L'information avait fait grand bruit il y a deux semaines : la commune de Breil-sur-Roya, durement touchée par la tempête Alex en 2020, se retrouve sans assureur à partir du 1er janvier 2025. Sébastien Olharan, le maire, s'était dit "scandalisé". L'assureur historique de la commune s'exprime pour la première fois et explique sa décision.
Il y a deux semaines, quand il a appris que l'assureur historique de sa commune ne renouvellerait pas le contrat au-delà du 31 décembre 2024, Sébastien Olharan, le maire de Breil-sur-Roya, s'est dit "scandalisé".
"On a joué notre rôle car on a accompagné Breil-sur-Roya pendant plus de vingt ans, y compris durant la tempête Alex d'octobre 2020", lui répond aujourd'hui Patrick Blanchard, le directeur général de SMACL Assurances SA. "Nous avons payé jusqu'à 6 millions d'euros d'indemnisation donc on a joué notre rôle mutualiste !"
Risque non "raisonnable"
Pour justifier sa décision de ne pas reconduire le contrat d'assurance, Patrick Blanchard explique que l'exposition des communes aux risques climatiques n'est aujourd'hui plus "raisonnable".
La SMACL (détenue à plus de 86% par la Maif) assure près de la moitié des 946 communes de la région Paca. Elle veut désormais réduire la voilure pour limiter les indemnités à verser en cas de nouvel événement climatique.
Sur la région Paca, nous assurons plus de 400 collectivités. Nous sommes donc très exposés aux risques et on se doit de réduire notre exposition sur cette zone. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas donné suite à l'appel d'offres de Breil-sur-Roya.
Patrick Blanchard, directeur général de SMACL Assurances SAà France 2
Pour l'assureur, cette décision est aussi une question de survie financière. Patrick Blanchard évoque ainsi la situation de son entreprise en 2022, quand elle a dû faire face à "une grande difficulté" financière ("100 millions d'euros d'indemnisations climatiques") qui "a failli la mettre très mal".
Résilience
Mais cette explication a du mal à convaincre Sébastien Olharan, le maire de Breil-sur-Roya.
Je suis un peu surpris qu'une assurance de collectivités souhaite assurer de moins en moins de collectivités.
Sébastien Olharan, maire de Breil-sur-Royaà France 3 Côte d'Azur
Signé en 2002, le contrat d'assurance entre la SMACL et Breil-sur-Roya représentait pour la commune un coût de 25.000€ par an. Autant de "bénéfices", selon le maire, car "on n'a pas eu 500.000€ de sinistres en vingt ans, avant la tempête Alex".
Ce contrat avec la SMACL était "reconductible d'office", précise l'élu breillois, contacté par France 3 Côte d'Azur. Mais, "aujourd'hui, le code des marchés publics ne permet plus d'avoir des contrats sans durée de fin".
Depuis la catastrophe naturelle d'octobre 2020, Sébastien Olharan assure que sa commune "est beaucoup moins risquée car des bâtiments ont disparu et certains ont été déplacés".
La mairie s'est également équipée de dispositifs, comme des batardeaux à installer sur les bâtiments communaux pour limiter les dégâts lors de prochaines inondations. "Ces batardeaux nous ont été recommandés par la SMACL !", s'étonne le maire de Breil-sur-Roya. "On s'est équipé pour réduire les dégâts et, donc, réduire les indemnités pour l'assurance."
On a obtenu il y a quelques semaines le label Résilience France Collectivités pour ce travail. Mais on est bien mal récompensé en retour !
Sébastien Olharan, maire de Breil-sur-Royaà France 3 Côte d'Azur
Selon le maire, il faut analyser "la réalité de chaque commune" dans la région.
"Name and shame"
Aujourd'hui, Breil-sur-Roya n'a toujours pas trouvé d'assureur pour prendre la suite de la SMACL car aucune autre assurance n'a répondu à l'appel d'offres. Sébastien Olharan a bien essayé de démarcher d'autres organismes, mais il a essuyé des refus.
"Il faut qu'il y ait plus d'assureurs qui répondent aux appels d'offres des mairies pour réduire le risque qui aujourd'hui est trop concentré sur la SMACL", poursuit Patrick Blanchard. L'assureur renvoie désormais la balle sur ses concurrents, mais aussi... sur les pouvoirs publics. "Le problème de Breil-sur-Roya n'est pas que la SMACL ne réponde pas à son appel d'offres, mais que d'autres assureurs ne se manifestent pas."
Breil-sur-Roya doit bénéficier de soutien et d'accompagnement de la part des autres collectivités territoriales (région, département) et de l'Etat.
Patrick Blanchard, directeur général de SMACL Assurances SAà France 2
Et si aucune autre société d'assurance ne se manifeste, Patrick Blanchard milite pour une drôle de démarche : que les pouvoirs publics fassent du "name and shame", c'est-à-dire qu'ils dénoncent de manière publique et nominative les entreprises qui ne souhaitent pas assurer la commune.
Deux plaintes contre la SMACL
Mais ce qui inquiète désormais le maire de Breil-sur-Roya, c'est comment prendre en charge, à partir de 2025, les nouveaux sinistres. "Comment faire si on doit régler, par exemple, 10 milions d'indemnisations ?", questionne-t-il. "Je ne paie plus la cinquantaine d'employés municipaux pendant cinq ans ?"
Sébastien Olharan veut donc porter l'affaire devant la justice. La mairie va déposer dans les prochains jours une plainte concernant la non-reconduction du contrat d'assurance. Une deuxième assignation devrait suivre, à propos de la non-indemnisation par la SMACL des mouvements de terrain suite à la tempête Alex.
(Avec Lucas Franchineau, à Paris, et Audrey Richier)