Requins près des plages : un biologiste dénonce la "psychose bleue" et la désinformation

Comme un syndrome "les dents de la mer", les vidéos buzz sur internet, de requins, alimentent les fantasmes et autres squalophobie. Nicolas Ziani, biologiste au sein du groupe phocéen d'études des requins, casse les idées reçues et nous éclaire sur le sujet

"On ne s'improvise pas scientifique" C'est ainsi que commence notre entretien avec Nicolas Ziani spécialiste des requins en Méditerranée. Il faut dire qu'il est agacé par tous ceux qui véhiculent des approximations à propos des squales, il explique : 

"Quand les gens voient un aileron, une nageoire dorsale, pour eux c'est forcément un requin. Alors que ça peut être un dauphin, un marlin ou même un poisson-lune. Cet été, les médias relayaient l'information comme quoi, il allait faire chaud et que nous verrions plus de requins. C'est prophétique, mais pas scientifique." Selon lui, les deux "requins" observés en Espagne, en Catalogne, ne sont en fait que des marlins.

Les "sosies" des requins

> Le marlin possède un aileron et ondule dans l'eau, de loin, les amateurs peuvent croire à un requin, mais les spécialistes ne se trompent pas.

Un marlin avait été filmé dans le golfe de Saint-Tropez en 2020 (vidéo : Frédéric Saveuse).

Plus récemment, c'est à Antibes qu'un marlin-lancier a été vu sans que la folie "requin" ne s'empare (trop) de la toile. Le marlin est un poisson qui ressemble à un thon ou à un espadon. Son rostre (l'épée au bout de son museau) peut causer des blessures en cas de geste non contrôlé et sa vitesse peut atteindre 100km/h.

> L'aileron peut appartenir à un poisson-lune, cette espèce, étrange, est très grande (jusqu'à 4m de large). Cette espèce est en voie de disparition à cause de la pêche accidentelle.

C'est un poisson inoffensif qui possède une nageoire dorsale imposante. 

Non, il n'y a pas plus de requin qu'avant

C'est vrai qu'aux États-Unis il y a énormément de requins, sur les 57 attaques non provoquées, de requin dans le monde en 2022, 41 se sont déroulées aux USA. Une attaque non provoquée est un accident, dans lequel aucune intervention humaine n'a favorisé la tenue, comme l'intervention d'un pêcheur ou d'un plongeur sous-marin.

En France, les requins sont présents, mais peu nombreux sur les côtes.

Il y a moins de requins cette année. Pour l'instant une dizaine de spécimens ont été aperçus, habituellement c'est beaucoup plus

Nicolas Ziani

Biologiste et fondateur du Groupe Phocéen d'Etude des Requins

L'espèce la plus visible est celle du requin bleu Nicolas Ziani explique : "c'est un requin, un peu pataud, curieux, un peu comme les loups se rapprochent des villes, il se rapproche des côtes. Il n'est ni gentil, ni méchant, il n'est jamais conseillé d'approcher un requin. Il peut mesurer jusqu'à 3 mètres, se déplace tranquillement et ne va pas à plus de 20 km/h."

5 attaques de requin en France métropolitaine

Les attaques de requins sont recensées depuis le Moyen Âge (à l'époque c'étaient des témoignages, des traces, écrits...) et représenté sur une carte interactive du musée de Floride en charge des données.

Ainsi, en France, 5 attaques ont été recensées dont une à Antibes en 1972. Un nageur a été blessé par un requin blanc : 

"On comprend avec ces données que ça ne sert à rien de paniquer. Il y a très peu d'attaque en France métropolitaine. En revanche, il y a des attaques là où les populations de requins sont importantes comme à la Réunion ou en Polynésie Française." Analyse Nicolas Ziani "En Méditerranée, la population de requin blanc a considérablement baissé, selon les estimations, l'extinction de l'espèce approcherait 96 %, il y avait plus de 700 spécimens au Moyen-âge".

C'est une espèce qui peut vivre jusqu'à 70 ans, sa croissance est lente et la fécondation se fait par contact avec le partenaire (en opposition aux espèces qui disséminent leurs œufs un peu partout) les naissances sont donc rares.

Au regard de ces éléments, pas de panique, le remake des "dents de la mer" n'est pas près d'arriver.

La psychose bleue

Nicolas Ziani parle "d'apocalypse cognitive". Selon lui, avec les réseaux sociaux : "les gens sont conditionnés dans un univers parallèle. Entre fascination pour les uns, psychose pour les autres. Ils regardent des vidéos et se font des films. Le problème, c'est que l'on se fait une fausse image de la situation, des espèces, de leur intérêt pour l'écosystème. Il est important d'apprendre à aimer la science et d'arrêter l'anthropomorphisme. Les requins ne sont ni gentils, ni méchants."

Cette hypervisibilité des requins sur internet accentue la squalophobie (peur irraisonnée des requins). De l'autre côté du spectre, chez ceux qui sont fascinés, on peut observer des comportements irresponsables comme le fait de tenter de sauver un requin qui se serait échoué ou fait prisonnier. Nicolas Ziani rappelle que "la plupart des espèces de requin sont en danger d'extinction et protégées. De manière générale, il ne faut pas intervenir lorsqu'un cétacé est en danger. Préférez prévenir le réseau national d'échouage qui pourra vous guider."

Selon l'expert, en Méditerranée, "on peut se faire attaquer par des murènes, des balistes (un poisson avec des dents) ou par un espadon, mais rarement par un requin." 

> A lire aussi : Le baliste, ce poisson parfois mordeur venu des mers chaudes, bien présent en Méditerranée

À l’instar de "Sauver Willie", "flippeur le dauphin" ou encore le "Petit chaperon rouge" certains animaux ont une bonne ou une mauvaise réputation parfois éloignée de la vérité.

Une vulgarisation scientifique et une communication accrue peuvent permettre, à terme, de rendre plus accessible les faits scientifiques.

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