Procès de l'attentat de Nice : "Tout n'a pas été parfait", le procureur François Molins revient sur le prélèvement d'organes sur les victimes

Ce lundi 10 octobre, plusieurs témoignages étaient très attendus au procès de l'attentat de Nice. Le premier de la matinée était celui de François Molins, procureur de Paris en 2016. Il est revenu sur la question du prélèvement d'organes sur les victimes.

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La journée du lundi 10 octobre doit permettre de démêler quelques questions que se posent encore les parties civiles au procès de l'attentat de Nice.

Elle a commencé par le témoignage de François Molins, qui était procureur de Paris, en charge des affaires terroristes, au moment de l'attaque terroriste du 14 juillet 2016. 

Le procureur, aujourd'hui à la cour de cassation, est d'abord revenu sur le contexte dans lequel cet attentat est survenu, après de nombreuses attaques terroristes en France en 2015 et 2016.

Très rapidement, au cours de sa déclaration spontanée, François Molins déclare : "Tout n'a pas été parfait". Bien que de nombreuses leçons avaient été apprises après les attentats du 13 novembre 2015, notamment concernant la prise en charge des victimes, il admet donc rapidement que quelques points auraient pu être traités d'une autre façon.

Des autopsies réquisitionnées par le parquet

La question des autopsies et du prélèvement d'organes a occupé une grande partie de son témoignage à la barre.

Le parquet de Paris était chargé de donner les réquisitions à l'institut médico-légal (IML) concernant les autopsies à réaliser ou non après l'attentat, comme l'avait rappelé le professeur Quatrehomme le 14 septembre

François Molins a rappelé que parmi les compétences du parquet figure l'identification rapide des victimes et de leurs ayants droits. Une responsabilité qui prenait d'autant plus d'importance après les quelques erreurs qui avaient été commises lors de l'identification des corps des victimes des attentats du 13 novembre.

Ainsi, le 15 juillet, il s'est notamment rendu à l'institut médico-légal pour une réunion afin d'organiser son activité. Au vu du nombre de corps, c'était une situation "extrêmement difficile à gérer".

Lors de son témoignage devant la cour, M. Molins rappelle que la loi stipule qu'une autopsie peut être ordonnée par le procureur dans le cadre d'une enquête et que le médecin légal procède aux prélèvements biologiques nécessaires aux besoin de l'enquête.

Ainsi, il rappelle les trois critères, selon lesquels le parquet peut demander à ce qu'une autopsie soit effectuée :

  • si les causes du décès n'étaient pas totalement claires,
  • si une prise en charge médicale avait été effectuée avant la mort de la victime
  • s'il y avait une suspicion de lésion par balle.

Il rappelle, également, que de manière générale, dans le cadre d'affaires criminelles, ce n'est "pas parce qu’on connait la cause de la mort, qu’on peut se dispenser d’une autopsie".

Quatorze autopsies ont été réalisées et "on en a évité 70", explique-t-il. "On ne le fait jamais de gaité de cœur", renchérit-il. 

Je sais que certaines familles ont très mal vécu l’autopsie sur le corps de leur proches. Souvent, la famille s’oppose aux autopsies, soit pour des raisons religieuses, soit pour des raisons personnelles parce que c’est vu comme une violation de l’intégrité du corps. Dans tous ces cas, on fait toujours l’autopsie. Il n'y a pas de passe-droit. On ordonne l’autopsie parce qu’on en a besoin.

François Molins

"C'était trop tard, le mal était fait"

Le parquet demande donc au directeur de l'IML, avec une réquisition écrite, de réaliser les autopsies dans le cadre des trois critères explicités plus haut et de réaliser tout prélèvement utile en cas de besoin. "C’est à lui de déterminer de quoi il a besoin pour avoir la possibilité d’organiser des analyses biologiques", explique François Molins. "Le protocole habituel, selon les mots du procureur, consiste à prélever un échantillon des organes de quelques centimètres"

Le prélèvement des organes entiers ne se fait "que dans des situations très particulières". "Voilà dans notre esprit ce qui va se passer lorsque nous prenons nos réquisitions", martèle-t-il devant la cour.

Ce n'est que "quelques jours plus tard", que le procureur découvre que l'IML a procédé au prélèvement de quasiment tous les organes, en entier, sur chacune des victimes autopsiées. A ce moment-là, le parquet n'est déjà plus en charge de l'enquête. Il déclare à la barre : "Quand on a appris ce qui s'était passé, c'était trop tard, le mal était fait."

Je ne veux pas accuser l’IML qui a bien travaillé. Tout ça participe à une forme d’excès de zèle. Ils ont fait effectivement quelque chose qui, à mon sens, ne se justifiait pas.

François Molins

Selon lui, "le prélèvement de la totalité des viscères n’était pas indispensable", répète-t-il. "On aurait pu mieux faire et mieux informer", insiste-t-il.

Mieux informer en effet, car les proches des victimes n'ont pas été informés de ces autopsies et donc encore moins des prélèvements. En effet, comme le rappelait Anne Gourvès lors de son témoignage, aucune institution ne les a jamais informés officiellement.

Pour sa part, le procureur indique que l'information sur l'autopsie aurait pu être donnée, lorsque les corps ont été présentés aux familles.

Lors des questions des avocats, Maître Virginie Le Roy, dont le volet sur le prélèvement des organes concernent ses clients, a demandé au procureur de confirmer "si habituellement il convient de prélever uniquement les organes lésés et non les organes sains". Ce qui n'a pas été le cas dans le cadre des autopsies après l'attentat de Nice. François Molins lui confirme que c'est ce dont il a l'habitude. L'avocate le remercie, lui indiquant que cela apportait probablement "beaucoup de soulagement aux familles".

Des réparations demandées par une avocate

Allant un peu plus loin,  Maître Virginie Le Roy explique au procureur qu'elle souhaiterait que le parquet informe officiellement les familles concernées par ces autopsies, d'autant plus que certaines ont appris l'existence de cette problématique seulement lors de l'audience.

Elle lui indique qu'elle souhaiterait également que les familles qui le souhaitent, puissent vérifier avec des analyses biologiques si les organes qui leur seraient rendus sont bien ceux de leur proche.

Enfin, elle formule une dernière requête pour les familles qui souhaiteraient faire une seconde inhumation :  "Serait-il possible que le parquet ou l'Etat facilitent ces démarches ? Est-ce que ça vous parait légitime et est-ce que cela pourrait-être pris en charge et mis en œuvre rapidement ?"

Ce à quoi François Molins répond : "A titre personnel, je répond de façon tout à fait libre, je ne vois pas d’autre solution que de recourir à des analyses ADN, mais ça n’engage que moi."

Un applaudissement fort retentit sur les bancs du public. C'est celui d'Anne Gourvès, suivi de quelques parties civiles autour d'elle. Très rapidement, le président du tribunal, demande l'ordre dans la salle et rappelle qu'il peut expulser les personnes qui interviendraient de manière spontanée pendant les débats. 

Ce premier témoignage de la journée du 10 octobre semble répondre davantage aux nombreuses questions que se posaient encore les parties civiles après l'intervention du professeur Quatrehomme en début de procès.

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