Témoignages. "Je ne suis pas torero pour tuer un taureau" : matadors, éleveurs et passionnés réunis pour défendre la corrida

Publié le Écrit par Louise Beliaeff

Une proposition de loi visant à abolir la corrida est débattue ce jeudi à l'Assemblée nationale. Nous avons recueilli le témoignages de ceux qui défendent l'"art" de la tauromachie.

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"Je veux faire ça". En 2009, Tibo Garcia voit sa première corrida aux arènes d'Arles. Il n'a que 11 ans et ne connaît rien à la tauromachie. "Ca a été une révélation, j'ai ressenti énormément d'émotion, j'ai eu envie d'être à la place du torero". 

11 ans plus tard, le Nimoîs se remémore les sensations et le côté artistique, dont il se souvient, "comme si c'était hier" : "C'est la fin de la journée, il y a les lumières qu'on allume aux arènes, le jeu de lumière sur le costume, voir quelqu'un canaliser la charge d'un taureau sauvage...Ca m'a tout de suite donné le sourire."

Après avoir été formé à l'école taurine, Tibo Garcia a pu se produire en public avec la mise à mort du taureau à partir de 16 ans, l'âge légal. Puis est venue la consécration, l'alternative, en août 2019. C'est l'accomplissement de nombreuses années de travail : de novillero (débutant), il est devenu matador de toros.

"C'est un mode de vie, une passion, un métier. On vit pour le taureau, à travers le taureau." Quant à la mise à mort, au cœur des débats contre la corrida, Tibo Garcia la voit comme la "finalité du combat". 

La mise à mort, c'est la signature de l'œuvre.

Tibo Garcia, Matador de toros

"Je ne suis pas torero pour tuer un taureau, mais parce que j’aime le taureau, j’aime être devant le taureau. Je ne suis pas contre le taureau. J'essaie de créer quelque chose de beau. Etre en osmose avec lui, transmettre au public."

Le torero rappelle que jusqu'à la mort du taureau, il met sa vie en jeu. "Je risque de me faire tuer. Je suis dans une bulle avec le taureau. Ce sont des sensations très dures à expliquer". 

Arriver à "toucher l'osmose jusqu'à gracier le taureau", cela n'est encore jamais arrivé au matador Nîmois. "C'est une finalité qui doit être incroyable à vivre, je n'en ai pas encore eu la chance". 

Alors que l'abolition de la corrida est en débat jeudi 24 novembre à l'Assemblée nationale, Tibo Garcia se dit prêt à dialoguer avec ceux qui s'interrogent. 

"Je comprends que certains puissent avoir du mal avec la mise à mort, je peux comprendre que cela dérange. Mais beaucoup ne cherchent pas à comprendre, beaucoup ne savent pas comment s'élève un taureau. Je suis le premier à vouloir en parler".

Tuer un taureau dans un abattoir à l’abri des regards, ce n’est pas le respecter. Le taureau a été élevé pour ce combat, pour ce spectacle."

Tibo Garcia

Aimer le taureau et tuer le taureau, pour Tibo comme pour Benjamin Cuillé, éleveur de taureaux espagnols sur son temps libre aux Salins-de-Giraud, il n'y a pas de contradiction. 

"Aimer réellement sa bête, c'est avant tout respecter sa nature. Et la nature profonde du taureau de combat, c'est la corrida", témoigne ce passionné qui élève 300 bêtes au sein de l'entreprise familiale. 

Benjamin Cuillé assiste à sa première corrida à l'âge de "5 ou 6 ans". La passion est venue un peu plus tard, à l'adolescence. "Ca vous prend aux tripes". Il se rend aujourd'hui à plus de 20 corridas par an. "C'est une passion, on ne peut pas vivre sans. Les taureaux, c'est un mode de vie. C'est ce qui rythme notre semaine. Tout tourne autour de ça."

Ce passionné craint qu'en faisant disparaître la corrida, on supprime une race "d'un revers de main". 

"Le taureau de combat, a été élevé depuis des siècles pour la corrida. Il ne peut faire que ça. C’est la seule fonction. Est-ce qu’on peut vraiment éradiquer toute une communauté parce qu’elle prend 30 secondes pour tuer un bovin ?"

La corrida c’est un art, ou on l’aime ou on ne l’aime pas. Mais nous demandons du respect et de la liberté.

Benjamin Cuillé, éleveur

"On entend une surenchère de mots : torture, barbarie... Mais si des millions de personnes vont y assister, c'est bien qu'il a autre chose, explique le passioné. Pourquoi cela aurait-il inspiré de nombreux artistes, pourquoi cela passionnerait-il autant ?" 

"Abolir la corrida, c'est nous arracher une énorme partie de notre vie, poursuit Benjamin Cuillé. On prend très mal que des gens qui n’ont pas fait l’effort de connaître, se permettre de supprimer d’un revers de main un peuple, une communauté".

Pour l'éleveur comme pour le matador Tibo Garcia, cette loi serait une "porte ouverte à toutes les interdictions" : la chasse, de la pêche, de la course camarguaise. "On ne fait rien d'interdit, c'est notre culture, une culture incroyable et diversifiée", se défend le torero.

"La Camargue existe aussi grâce au taureau espagnol, c’est le roi de la nature, le protecteur de la nature, il offre une biodiversité à la faune et à la flore."

Tibo comme Benjamin, matadors et éleveurs se rendent à Paris pour le débat à l'Assemblée. "On ne va pas manifester. On veut être présents", précise le torero.

A nous de prouver que la corrida fait tout ce qui est nécessaire pour qu'il n'y ait pas de cruauté envers le taureau.

Evelyne Lanfranchi, association Esprit du Sud 13

Pour Evelyne Lanfranchi, membre de l'association Esprit du Sud 13 qui a pour but de mettre en valeur le territoire, la réglementation est la clé. "C'est la seule façon de protéger la corrida"

"C'est un art très réglementé : l’homme affronte le taureau de façon loyale."

Âgée de 70 ans, Evelyne Lanfranchi a occupé des postes importants dans les grands clubs taurins de la ville d'Arles. Elle a toujours défendu la tauromachie. Née en Camargue, la passion ne l'a jamais quittée.

Elle se rappelle les histoires des grands cocardiers que son grand-père lui racontait. "Mes grands-parents allaient aux arènes. Quand on se préparait pour aller à une corrida, c'était des moments joyeux de partage en famille. C'était la fête à la maison."

Lorsqu'elle se rend chez des amis éleveurs, Evelyne passe "des heures et des heures à les regarder". Comprendre, et respecter la bête et donc "éviter la cruauté". 

Pour elle, les jeunes aficionados (amateurs de corrida), sont "très conscients de cela". "Les jeunes qui y sont rentrés par la fête, ils se rendent compte qu’il faut protéger la tauromachie, se mettent en club, en association". 

Elle cite notamment le travail d'une jeune éleveuse et vétérinaire de taureaux, Caroline Fano, qui a publié une vidéo présentant son combat : 

"La corrida doit durer, mais les règles doivent être respectées", estime celle qui se dévoue pour la tauromachie depuis des décennies. 

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