"La fin du mois commence le 10..." : la pauvreté sur la Côte d'Azur, une réalité et des combats

Une hausse de 7% de la pauvreté et de la précarité pour le 1ᵉʳ semestre 2024 dans le département des Alpes-Maritimes. L’annonce a été faite par le secrétaire départemental du Secours Populaire. Le Secours catholique et les autres associations caritatives du département font le même constat alarmant. Au pays du soleil, sur la Côte d’Azur, milliardaires et démunis se côtoient dans deux mondes parallèles qui ne se croisent jamais.

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C'était ce 13 novembre, la Journée mondiale des pauvres voulue par le Pape François et promulguée par l'Église catholique en 2017, le zoom est mis sur une situation qui ne cesse de s’amplifier.

"Nous, c’est notre quotidien", explique Jean Stellittano, secrétaire départemental du Secours Populaire depuis 2017 et national depuis 2019. "On est 3 300 bénévoles dans le département des Alpes-Maritimes à l’engagement variable au quotidien, d’une journée par semaine à deux heures tous les mois et cette diversité d’actions est très riche. La Côte d’Azur est mondialement connue pour le tourisme et l’attrait pour les gens fortunés. Or, si l’on place la focale sur Nice et Cannes, le taux de pauvreté culmine à 21% à Cannes et 22 %  à Nice."

Contrairement à ce qu'il semblait au grand Aznavour, "la misère n'est pas moins pénible au soleil". Et même, elle a augmenté à en croire le rapport Pauvreté 2024 des diverses associations caritatives. 

Karine Dziwulski est la Déléguée départementale du Secours catholique dont le rapport annuel sort ce 14 novembre.

Il est établi en fonction des personnes que nous recevons et nous sommes largement à Nice en dessous du seuil de pauvreté puisque le revenu médian est de 500 euros dans le 06 alors qu’il est de 555 euros en France.

Karine Dziwulski, Déléguée départementale du Secours catholique 06.

Le Secours catholique, c'est 550 bénévoles engagés qui permettent à l'association de fonctionner à Nice. 

L’accueil de jour est le plus gros de la ville puisque plus de 300 personnes, en flux, y sont reçues chaque jour. "En 2021, c'était 150 personnes environ..."

L'exclusion accentuée par plusieurs facteurs 

"On a 75 % des personnes sous le seuil d'extrême pauvreté, c'est-à-dire qu'elles ont 236 euros en moyenne de revenus mensuels. Ce qu’on a pu observer, c’est une féminisation de la pauvreté avec près de 30% de mères isolées ou des femmes seules et ce sont des gens qui ont des revenus ou qui pourraient en avoir."

Le Secours catholique constate, comme les autres associations qui aident les plus démunis, que, beaucoup n’ont pas d'accès au droit par découragement ou par la complexité des démarches à faire auprès des institutions.

"Une grande part de notre protection sociale est dématérialisée et cela entraîne, de fait, un éloignement des personnes qui étaient déjà extrêmement précaires, sans connaissance ou accès au numérique. Beaucoup d’institutions ont vu une baisse de leurs moyens financiers (exemple, la fermeture des guichets) et on demande aux bénéficiaires de faire leur boulot. Cela a un nom : la Co-production. Mais c’est tellement compliqué de faire seul…"

Les contours de la pauvreté sont multiples et complexes, mais la constante est partout la même : le niveau de vie des plus pauvres se dégrade.

L'alerte vient du côté des difficultés à accéder à la protection sociale au regard de la dématérialisation des démarches administratives.

La protection sociale bat de l’aile par une marche forcée vers le tout numérique. "La fraude ne vient pas des plus précaires qui se battent au quotidien et qui ont une transition de vie compliquée", insiste Karine Dziwulski.

En 2023, la fraude sociale se situe autour de 2 milliards et la fraude fiscale autour de 15,2 milliards.

"On milite vraiment pour les moyens humains", enchérit-elle, "et pour qu’il y ait une vraie relation permettant un dialogue entre les administrations et les bénéficiaires. On a observé aussi un public de plus en plus vieillissant qui n’arrivent pas à obtenir les droits. Alors, on essaye, par un travail de partenariat, de faciliter l’accès aux droits avec la Caf et la CPAM par exemple. Toutes les prestations sociales sont déshumanisées. Nous avons mis en place une formation en informatique et prestations pour nos bénévoles afin qu'ils montent en compétence sur le numérique."

La dématérialisation est compliquée. On craint une généralisation de la dématérialisation à tous les niveaux. Il est étrange d’ailleurs que nos institutions aient tout misé sur le numérique !

Karine Dziwulski, Déléguée Départementale du Secours Catholique

Toutes les associations constatent une féminisation de la précarité. Ces victimes de la pauvreté  représentent 57% des personnes rencontrées.

Le gros des personnes que nous aidons, c’est la famille monoparentale, la maman avec deux enfants et c’est un cercle vicieux car si elle travaille, tout passe dans la garde des enfants. Depuis le Covid, avec les notes de gaz et les charges de copropriétés qui ont explosées, nous avons aussi énormément de personnes âgées.

Jean Stellittano du Secours populaire 06.

Le logement dans le panorama de la pauvreté en Côte d'Azur

Dans les Alpes-Maritimes. Il y a plus de 22 communes carencées qui ne respectent pas la loi SRU.

Francis Vernede, le responsable PACA de la Fondation Abbé Pierre, tout en dénonçant le taux de pauvreté des Alpes-Maritimes, de presque 16% (supérieur de 1 point à la moyenne nationale) pointe du doigt le logement à Nice où les prix de l’immobilier ont augmenté de 24,7% ces 5 dernières années. En cause, le nombre beaucoup trop important d’Airbnb et le retard de la commune en matière de logements sociaux (14,5%, loin derrière l’objectif légal de 25%)

Le rapport annuel de la Fondation sur le mal-logement à Nice révèle que le niveau de tension est le plus important de toute la région Paca. Dans le parc locatif privé, les logements sont loués à prix d’or et sont inaccessibles pour les plus précaires.

Quant au parc public, le taux d’attribution des logements sociaux est de 1 sur 15, ce qui signifie qu’une personne sur 15 obtient l’appartement demandé.

La fin du mois commence le 10, une fois payé le gaz, l’électricité et le loyer… Et si un problème de santé arrive, c’est encore plus dur.

Jean Stellittano, Secrétaire départemental du Secours Populaire

Jean Stellittano, comme ses collègues, a pléthore d’exemples tous plus frappants les uns que les autres pour illustrer la situation : "Beausoleil est la petite ville limitrophe avec la principauté de Monaco dont la population est en grande précarité. C’est le vivier des femmes de ménages et autres arrière-boutiques de cuisine et elle fait partie des villes les plus pauvres du département. À partir du moment où il a beaucoup de riches, le foncier est tiré vers le haut. La valeur locative élevée sur la Côte d’Azur fait que le reste à vivre est très petit.  Au niveau national, on est à 4 euros de reste à vivre par personne et par jour une fois payé les dépenses contraintes (loyer ou remboursement de prêt, charges élevées pour personnes âgées à petites pensions, assurance du bien, énergie…) déduit d’un revenu. Sur le 06, le reste à vivre descend à 1 euro ! Un ménage avec 2 enfants qui a payé son loyer n’a que 120 euros pour se vêtir, se soigner, se nourrir, se déplacer…Il n’y arrive pas. L’aide qu’on apporte est significative car avec la carte d’épicerie solidaire cela permet de faire entre 250 euros et 300 euros d’économie par mois"

Le tourisme de masse et le nombre limité des constructions font l'objet de dénonciations de plus en plus récurrentes. "C’est vrai qu’on ne meurt pas de faim en France. Au Secours Populaire, nous disons aux gens : payez votre loyer, votre gaz, votre électricité et pour le reste, on vous aide..."

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