"Il fait nuit, il y a des cris de femmes" : quand Bahia passait douze heures dans l'eau après le crash de son avion au large des Comores

Condamnée en première instance pour la mort de 152 personnes dans le crash d'un avion au large des Comores en 2009, la compagnie aérienne Yemenia Airways est jugée en appel à partir de ce lundi 4 mars devant la cour d'appel de Paris.

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Quinze ans après le crash, Bahia Baraki, 27 ans, est la voix des 152 personnes, parties de Paris et Marseille, qui ont péri au large des Comores le 30 juin 2009. Le témoignage de l’unique rescapée avait profondément ému l’assemblée lors du premier procès, du 9 mai au 2 juin 2022. "C'est le témoignage le plus important de ma vie", avait-elle confié.

Condamnée en première instance à une amende maximale de 225.000 euros pour homicides et blessures involontaires, Yemenia Airways rejette toujours toute responsabilité. Le second procès en appel s'ouvre lundi 4 mars à Paris, il va durer jusqu’au 28 mars. Plus de 800 ayants-droits de victimes, regroupés au sein d’une association, suivront ce deuxième procès à Marseille, où la diaspora comorienne compte 100 000 membres. "C'est la plus grande catastrophe qui a eu lieu dans l'histoire des Comores", a souligné Saïd Assoumani, le président de l'association.

"Un trou noir" après le crash

Bahia Baraki avait 12 ans quand l'appareil s’est abimé en mer au large des côtes comoriennes en pleine nuit, peu avant son atterrissage. "Pour moi, c'était ma destinée de monter dans cet avion et de ne pas mourir dans cet accident-là", confiait la jeune femme dans un long entretien à RFO, en juin 2019. 

La petite fille se rendait à Moroni avec Aziza, sa mère, pour les vacances. Elle se souvient des minutes qui ont précédé l'accident, l'annonce de l'atterrissage et les consignes de l'équipage quand l'avion a amorcé sa descente sur l'aéroport des Comores.  Puis elle a senti "des secousses". Autour d'elle "personne ne semblait inquiet". "As-tu bien attaché ta ceinture ?", ce seront les derniers mots échangés par Bahia avec sa mère. Ensuite plus rien. 

"J'ai un trou noir entre le moment où j'étais assise dans l'avion et le moment où je me retrouve dans l'eau”,  a-t-elle déclaré aux journalistes après avoir témoigné à la barre du tribunal judiciaire de Paris.

Elle se réveille au milieu des débris

L’enfant miraculée se réveille au milieu des débris de l'avion, sans comprendre ce qu'il lui arrive. 

Il fait nuit et il y a des cris de femmes, beaucoup de cris qui appellent à l'aide et des pleurs.

Bahia Bariki

RFO

La jeune fille "fait preuve d'une très grande lucidité". "Il y avait des débris autour de moi et je les ai attrapés et j'ai commencé à appeler à l'aide"

Douze heures vont ainsi s'écouler pour Bahia, balottée par les vagues avec le bout de carcasse, dans l'eau glacée. "J'ai dans la bouche ce goût d'essence qui mélangée au sel me brûle la gorge, les poumons et l'estomac, a-t-elle détaillé dans un livre publié en 2010.

Seule au monde

Elle a froid, elle a faim, elle a soif. Elle est épuisée. Et elle a peur. "Dès que tu entends un bruit, tu te dis, imagine, il y a un requin et tu es là toute seule, tu ne peux rien faire, tu ne peux pas te défendre", a raconté Bahia Baraki à RFO. 

J'avais perdu espoir, j'avais posé ma tête sur le débris et je me suis dit : on ne va plus jamais me retrouver.

Bahia Baraki

RFO

Le lendemain du crash, Bahia est enfin secourue par un bateau de pêcheurs. Un membre d'équipage lui jette une bouée de sauvetage, mais la jeune naufragée n'a pas la force de s'y agripper. "Un homme est descendu dans l'eau pour m'aider à remonter, tout le monde l'a traité de fou", à cause de la mer agitée. "C'était vraiment dangereux, mais il a pris le risque".  

De retour sur la terre ferme, Bahia Baraki reste quelques heures en observation à l'hôpital de Moroni. C'est là qu'elle prend de plein fouet l'horreur de la réalité. L'enfant qui croyait être la seule tombée de l'appareil, apprend du psychologue hospitalier que tous les autres ont péri. Sa maman aussi. "Ces mots m'ont plus brisée que le crash, plus que l'attente dans la nuit glaciale seule au milieu de l'océan", livre-t-elle. Bahia Baraki est rapatriée à Paris en avion médicalisé par le secrétaire de la Coopération de l'époque, Alain Joyandet. Son père est là à sa descente d'avion. Bahia est une miraculée. Depuis elle se bat pour les familles des victimes qui n'ont pas eu cette chance. 

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