l'aide de professionnels médicaux du bassin antibois, ils récoltent quelque 2500 paires de lunettes qu'il fait parvenir à un dispensaire de Beyrouth, tout comme des quantités innombrables de médicaments.
L'action de "L Blanches" se décline aussi au-delà des frontières libanaises. "L’année dernière, nous avons reçu un don de 5 lots de sauvetage en milieu périlleux, c’est pour sauver les gens soient dans des grottes, ou d’aller à l'extérieur d’un immeuble, en rappel."
Lors du tremblement de terre en Syrie et en Turquie, au début de l’année 2023, le gouvernement libanais envoie des pompiers Beyrouth pour participer aux opérations de sauvetage, grâce notamment à cet apport d'équipements spécifiques. Cela a permis à des "mamans et des enfants d’être sortis sains et saufs des décombres" s'émeut Claude El Hage.
On est fier, car on arrive avec notre petite association de trois personnes sur la Côte d’Azur à aider des gens au Liban, mais aussi à en sauver en dehors du pays, par le biais d’une catastrophe imprévue, naturelle.
Claude El Hage, président de l'association "L Blanches"
"On les accompagne au quotidien"
Claude El Hage est en "contact permanent" avec les pompiers libanais et leur commandant. Ses différents voyages sur place ont permis de tisser une amitié que la distance, par-delà la Méditerranée, ne peut estomper. L'âme, puis le corps. Avec l'infirmière antiboise Hélène Cayatte, ils se sont rendus en mai sur place pour que les pompiers puissent être auscultés. "Par manque de moyens, ils n’en font pas pour leur personnel. Ils n’en ont pas fait depuis très longtemps. L’un d’entre eux a même appris qu'il était presque aveugle d’un oeil, sans compter toutes les pathologies que l’on a découvertes !".
"On a mis en place une formation avec les infirmières des pompiers de Beyrouth, pour assurer ce suivi médical annuel, comme cela se fait partout ailleurs."
Hélène Cayatte, infirmier.
Officiellement, 650 personnes composent ces effectifs, mais en réalité, pour Claude El Hage, il s’agit plutôt d’environ 400 soldats du feu qui sont toujours en service.
"Avec la situation économique, presque de faillite du pays, tous ne vont pas au travail car ils n’ont plus les moyens de se déplacer. Ils n’ont plus les moyens d’acheter de l’essence […] mais la majorité est sur place, dans les casernes, jour et nuit, pour protéger la population. Ils partent en mission, ils accomplissent au mieux leurs tâches, avec des équipements très, très vétustes" continue de déplorer Claude El Hage.
Un officier des sapeurs-pompiers qui avait un salaire de 3000 dollars. Aujourd’hui, il touche environ 100 dollars. Et on parle d’un officier, imaginez un peu pour un simple pompier !
Claude El Hage, président de l'association "L Blanches"
Sur place, beaucoup d’entre eux survivent grâce à l’aide financière de la diaspora, exilée ça et là, dans des pays méditerranéens ou du Golfe. Tout comme Claude El Hage, qui vit sur la Côte d'Azur depuis 34 ans maintenant. Sans ces Libanais à l'étranger, la vie ne serait que plus dure pour toute une partie de la population.
Un trait d’union aérien
Entre ces deux rives de la Méditerranée, aucune liaison aérienne pérenne depuis Nice n’est effectuée en vol direct. Seulement l’été, des vols sont opérés entre la capitale libanaise et la cité des Anges.
Claude oeuvre également afin de réinstaurer ce lien aérien, "sans faire de politique" précise-t-il. C'est ainsi qu'il a rencontré la sénatrice Alexandra Borchio Fontimp pour relayer la demande des franco-libanais désireux de pouvoir rallier les deux destinations sans passer par des hubs internationaux où, parfois, il faut compter plusieurs escales et 20 à 30 heures pour rejoindre Beyrouth qui se trouve, à peine, à un peu plus de 3 000 kilomètres.
"Si l'on veut que des Libanais viennent visiter, investir ou étudier sur la Côte d'Azur, c'est comme cela que l'on peut y arriver. Je n'ai pas envie qu'ils partent en Grèce ou en Turquie. Je défends cette région, la Côte d'Azur, qui ressemble en tous points au Liban, dans un pays que j'aime."
En attendant, Claude et son association continuent les marchés gourmands, les évènements et la récolte de dons. Les acheminements vers le Liban sont devenus réguliers, comme en juillet, où cette fois, ce sont les écoliers qui ont pu bénéficier de cette solidarité.
Pour aider l'association, il est possible d'effectuer un don en ligne, ou bien de devenir membre de "L Blanches".