LBD, grenades, lacrymo : après le carton rouge d'Amnesty International, victimes et policiers réagissent à Marseille

L'organisation non gouvernementale, chargée de surveiller le bon respect des droits de l'Homme, accuse la France de dérives autoritaires dans son dernier rapport annuel, paru mercredi 7 avril. À Marseille, le rapport est diversement apprécié que l'on soit d'un côté ou de l'autre de la matraque.

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Il n'aime pas qu'on le titille là-dessus, Rudy Manna. Non pas que le sujet le gêne ou le mette en difficulté. Mais le secrétaire départemental du syndicat policier Alliance, dans les Bouches-du-Rhône, y a déjà répondu cent fois.

"C'est tout le temps la même rengaine, déplore-t-il, avec Amnesty International !"

L'avant-veille, mercredi 7 avril 2021, l'organisation non gouvernementale publiait son rapport annuel "sur la situation des droits humains dans le monde", pour l'année 2020. 

Une somme de 500 pages, disponible ici en version intégrale. Trois pages sont consacrées à la France, un pays caractérisé selon l'ONG par "un certain nombre de préoccupations en matière de droits humains, notamment en ce qui concerne l'usage excessif de la force par la police"

"Police Amnesty International"

"C'est insupportable d'entendre ça, rugit Rudy Manna. J'aimerais que soit créé "Police Amnesty International", vu le nombre de policiers blessés chaque année !"

Dernier exemple en date, précise-t-il : cinq ou six blessures légères chez les forces de l'ordre suite à des jets de pierres ou de pavés lors du carnaval de la Plaine, ayant rassemblé 6.500 personnes à Marseille, en toute illégalité, le 21 mars 2021. 

Autre cas, survenu quelques jours plus tard : le guet-apens dans lequel sont tombés des policiers, ayant essuyé des jets de projectiles, dans le quartier de l'Ariane, à Nice, mercredi 24 mars.

"La police s'adapte à son public, se justifie encore Rudy Manna. Si personne n'est violent, on n'est pas violents ! Nous, tout ce qu'on veut, c'est commencer la journée tranquillement, et la finir sans problème. Nous battre, ce n'est jamais une partie de plaisir."

"Je pense que le niveau de violence des policiers équivaut au niveau de violence qu'ils reçoivent en face, nous confirme un jeune commissaire : les collègues s'adaptent."

Il cite en contre-exemple les journées nationales d'action, organisées une dizaine de fois par an le mardi et le jeudi, et qui se passent toujours "très bien" à Marseille, malgré la présence à chaque fois de 5 à 10.000 personnes. Car nous serions ici en présence d'un maintien de l'ordre "traditionnel", tel qu'on le pratique depuis les années 1980.

Dans le cas des gilets jaunes, "il y a eu des manoeuvres de rétablissement de l'ordre beaucoup plus violentes et improvisées", du fait du caractère inédit et anarchique du mouvement.

Les techniques policières mises en cause

En plus des "propos racistes et homophobes" épinglés dans le rapport d'Amnesty International, ou encore "l'utilisation récurrente par la police française d'une force illégale, en particulier dans les zones urbaines défavorisées", l'ONG fustige la "nouvelle stratégie de maintien de l'ordre dans les rassemblements"

Elle serait caractérisée par l'utilisation d'armes et de techniques "dangereuses" : LBD, gaz lacrymogènes, grenades de désencerclement. Pourtant, "les LBD ne sont plus utilisés en manifestation depuis la fin des gilets jaunes", se défend Rudy Manna. 

"Le rapport d'Amnesty International correspond à ce que l'on dénonce depuis de nombreuses d'années, et surtout depuis le début des manifestations des gilets jaunes", approuve Brice Grazzini, avocat de Maria*, jeune femme rouée de coups par une poignée de policiers lors d'une manifestation en 2018 à Marseille.

L'enquête judiciaire, qui s'était soldée par un non-lieu en décembre 2020, a été relancée par le parquet en mars 2021, à la faveur de nouveaux éléments, à savoir le témoignage d'une personne présente sur place au moment des faits. 

Vers un monopole de la "violence illégitime" ? 

Pour l'avocat de Maria*, la situation est grave : nous serions aux prises avec un usage de la violence devenu "systémique". L'État l'organiserait de manière non plus "légitime", mais "illégitime".

"Auparavant, regrette-t-il, la France était citée en exemple en matière de maintien de l'ordre : l'État prônait la discussion, la désescalade. Aujourd'hui, la doctrine, c'est tout le contraire de l'apaisement."

Une doctrine qui serait responsable de nombreuses dérives et victimes collatérales. Par exemple, la mort de Zineb Redouane lors d'une manifestation en 2018 à Marseille. Brice Grazzini est l'avocat du fils de la victime. 

Cette Algérienne de 80 ans est décédée à l'hôpital, après avoir été frappée au visage par une grenade lacrymogène, alors qu'elle se trouvait à la fenêtre de son appartement. Un "tir accidentel", a conclu en mai 2020 le rapport d'expertise balistique, démonté six mois plus tard par une contre-enquête journalistique.

L'IGPN de plus en plus sollicitée

En dehors du cas marseillais, 1460 enquêtes pour violences policières ont été confiées à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), en 2019, soit 41 % de plus qu'en 2018.

Cette hausse s'explique par le mouvement des gilets jaunes, qui regroupe à lui seul 310 dossiers. Combien aboutiront sur des condamnations effectives ?

Pour Rudy Manna, il faut se garder de jouer les donneurs de leçons : le contexte a évolué, la violence des manifestants également. "Allons voir ce qui se passe dans les autres pays, avant de sans cesse tirer à boulets rouges sur la France !"

Amnesty International n'y manque pas : 149 pays sont ainsi cités dans son dernier rapport annuel.

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