Mediapart publie les enregistrements de vidéosurveillance montrant les violences commises par quatre policiers sur le jeune Hedi, dans la nuit du 1er au 2 juillet à Marseille. Des faits pour lesquels les fonctionnaires ont été mis en examen. France 3 Provence Alpes a consulté la vidéo disponible sur le site d’investigation.
De nouveaux éléments font surface dans l'affaire Hedi. Le 20 juillet 2023, quatre policiers de la Brigade Anti-Criminalité (BAC) de Marseille sont mis en examen pour des violences perpétrées sur le jeune Hedi âgé de 22 ans, en marge des émeutes urbaines. Le fonctionnaire de police marseillais auteur du tir de LBD a été remis en liberté le 1ᵉʳ septembre, après quarante jours de détention provisoire, mais les enquêtes suivent leurs cours. Le 6 septembre dernier, le jeune Hedi est à nouveau auditionné par le juge d'instruction chargé de l'enquête au tribunal de Marseille.
Mediapart (article abonnés) revient sur les faits au travers des enregistrements de vidéosurveillance qui montrent les violences commises par les policiers sur Hedi. Des vidéos, jamais rendues publiques jusqu'ici, qui "accablent les policiers".
Que voit-on sur ces images de vidéosurveillance ?
Sur les images, filmées par plusieurs caméras différentes, on peut suivre les policiers de la BAC qui patrouillent en civil ainsi que le groupe de jeunes qui marchent tranquillement, avant que leurs chemins ne se croisent par hasard. À ce moment-là, face à trois policiers, Hedi tente de partir en courant, mais l’un d'eux utilise son LBD et lui tire dans le dos. Il s'effondre alors sur la route, contre un véhicule en stationnement, tandis que son camarade continue sa course. Un policier vient alors relever Hédi et l'emmène dans un recoin de la rue. L'auteur du tir le rejoint, accompagné de la commandante du groupe. Là, dans la pénombre, le jeune homme est roué de coups par quatre policiers. Une vidéo amateur vient corroborer les faits : lorsque Hedi se relève, on voit un policier lui asséner un dernier coup de pied par-derrière.
Quels nouveaux éléments apporte ce document vidéo ?
La scène, enregistrée aux alentours de 2h du matin, dure 44 secondes et témoigne de "l’extrême violence des coups portés et leur gratuité", selon le site d'investigation.
Selon les informations de Mediapart, ce tir de LBD n'a jamais été déclaré par le policier alors qu'il en a l'obligation. Par ailleurs, se pose la question de la distance minimum à laquelle le tireur de LBD doit se situer, question à laquelle la Direction générale de la police nationale (DGPN) n'apporte aucune réponse, mais confirme que viser la tête est proscrit par le règlement.
Central également, le sujet de la légitime défense. Ces images montrent qu'Hedi ne présentait aucune menace pour les policiers lorsqu'il a été visé par le tir, alors que les policiers affirment dans leurs auditions avoir été la cible de jets de projectile.
Qu'en pense l'avocat d'Hedi ?
Mediapart s'est procuré ces vidéos qui ont servi de base au travail des enquêteurs de la Direction générale de la police nationale (IGPN), saisie du dossier. Selon l'avocat d'Hedi, Jacques-Antoine Preziosi, ces images, retravaillées grâce aux moyens techniques des journalistes d'investigation, sont de bien meilleure qualité que celles fournies par la justice, "peu exploitables et très sombres" selon lui.
"Je dis depuis le début que ces policiers ont menti et mentent encore, il faut qu'ils soient en présence d'images pour avouer la vérité", affirme l'avocat, qui insiste sur l'absence de légitime défense dans ce dossier. "On le voit ici, Hedi est une victime innocente qui a été rouée de coups sans raison, contre laquelle on a tiré au LBD sans raison hors cadre légal, c'est une violence illégitime ", conclut Jacques-Antoine Preziosi.
Quelle réaction dans les rangs de la police ?
En juillet dernier, le syndicat Unité SGP-FO Police s'était élevé contre la détention provisoire du policier auteur du tir, appelant la profession à se mobiliser dans l'action. Suite à la publication de la vidéo, Bruno Bartocetti, le secrétaire national de cette organisation professionnelle, tient à rester sur la réserve, refusant de "commenter une instruction en cours". Cependant, il dénonce une enquête de Mediapart "qui conditionne le lecteur (...) maniant l'affirmatif et le conditionnel (...) dirigée à charge contre les policiers (...) ".
Au sujet de la légitime défense, il affirme avoir vu dans des cas antérieurs qu’"un individu peut être menaçant en tournant le dos". Concernant l'intention de viser la tête, Bruno Bartocetti assure "que dans l'action, la cible est en mouvement, il est impossible d'être aussi précis". "On n'est pas sur un stand de tir !", ponctue-t-il en invitant à la "prudence avant de commenter ces images".
Embarrassé par la séquence de passage à tabac, qu’il reconnaît comme "choquante", il conclut : "une vidéo, c'est trop réducteur, il faut regarder l'ensemble des éléments constitutifs de l'enquête et c'est ce que fera le juge".