Nadine Devillers, Vincent Loquès et Simone Barreto Silva ont été assassinés par arme blanche le matin du 29 octobre 2020 dans la basilique Notre-Dame de l'Assomption à Nice. 17 mois après l'attentat, leurs familles rencontrent ce mercredi 23 mars pour la première fois le magistrat instructeur pour un point sur l'enquête.
C'est une étape à la fois attendue et redoutée.
Ce mercredi 23 mars, près de 17 mois après l'attentat de la basilique Notre-Dame à Nice, les proches des trois victimes se sont retrouvées au Palais de justice de Nice.
Jean-Marc Herbaut, vice-président au pôle anti-terroriste près le tribunal judiciaire de Paris, leur a donné rendez-vous en début d'après midi.
Un premier rendez-vous prévu par visioconférence au mois de janvier avait été annulé, le magistrat étant alors positif au Covid-19.
C'est donc la première fois que les familles de Nadine Devillers, fidèle de 60 ans, du sacristain Vincent Loquès, 54 ans, et de Simone Barreto Silva, mère de famille âgée de 44 ans, rencontrent directement le magistrat en charge de l'instruction du dossier. Première fois également pour le seul témoin direct de l'attaque, le trésorier de la basilique, qui s'est également porté partie civile aux côtés des familles.
Leurs attentes sont multiples. Comprendre les circonstances de cet attentat. Pourquoi, et comment, après plusieurs attentats commis en France, un autre attentat terroriste a pu se produire. Comment ce terroriste, même s'il est dans une posture amnésique, a pu passer à l'acte. Bien sûr qu'il a des réseaux derrière lui, en Tunisie, et probablement en France, à Nice. C'est très important que les victimes puissent comprendre ce qui s'est passé.
Samia Maktouf, avocate de la famille de Vincent Loquès
L'"amnésie utilitaire" du suspect
Les investigations menées en Tunisie, pays que l'assaillant présumé a quitté le 19 septembre 2020, ses éventuelles complicités, le degré de préméditation, les derniers éléments sur le déroulement de l'attaque, le magistrat a fait, pendant deux heures, un point complet sur la procédure.
Le président nous a livré un récit clair et détaillé des événements et du parcours. Le travail d'enquête est impressionnant. C'était un moment important, pour toutes les parties civiles.
Joffrey Devillers, mari de Nadine Devillers.
Le magistrat a notamment livré aux familles des victimes les conclusions, très attendues, des expertises psychiatriques et neurologiques menées sur le suspect.
Car depuis sa première audition en avril 2021, tout comme lors des suivantes, Brahim Aouissaoui, incarcéré à la prison de Fresnes (Val-de-Marne) a toujours affirmé n'avoir aucun souvenir depuis son départ de Tunisie en septembre 2020 jusqu'à l'attaque de la basilique à Nice le 29 octobre.
Pas de souvenir non plus d'épisodes éloignés de sa vie en Tunisie. Amnésie réelle ou feinte ? L'expertise, présentée officiellement aux familles, semble donner des arguments à Me Philippe Soussi, avocat de Joffrey Devillers, lorsqu'il dénonce une "amnésie utilitaire".
"Il est possible, quand il y a eu des anesthésies et des sédations, qu'il existe une amnésie rétrograde, liée au jour des faits, ou 2-3 jours avant. Ce n'est absolument pas la situation", estime Me Philippe Soussi, avocat de Joffrey Devillers.
L'amnésie alléguée ici, c'est qu'on présente un photo au prévenu, et il ne se reconnait pas. Ca ne tient pas la route. C'est clairement établi par les experts neurologues et psychiatres. C'est un système de défense, complètement délirant, mais un système qui consiste, comme dans d'autres affaires terroristes, à voler le procès aux parties civiles.
Philippe Soussi, avocat de Joffrey Devillers
Brahim Aouissaoui avait été interpellé par la Police municipale de Nice lors de l'assaut donné dans la basilique vers 9 heures du matin ce 29 octobre 2020, une demi-heure après son entrée dans les lieux.
Depuis décembre 2020, il est mis en examen pour "assassinats en relation avec une entreprise terroriste", "tentatives d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste" et "participation à une association de malfaiteurs terroriste criminelle".
Un procès peut-être dès 2023
Les expertises psychiatriques concluent en tout cas que Brahim Aouissaoui est pleinement responsable de ses actes.
Le juge a par ailleurs confirmé aux parties civiles que la justice avait rejeté, en janvier dernier, la requête en nullité déposée par l'avocat de Brahim Aouissaoui, notamment après la diffusion dans la presse de photos du prévenu postérieures à son interpellation.
On se dirige donc vers la tenue d'un procès, peut-être dès 2023, devant la cour d'Assises spéciale à Paris.