Ils utilisent des outils traditionnels peu polluants, des variétés anciennes adaptées au terroir et veillent à entretenir la biodiversité sauvage autour de la nature qu'ils cultivent… Sacha Bollet, documentariste et agricultrice en herbe, est allée à la rencontre de ces paysans modernes. Elle signe un film choral captivant, empreint d’une belle énergie, qui fait écho aux préoccupations environnementales actuelles.
Se lancer dans l’agriculture ? Une aventure qu’elle n’imaginait peut-être pas il y a quelques années. La vie en a décidé autrement. Réalisatrice de documentaires, Sacha Bollet hérite de sa grand-mère 11 hectares de terres agricoles et une ferme en ruine, entre Marseille et Aix-en-Provence.
Qu’en faire ? Après mûre réflexion, la décision est prise : avec mari, enfants et amis, elle va redonner vie à ces morceaux de terre. "Au fond de nous quelque chose s’est réveillé, il est temps de mettre la main à la pâte et de se lancer dans l’agriculture pour tenter de produire nous-mêmes l’alimentation saine, locale et non polluante que nous plébiscitons pour notre famille".
Le film retrace la première année de son exploitation agricole et en parallèle sa recherche de modèles inspirants. Pas question en effet de se lancer aveuglément : pour dessiner les parcelles, choisir les cultures et les méthodes, identifier les contraintes et les écueils, notre réalisatrice a besoin de conseils.
Un nouveau monde paysan
Après une solide formation, la voilà partie aux quatre coins de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, à la rencontre de mentors, d’agriculteurs aguerris qui partagent ses valeurs.
Au gré de cette quête, se dessine un nouveau monde paysan qui cherche des alternatives au modèle agro-alimentaire intensif omniprésent depuis trente ans.
Comme Sébastien et Elodie, paysans boulangers dans les Alpes-de-Haute-Provence. Ils cultivent entre autres des variétés de blés anciens, font pousser ensemble céréales et engrais verts et pratiquent la culture sans labour.
Adepte de sobriété, le couple trouve sans cesse de nouvelles manières de faire de l’agriculture en laissant place à la spontanéité du vivant. "Simplifier tous les gestes, pour moi c’est vraiment le sens de l’agriculture aujourd’hui car on l’a complexifiée, on intervient beaucoup trop" souligne Elodie.
En Camargue, Nicolas, écologue de formation, est responsable du domaine du Petit Saint-Jean. Des expériences scientifiques y sont menées autour de l’agroforesterie. Ici, l’idée centrale est de montrer qu’il est possible d’intégrer une activité agricole dans un écosystème naturel sans en perturber le fonctionnement et en se servant, au contraire, des espèces sauvages qui le peuplent.
Le point commun de tous nos modèles, c’est de pratiquer une agriculture paysanne, c’est-à-dire à petite échelle, soucieuse de l’environnement, productrice de denrées alimentaires, mais aussi de lien social avec d’autres paysans et avec les consommateurs.
Sacha Bollet, réalisatrice
Sur le plateau de Valensole, ce sont deux apiculteurs bio, Judith et Samuel, qui vont partager leur savoir-faire avec notre réalisatrice. "On travaille avec environ 400 ruches à 2, c’est pas énorme. On n’a pas besoin de plus pour vivre" note Samuel.
Le couple cultive volontiers l’entraide avec d’autres apiculteurs. "Tu accomplis la tâche beaucoup plus rapidement, tu sors un peu de ton entre-soi, tu découvres des nouveaux endroits, des nouveaux ruchers, des nouveaux biotopes" apprécie Judith. "Il y a une richesse incroyable dans la discussion et ça fait beaucoup de bien de retrouver du travail en équipe".
Autre rencontre, autre expérience : Barbara et Vincent sont éleveurs en Provence. Ils n’ont pas de terre à eux et déplacent sans cesse leurs bêtes pour trouver de l’herbe fraîche dans des champs en friche ou même des terrains abandonnés.
L’été, ils pratiquent la transhumance à pied, à l’ancienne. Cette lente migration vers les sommets colle parfaitement à leur envie de produire une viande avec des moyens simples et une faible empreinte carbone.
Image idyllique de l’agriculture ? Le film n’élude pas la pénibilité et les aléas de l’activité, tout en questionnant la viabilité économique de ces modèles.
Certes, les nouvelles vocations agricoles sont nombreuses, mais au-delà de l’installation c’est un effort constant et soutenu pour en vivre.
Sacha Bollet
Clémentine, par exemple, a quitté le journalisme il y a 4 ans pour se reconvertir, avec succès, dans les plantes aromatiques. Installée dans le Luberon, elle reçoit régulièrement des aspirants à l’aventure agricole, pour leur montrer la réalité du métier.
"On est dans une société qui est très éloignée du monde agricole. Beaucoup de gens viennent s’installer et me disent : je veux travailler 20 heures par semaine. Mais je ne connais pas de maraîchers qui même au bout de 20 ans arrivent à faire ça !" sourit la jeune femme. "Moi, je pars du principe que je travaille quasiment du lever au coucher du soleil, en toutes saisons. En contrepartie, comme je suis à mon compte, il y a des moments où je vais m’accorder 3 heures dans l’après-midi pour aller monter mon cheval".
Pour tirer son épingle du jeu, Clémentine a créé avec d’autres paysans un point de vente collectif, un magasin de producteurs. Outre des débouchés plus stables que les marchés, elle apprécie la stimulation de travailler avec d’autres : "le magasin vient compléter l’individualité de la ferme".
Une année "chaotique mais exaltante"
Au fil des saisons se dévoile le patient labeur de ces paysans modernes qui s’efforcent de produire des aliments sains et écologiques dans l'une des régions les plus urbanisées de France. Ils aiment ce qu’ils font et veulent donner du sens à leur travail.
Grâce à leurs conseils et à leur ingéniosité, notre réalisatrice apprend peu à peu et sa petite ferme se dessine…
Porté par des images superbes et une musique originale, "Les nouveaux paysans" n’est pas un énième film sur le retour à la terre mais une chronique joyeuse et attachante, que l’on savoure de bout en bout.
Les nouveaux paysans
Un film de 52 mn de Sacha Bollet, une coproduction Cicada Production / France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Diffusion jeudi 10 novembre 2022 à 22h50 et vendredi 11 novembre à 9h05.
Liens utiles
►Coopérative de produits en laine de mouton La Sariette (Barbara et Vincent)
►Magasin de producteurs La Bardane (Clémentine)
►GAEC (Samuel et Judith)
►Domaine du Petit Saint-Jean (Nicolas)
►Ferme des Sauvageons (Sacha Bollet)