Ce mercredi 9 novembre, la défense d'un des accusés a demandé à une psychiatre de témoigner à la barre. Celle-ci a expliqué qu'il lui était impossible d'établir un diagnostic post-mortem sur le terroriste mais a tout de même donné quelques pistes.
Depuis le début des débats au procès de l'attentat de Nice, une question revient régulièrement : le terroriste était-il atteint d'une pathologie psychologique ? Difficile d'imaginer que quelqu'un de sain d'esprit puisse foncer dans la foule avec un camion sur la Promenade des Anglais... C'est en tout cas l'une des thèses de la défense de Chokri Chafroud, un des huit accusés au procès.
Maître Arnoux et Maître François-Jacquemin, ses deux avocats, ont fait citer à la barre Francesca Biagi-Chai, psychiatre et psychanalyste, spécialisée en criminologie. Elle est notamment l'autrice d'une étude complète et détaillée sur Henri Désiré Landru, un tueur en série français condamné à la peine de mort en 1922. Elle a pu réaliser son portrait psychologique à partir de tous les documents qu'elle a récolté sur lui.
Concernant Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, une expertise psychiatrique post-mortem n'avait pas été réalisée car d'après le magistrat instructeur qui avait pris cette décision, "elle ne pourrait que formuler des hypothèses sur sa structure psychique mais nullement de se prononcer sur l’existence d’une pathologie mentale".
La psychiatre retraitée répond qu'il est bel et bien "possible de faire une expertise à partir de tous les documents possibles qu’on peut rassembler". Toutefois, cela peut prendre du temps. Elle a travaillé pendant plus de trois ans et demi sur la monographie de Landru.
Diagnostic "impossible" au cours de l'audience
Au fil des questions des différents partis, il semblerait que certains avocats aimeraient bien qu'un diagnostic soit posé. Francesca Biagi-Chai est invitée à donner son avis sur la consultation chez un psychiatre de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel à ses 19 ans, sur la prescription du médecin de l'époque, sur sa consultation des vidéos d'exactions avant les faits...
En prenant quelques détours - certains plus subtils que d'autres -, il semblerait qu'une seule question veuille être posée à la témoin : le terroriste était-il atteint de psychose, oui ou non ? Hors de question de prendre son témoignage du jour comme une tentative d'établir un diagnostic post-mortem, ce serait tout bonnement "impossible", souligne-t-elle.
Mais elle se laisse quand même prendre au jeu, sans le vouloir. A propos de la prescription d'Haldol (un "neuroleptique de base de la psychose", dit-elle) par le médecin vu à l'âge de 19 ans en Tunisie, la psychiatre répond que "ce n'est pas quelque chose de dramatique" mais "s'il a décidé de lui en prescrire, c’est qu’il a perçu qu’il y avait une petite fracture quelque part et qu’il a tenté de la colmater tout de suite". Le psychiatre a dû être "alerté par quelque chose qui risquait de s’ouvrir beaucoup plus", ajoute-t-elle.
Toutefois, elle répète à plusieurs reprises qu'il ne faut pas forcément lié extrême violence et psychose : "La psychose conduit au passage à l’acte, souvent, c’est vrai, mais je ne peux pas dire que tout passage à l’acte est psychotique", dit-elle.
Difficile de tirer des conclusions à partir des déclarations de ce témoin qui ne veut trop pas se mouiller de peur de se désavouer. Mais il ne fait aucun doute que la psychiatre sera citée lors des plaidoiries des avocats.