Après cinq dates à Paris, la comédie musicale "la haine" a commencé sa tournée dans toute la France par Marseille vendredi 8 et samedi 9 novembre. Intelligence artificielle, décors, féminisme, vivre ensemble, OM : voici 5 choses à savoir sur cette pièce à succès.
Standing ovation. Désolée pour les détracteurs des anglicismes, mais il n'y a pas d'autres mots pour décrire l'état dans lequel les spectateurs du dôme de Marseille étaient hier soir à la fin de la comédie musicale "la haine", jouée à nouveau ce samedi 9 novembre à 20h30. Pendant de longues minutes, debout, le public a applaudi les 22 comédiens et comédiennes, danseurs et danseuses, rappeurs, rappeuses et la dj de cette pièce.
Deux heures d'un spectacle artistique engagé, quinze tableaux différents qui reproduisent des scènes cultes du césar du meilleur film de l'année 1995. Le pari était risqué. D'abord, c'est la première fois qu'une comédie musicale tournée autour des arts urbains est jouée en France. Ensuite, comment revisiter le premier film qui a mis en lumière les quartiers populaires en France, près de 30 ans après sa sortie. Enfin, difficile de rejouer Vincent Cassel, Saïd Taghmaoui et Hubert Koundé.
Il y a neuf mois, nous avions rencontré les trois acteurs principaux et le réalisateur, Vincent Kassovitz. Ils venaient prendre le pouls des quartiers marseillais :
Depuis, ils ont accouché d'une pièce saluée par la critique, à laquelle France 3 Provence-Alpes a assisté. Voici les cinq points qui nous ont marqué.
Une pièce ancrée dans le présent
"Jusqu'ici rien n'a changé" : c'est le nom de ce spectacle, référence à "jusqu'ici tout va bien", phrase du film devenue mythique. Si la comédie musicale dénonce une réalité dans les quartiers populaires qui n'a pas bougé en trente ans, elle est tout de même replacée dans notre époque actuelle. "On ne guérit pas du tieks, même sous opération place nette", dénonce Vinz, joué par Alexander Ferrario.
Dès le début, le ton est donné avec un générique similaire à celui du film, mais dont les images, en noir et blanc, montrent les événements qui se sont déroulés entre 1995 et aujourd'hui : Adama Traoré, Geroge Flyod. Tout au long de la pièce, les musiques urbaines sont mélangées à des sonorités électroniques façon The Blaze. Un mélange des cultures dans l'air du temps à l'image de la scène d'ouverture où des chants gitans sont entremêlés de raï, de reggae et de house.
Tout au long du spectacle, des clins d'œils à notre époque donnent une touche actuelle et drôle à des scènes cultes. Devinez devant quel objet Vinz (Alexander Ferrario), reproduit la scène du miroir "c'est à moi qu'tu parles?" Les smartphones sont partout, l'intelligence artificielle est évoquée, sans oublier les références à Jordan Bardella, Jean-Luc Mélenchon, Kyllian M'Bappé, Yamê, ou encore "Bigflop et au lit"...
Un élan féministe
Heureusement que certaines choses ont évolué depuis les années 1995. Aussi, quand Saïd, interprété par Samy Belkessa, demande à sa sœur de rentrer à la maison, celle-ci lui rétorque "t'as cru qu'on était en 1995 ou quoi?" Les femmes dansent, affrontent les hommes dans un battle de break dance impressionnant, rappent et chantent, presque autant que la gent masculine. Lors d'une scène de bagarre, une femme met à terre un homme, pour le plus grand plaisir des féministes.
L'incroyable performance de Camila Halima Filali qui interprète le rôle de Leila, la petite amie de Vinz, est a souligner. Suspendue dans les airs, entre rap, chant et danse, l'artiste captive le public autour de paroles fortes et engagées façon Diam's, sur une mélodie du "piano king" : Sofiane Pamart. Une ode à l'amour et aux rôles des femmes.
Message d'amour
La haine, la rage, la colère qui ont marqué le film de Mathieu Kassovitz sont nuancées dans cette comédie musicale par un message de vivre ensemble et d'amour. Dès la scène d'ouverture, la musique prône, presque de manière caricaturale, : "et si l'on pouvait vivre ensemble". "Personne ici n'a réussi grâce à la haine", scande Saïd (Samy Belkessa) au milieu du spectacle.
La pièce, donne aussi la parole à un policier, interprété par Walid Afkir, qui joue aussi le rôle du frère d'Abdel Ichacha. Dans deux textes écrits par le rappeur Youssoupha et qui se répondent, il rap avec briot tour à tour la haine d'un frère tué par un policier, et "la haine d'un flic". Une idée du directeur musical : Proof.
Cette comédie musicale se termine par un rap brillamment interprété par Alivor (Hubert), écrit par le rappeur Médine : "l'amour". Le message est plus que passé. Et avec des lyricistes comme Jyeuhair, et Youssef Swatt's (nouvelle école saison 2), Akhenaton, Oxmo Puccino ou encore Tunisiano, il est renforcé.
Décors plus vrais que nature
À souligner : la mise en scène et les décors. Tout au long de la pièce, on a l'impression que les acteurs marchent dans Paris grâce à un écran géant qui diffuse des images d'une ville qui défile et surtout, grâce à un tapis roulant invisible des spectateurs.
Les images en fond sont plus vraies que nature : il est difficile, au début, de se rendre compte que les CRS et leurs camions ne sont pas réellement sur scène. Les mêmes décors sont réutilisés de manière habile : une rame de métro se transforme en quelques secondes en toilettes publiques.
Clins d'œils locaux
Quelques heures avant le lancement de la première hors de Paris, les acteurs, avec qui nous avons passé une partie de l'après-midi, cherchent des clins d'œils locaux.
Nous avons noté l'accent marseillais, bien imité, lors de la scène des merguez sur le toit par l'acteur qui fait chauffer le barbecue. "Ça va le sang ?" Vu aussi : les signes Jul et les quelques répliques réécrites rien que pour nous. Mais la cerise sur le gâteau, c'était évidemment le tee-shirt de l'OM porté par Saïd (Samy Belkessa) et révélé à la fin du spectacle. Un parisien supporter de l'OM alors qu'au même moment l'équipe est en train de perdre face à Auxerre au stade Vélodrome... ça fait plus que chaud aux cœurs des Marseillais.