Seize prévenus, personnes morales ou physiques, seront jugées à partir de ce jeudi 7 novembre, six ans après le drame de la rue d'Aubagne. L'effondrement de deux immeubles avait fait huit morts. Une catastrophe "prévisible" selon des éléments de l'enquête.
Ils étaient propriétaires, architecte, ou élus au moment de l'effondrement de deux immeubles, le 5 novembre 2018, rue d'Aubagne à Marseille. Seize personnes physiques ou morales seront sur le banc des prévenus au cours d'un procès "hors norme" qui s'ouvre le jeudi 7 novembre devant la sixième chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Marseille. L'aboutissement de près de 6 ans d'instruction.
Quatre d'entre elles sont poursuivies à l'initiative des juges d'instructions pour homicide involontaires et blessures involontaires. Douze autres prévenus ont été cités à comparaître à la demande des parties civiles, familles des victimes ou de locataires survivants. Nous vous présentons quatre d'entre eux.
Julien Ruas, seul élu de la Ville sur le banc des accusés
Il devra répondre de son implication dans le drame en tant qu'adjoint au maire à la prévention des risques. Il avait notamment dans sa délégation le traitement des arrêtés de péril, sous la responsabilité du maire LR d'alors, Jean-Claude Gaudin,
Avant les effondrements, le service de prévention et gestion des risques avait reçu plusieurs alertes concernant la dangerosité du numéro 65. Mais le service est alors désorganisé, laissé à l'abandon par la municipalité Gaudin.
Le 18 octobre 2018, l'immeuble est évacué et un arrêté de péril grave et imminent est pris par la municipalité, signé par julien Ruas. Mais les expertises autorisent les habitants à réintégrer leurs appartements le soir même, contre la promesse de travaux par les propriétaires.
Le tribunal devra évaluer si l'ancien adjoint a délibérément manqué à son obligation de mise en sécurité de l'immeuble. Julien Ruas a toujours défendu la politique de la ville de Marseille, blâmant plutôt l'inaction des propriétaires privés.
Julien Ruas est aujourd'hui toujours élu à la ville de Marseille, comme conseiller municipal d'opposition (LR). Il risque 3 ans de prison et 45 000 euros d'amende pour homicide involontaire et mise en danger de la vie d'autrui par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité.
Richard Carta, l'expert qui avait autorisé les locataires du 65 à réintégrer leur immeuble
Son métier : intervenir en tant qu'architecte expert auprès des tribunaux. C'est lui qui a ordonné l'évacuation du 65, rue d'Aubagne puis sa réintégration le 18 octobre 2018, deux semaines avant le drame.
L'enquête, engagée le 19 novembre 2018, a révélé que cet expert reconnu auprès du tribunal administratif a préconisé des travaux qui ont aggravé la fragilité de l’immeuble. Un “manquement majeur”, selon les experts auditionnés lors de l'enquête qui précède la mort de huit habitants dans l'effondrement de leur immeuble.
Richard carta est mis en examen pour homicide involontaire.
Xavier Cachard, propriétaire d'un appartement au 65 et ancien Vice-Président de la Région
Parmi les co-propriétaires du 65 rue d'Aubagne cités à comparaître par les parties civiles, Xavier Cachard est sans doute le plus emblématique. Proche du président de la région Paca, Renaud Muselier, il était Vice-président au budget de la région au moment du drame. La délégation lui a été retirée le 6 novembre 2018, mais il a continué à siéger jusqu'à la fin de son mandat.
"Ce qui est arrivé est terrible, mais je ne suis pas responsable, j'ai toujours payé les travaux demandés" commentait-il à l'époque. Xavier Cachard était également l'avocat du Cabinet Liautard, le syndic de l'immeuble.
Au cours d'une cérémonie parodique, l'ancien élu avait été élu "Mister élu indigne" en mars 2020. L'événement, organisé par le Collectif du 5 novembre visait à dénoncer l'implication personnelle de certains élus dans la crise du mal logement.
SEM Marseille Habitat, le bailleur public propriétaire du 63 rue d'Aubagne
L'immeuble mitoyen du numéro 65 était un bâtiment inoccupé, propriété intégrale de la Ville de Marseille via Marseille Habitat. Le bailleur social avait, à l'époque des effondrements, un projet de réhabilitation de l'immeuble, situé au 63 de la rue d'Aubagne. L'organisme était alors présidé par Arlette Fructus, adjointe au logement de l'équipe Gaudin. Cette dernière sera au procès comme témoin, pas comme prévenue.
Au cours de l'enquête, des rapports d'expertise ont mis en lumière un défaut d'entretien de l'immeuble. L'audience portera notamment sur le déroulé des effondrements. Lequel des deux immeubles a emporté l'autre dans sa chute ?
Comme le cabinet Liautard, le syndic du numéro 65, également sur le banc des prévenus, Marseille habitat risque, en tant que personne morale, 225 000 euros d'amende pour homicide involontaire.
Audrey Gatian, l'actuelle présidente de Marseille habitat et adjointe au maire déléguée à la politique de la ville, avait assuré en 2021 l'entière collaboration de l'organisme avec la justice : "Si la responsabilité de Marseille Habitat était avérée, elle devrait en répondre. Nous devons cela aux victimes de ce drame qui a marqué la ville."