Gendarme tué à Mougins : faut-il vraiment durcir les lois pour sanctionner suffisamment les chauffards lors des refus d'obtempérer ?

Trois jours après la mort du gendarme Eric Comyn après un refus d'obtempérer, plusieurs voix s'élèvent, notamment à droite de l'échiquier politique, pour demander des sanctions plus fortes pour les auteurs de ce genre de faits. En réalité, la loi a déjà "tout prévu".

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"Il faut taper plus fort et taper plus vite" estime Eric Ciotti sur le plateau de BFM Côte d'Azur. Un discours porté par plusieurs voix, depuis la mort du gendarme Eric Comyn, après un refus d'obtempérer. L'homme de 54 ans a été mortellement percuté par un trentenaire qui a voulu éviter un contrôle d'alcoolémie à Mougins (Alpes-Maritimes).

La loi prévoit déjà des peines fermes

La loi a pourtant déjà "tout prévu" aux yeux de l'avocat Olivier Grebille-Romand, spécialisé dans les délits routiers. "Je souhaite qu'on alourdisse les sanctions" affirme de son côté le député Eric Ciotti. Selon les textes, un refus d'obtempérer "simple" est sanctionné d'une peine pouvant aller jusqu'à 2 ans d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende.

"C'est le fait de ne pas répondre à une injonction de s'arrêter, que ce soit par les gestes des forces de l'ordre, ou par la mise en fonction des sirènes" détaille Me Grebille-Romand. Le champ est donc large "sur cent dossiers que je traite, avec des personnes qui conduisent en ayant bu ou avec des traces de stupéfiants, un seul concerne un accident" précise ensuite le conseil.

Un refus d'obtempérer n'occasionne pas forcément d'accident

L'homme de 39 ans, soupçonné d'avoir percuté de plein fouet le gendarme lundi 26 août soir a en effet été testé positif à l'alcool, selon le parquet de Grasse. Sans que le taux n'ait été communiqué aux médias.

Il y a 3 000 morts sur la route chaque année, il n'y a pas autant de meurtriers qui roulent dans le but de tuer des gens.

Olivier Grebille-Romand, avocat spécialisé dans les délits routiers

à France 3 Côte d'Azur

"Un nombre record de 13 décès avait été enregistré en 2022 après des refus d'obtempérer lors de contrôles routiers" relate l'AFP. Pour la quasi-totalité, les victimes étaient les conducteurs ou des passagers des véhicules en cause.

Lorsque les forces de l'ordre sont exposées directement "à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente", l'auteur de l'infraction risque alors jusqu'à 7 ans de prison ferme, et 100 000 euros d'amende.

Le risque de légiférer "à chaud" 

"Le risque c'est de légiférer en réaction à un fait divers, ce n'est pas sain d'être dans la surenchère" souligne Valérie Serra, vice-bâtonnière de l'ordre des avocats de Nice. D'abord parce que "l'enquête est toujours en cours". Rien n'indique pour l'instant que l'homme mis en cause dans la mort d'Eric Comyn sera renvoyé devant une cour d'assises pour meurtre, et les investigations se poursuivent.  

Elle craint "une surenchère, attention à ne pas réagir trop à chaud". La piste de la création d'un "homicide routier" avait déjà été remise sur le devant de la scène après l'accident causé par Pierre Palmade en février 2023.

La proposition de loi qui prévoit de créer un homicide spécifique pour la route, déposée par le député des Alpes-Maritimes Eric Pauget (LR) est toujours en cours d'examen parlementaire. Mais stoppé dans l'attente d'un nouveau gouvernement. 

Un enjeu dans les condamnations prononcées

À  Antibes, un jeune homme de 17 ans, Noé, avait été fauché par un chauffard qui avait bu en 2022. Un évènement qui avait fortement marqué les esprits. Le procès du conducteur s'est tenu le vendredi 5 juillet au tribunal judiciaire de Grasse. L'homme a été condamné à 5 ans de prison ferme.

Emmanuel Brancaleoni, bâtonnier de l'ordre des avocats de Nice estime que l'enjeu n'est donc pas dans la loi mais "dans son application". Là où deux affaires "ne se ressemblent pas", les jugements sont individuels "en fonction des faits, et des personnalités des auteurs" rappelle l'avocat. 

Ce qui est dissuasif, ce n'est pas tant la gravité de la peine, mais l'assurance d'être poursuivi et condamné.

Emmanuel Brancaleoni, bâtonnier de l'ordre des avocats de Nice

à France 3 Côte d'Azur

Olivier Grebille-Romand le reconnaît "les peines maximales sont rarement atteintes, aussi parce que l'enjeu tient aussi dans le remplissage des prisons". Avec 77 800 personnes incarcérées, le nombre de détenus en France avait atteint un nouveau record en juin 2024. Selon des chiffres publiés par le ministère de la Justice

Les chauffards à considérer comme des meurtriers ? 

Richard Galy, maire de Mougins dénonçait sur France Bleu Azur mercredi 28 août la "folie meurtrière" du conducteur mis en cause dans la mort d'Eric Comyn. 

Personne ne se lève le matin en se disant 'tiens, aujourd'hui je vais créer un accident et tuer quelqu'un'.

Olivier Grebille-Romand, avocat spécialisé dans les délits routiers

à France 3 Côte d'Azur

L'avocat en est conscient, les délits routiers font partie de ceux qui connaissent le plus de récidives "parce que c'est facile. L'alcool par exemple, fait partie du quotidien. Deux contrôles positifs en 5 ans, et vous êtes récidiviste". 

"Etre un paria à vie, ça n'existe pas" rappelle Olivier Grebille-Romand "la justice est humaine, les magistrats prennent des décisions aussi dans un but de réinsertion". "On ne juge pas de la même manière un primo délinquant et un multirécidiviste" insiste Emmanuel Brancaleoni. 

Un refus d'obtempérer toutes les 20 minutes 

En France, le ministère de l'Intérieur estime qu'un refus d'obtempérer est commis toutes les 20 minutes. Dans un article publié sur le site internet de France 3 Provence-Alpes Côte d'Azur en juin 2024, plusieurs membres des forces de l'ordre témoignaient de leurs difficultés d'agir au quotidien. Chaque refus d'obtempérer, comme chaque intervention, génère un dépôt de plainte, " les enquêteurs ont chacun entre 150 et 400 dépôts de plainte à traiter, la priorité est donnée aux violences intrafamiliales, donc la plupart du temps les refus d'obtempérer passent à la trappe. En réalité, les chiffres du gouvernement se basent sur les dépôts enregistrés, mais en réalité, il y en a beaucoup plus, tous ceux qui ne sont pas traités.", déplore Rudy Manna, porte-parole du syndicat de police Alliance.

Le syndicat de police Alliance appelle à un durcissement des condamnations pour ce genre de faits. Notamment à travers des peines plancher et la "fin des classements sans suite”. Actuellement, le code pénal prévoit des peines maximales, au-dessus desquelles une personne ne peut pas être condamnée pour tel ou tel faits, mais pas de peines minimums. 

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