La population de loups en France croît d'année en année et suscite l'inquiétude des éleveurs, soucieux de protéger leurs troupeaux et leur métier. Un "plan loup" pour la période 2024-2029 sera signé le 18 septembre à Lyon. Un éleveur ovin du Var nous expose les exigences de la filière, qui attend une décision forte du gouvernement.
Attendu de pied ferme par les éleveurs d'ovins, le "plan loup" est actuellement en discussion. Ce plan national d'actions (PNA) devra redéfinir pour la période 2024-2029 la politique de l'État vis-à-vis du prédateur, toujours plus présent en France et causant davantage de dommages dans les troupeaux de ruminants.
Tous les acteurs (éleveurs, syndicats agricoles, services de l'État) se retrouvent le 18 septembre à Lyon pour signer ce plan.
Mais qu'attendent les éleveurs ovins, caprins et bovins de ce plan ? Comment leur métier de plein air évolue-t-il avec la présence de plus en plus importante du canidé ?
Francis Girard a accepté de répondre aux questions de France 3 Côte d'Azur. Depuis 23 ans, il élève des brebis au hameau de Bounas à Bauduen (Var) et est membre de la Confédération paysanne du Var, deuxième département français en population estimée de loups derrière les Alpes-de-Haute-Provence.
La population de loups augmente, cela vous inquiète ?
Francis Girard : On est aujourd'hui à 1 104 loups en France environ, ces estimations augmentent un peu plus chaque année. Dans le Var, on aurait 24 meutes possiblement réparties un peu partout. Ils sont pas mal dans le secteur du camp militaire de Canjuers, parce qu'il y a pas mal de troupeaux. Dans les Alpes-Maritimes, les loups posent de plus graves soucis aux éleveurs, on commence à voir les bovins attaqués.
Dans le Var, on a compté 173 attaques depuis janvier 2023, qui ont concerné 326 ovins, 27 caprins et un chien de troupeau. Nous avons légalement le droit de prélever 19% de la population estimée de loups. L'année dernière, c'était 174 prédateurs ; cette année, c'est 209. 115 ont déjà été tués depuis le début de l'année, dont sept sur le Var.
On est pris entre deux tendances. D'un côté, il y a les défenseurs du loup qui estiment que son retour en France participe à la biodiversité. De l'autre, des éleveurs qui sont en détresse face aux dégâts. On doit composer avec tout ça.
Francis Girard, éleveur dans le Var.
Qu'attendez-vous de ce plan loup pour 2024-2029 ?
Francis Girard : "On comprend qu'il y a une volonté européenne de sauvegarder le loup, ce qui implique une politique forte du gouvernement pour que les éleveurs travaillent en sérénité. Il faut leur donner les moyens techniques pour protéger leurs bêtes. L'installation de clôtures, l'emploi de chiens ou d'aide-bergers sont partiellement couverts par l'État, mais nous souhaiterions que ça le soit entièrement.
On perçoit ces aides d'une façon hiérarchique : si une zone subit des attaques de loup et que des éleveurs sont indemnisés pour des bêtes tuées, alors elle est placée en cercle 1 et les éleveurs sont soutenus par l'État pour se protéger. Mais si on ne subit plus d'attaque pendant deux ans, alors on repasse en cercle 2 et on est moins aidés. Du coup, on peut moins se défendre contre le loup qui peut revenir à tout moment. Il faudrait songer à changer ce système.
De plus, il serait bon d'intensifier les prélèvements de loup de façon exceptionnelle lorsqu'il y a trop d'attaques, d'avoir le droit de dépasser les 19%. Cela permettrait aux éleveurs de faire leur boulot normalement".
Le contexte a changé par rapport au plan précédent ?
Francis Girard : "Notre inquiétude, c'est que le gouvernement parle d'un budget de 35 millions d'euros par an dédié à la période 2024-2029, soit les mêmes valeurs que le plan précédent.
Or, la population de loups augmente et son territoire va s'étendre : 53 départements en France sont considérés comme colonisés par le loup [globablement toute la moitié de la France à l'est d'une diagonale allant des Pyrénées-Atlantiques à l'Alsace, NDLR].
En 2022, 3 300 dossiers - un dossier, c'est un éleveur en gros - pour des demandes de prise en charge de mesures de protection. En 2024, on estime que ça va tourner autour de 5 000. Pour toutes ces raisons, on supposait que le budget proposé par le gouvernement allait augmenter".
Le loup bouleverse vos pratiques ?
Francis Girard : "On s'est habitués, beaucoup de choses ont été mises en place. Les éleveurs ont fait beaucoup d'efforts d'adaptation. Aujourd'hui, on enregistre davantage d'attaques de loups, mais les dégâts sont globalement moins importants qu'avant grâce aux clôtures, aux chiens. Il faut poursuivre la recherche pour comprendre davantage son comportement, afin de toujours mieux anticiper ses attaques.
Si c'était une brebis de temps en temps, par un loup de passage, on pourrait supporter. Mais lorsqu'il y a une meute installée près de votre troupeau, ça peut être fréquent et destructeur. Une attaque d'une meute entière, ça peut être dramatique.
Cette présence du loup, elle pose la question de l'avenir de notre modèle pastoral, de l'entretien des espaces agricoles. On pourrait se mettre à tous faire de l'industriel et rentrer tout le monde à l'intérieur, mais ce n'est pas ce qu'on souhaite".
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a alerté, le 4 septembre, sur le retour du loup en Europe, dans des régions dans lesquelles il avait été chassé au XIXe siècle. "La concentration de meutes de loups dans certaines régions européennes est devenue un réel danger pour le bétail et potentiellement aussi pour les humains" a expliqué la dirigeante conservatrice.
Une consultation européenne pour actualiser la base de données concernant la présence de loups en Europe vient d'être lancée. La Commission européenne envisage de modifier le statut de protection de l’animal selon les résultats récoltés.