Ce mercredi 7 septembre à Nice, un policier a tué le conducteur d'un véhicule qui refusait d'obtempérer. L'homme aurait foncé à deux reprises sur les policiers. Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux ont relancé la polémique sur la légitime défense.
Hier, mercredi, aux alentours de 16h30, un policier a mortellement touché un homme au volant d'un véhicule en bas de l'avenue Henri Matisse. Ce dernier conduisait sans permis au volant d'un véhicule volé selon des sources policières. Il est toujours ce jeudi en garde à vue.
D'après Maud Marty, adjointe au procureur de la République de Nice, "il s'agit d'une prise en chasse d'un véhicule par un équipage de la BSR (Brigade de Sécurité Routière), deux fonctionnaires de police ont suivi un véhicule qui prenait bon nombre de risque sur la voie rapide à la sortie Nice ouest, ce véhicule s'est engagé dans l'avenue Henri Matisse a fait un demi-tour devant le véhicule de police et est venu percuter ce véhicule à deux occasions".
Son interview ce mercredi soir sur place :
Rapidement, sur les réseaux sociaux, des vidéos de témoins apparaissent. Notamment, celle-ci, très partagée et commentée :
Dans cette vidéo tournée au moment des faits, on peut voir le véhicule du contrevenant sur la droite. En face, la voiture de l'équipage de la Brigade de Surveillance et de Recherche. Bloqué par la voiture de police, l'homme fait marche arrière, puis s'arrête.
Le policier tire sur l'homme au volant.
Une enquête pour déterminer les circonstances
Le conducteur du véhicule est décédé. Le passager, interpellé a été placé en garde à vue. Les deux policiers en état de choc ont été conduits à l'hôpital hier en fin d'après-midi.
L'auteur du coup de feu est un policier adjoint de 23 ans. Le procureur de la République de Nice a saisi l'IGPN pour enquêter sur ce tir. Il faudra déterminer les circonstances précises dans lsequelles il a été effectué.
Le directeur général de la police nationale Frédéric Veaux, interrogé au sujet de ces vidéos ce jeudi matin sur Franceinfo, a évoque le "poids et la violence de certaines images".
Dans une affaire comme celle-là, c'est l'ensemble de l'action qui doit être analysée. Ce qui s'est passé avant, dans l'environnement. La perception qu'ont pu en avoir les policiers au moment de l'intervention
le directeur général de la police nationale Frédéric Veaux.
Il a aussi souligné que cette enquête "difficile, complexe" est ouverte.
Refus d'obtempérer, des chiffres en hausse
Selon les représentants des syndicats de Police présents sur place, leur collègue a agi en état de légitime défense.
"Les collègues ont contrôlé cette personne qui a refusé de s'arrêter bien évidemment puisqu'en France, aujourd'hui, lorsque des policiers donnent des injonctions de s'arrêter, bon nombre de personnes refusent le contrôle et vont foncer délibérément sur les policiers. Je vous rappelle qu'un véhicule, c'est une arme par destination. Les policiers, pour sauver leur vie, font usage de leur arme simplement pour éviter d'être tué" indique Benoit Barret, secrétaire national Province syndicat Alliance Police.
Impossible cependant à ce stade de connaître les circonstances précises du contrôle et du tir. Le syndicaliste, à propos de la multiplication de ces refus d'obtempérer : "l'urgence absolue, c'est de restaurer l'autorité de l'Etat, restaurer l'autorité des policiers."
Sur son compte Twitter, le maire de Nice, Christian Estrosi a fait part de son indignation et précisé que "ces dernières 24h, notre Police municipale a été confrontée à deux refus d’obtempérer particulièrement violents."
Le décompte
Depuis le début de l'année, d'après un décompte effectué par nos confrères de France Info, il y a eu neuf morts suite à des tirs de policier lors de refus d'obtempérer. Un chiffre en nette augmentation comparé aux années précédentes.
En 2021, selon les chiffres de l'IGPN et de l'IGGN, quatre personnes avaient été tuées dans ces circonstances, une seule en 2020 en zone police.
Sur 14.240 refus d'obtempérer, comptabilisés l'année dernière par la police nationale, 157 cas concernent des "usages d'armes à feu sur des véhicules en mouvement", selon des chiffres de la police publiés par l'AFP ce 7 septembre.
Un rapport du Sénat montre une hausse constante de ce délit, notamment de 28% entre 2015 et 2020.
Selon Gérald Darmanin, cité par Le Figaro, plus de la moitié des décès en service de policiers et gendarmes étaient effectivement dus à des refus d'obtempérer en 2020.
La légitime défense dans la loi
En 2017, une évolution de l'article L435-1 du code de la sécurité intérieure, régissant les règles d'usage des armes est entrée en vigueur.
La loi autorise policiers, gendarmes, militaires a faire usage de leur arme pour sauver leur vie ou celle d'autrui, seulement en cas d'absolue nécessité et de manière proportionnée. Cinq points spécifient les conditions autorisant ces tirs.
Voici la loi dans son intégralité :
"Dans l'exercice de leurs fonctions et revêtus de leur uniforme ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité, les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale peuvent (...) faire usage de leurs armes en cas d'absolue nécessité et de manière strictement proportionnée :
1° Lorsque des atteintes à la vie ou à l'intégrité physique sont portées contre eux ou contre autrui ou lorsque des personnes armées menacent leur vie ou leur intégrité physique ou celles d'autrui ;
2° Lorsque, après deux sommations faites à haute voix, ils ne peuvent défendre autrement les lieux qu'ils occupent ou les personnes qui leur sont confiées ;
3° Lorsque, immédiatement après deux sommations adressées à haute voix, ils ne peuvent contraindre à s'arrêter, autrement que par l'usage des armes, des personnes qui cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations et qui sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d'autrui ;
4° Lorsqu'ils ne peuvent immobiliser, autrement que par l'usage des armes, des véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre d'arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d'autrui ;
5° Dans le but exclusif d'empêcher la réitération, dans un temps rapproché, d'un ou de plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d'être commis, lorsqu'ils ont des raisons réelles et objectives d'estimer que cette réitération est probable au regard des informations dont ils disposent au moment où ils font usage de leurs armes."
L'affaire de Nice est intervenue quelques heures à peine après qu'une femme de 22 ans a été tuée et un homme de 26 ans blessé à Rennes, là aussi par le tir d'un policier, lors d'une interception menée dans le cadre d'une opération anti-drogue.