Le 12 janvier 2013, Marseille devenait capitale européenne de la culture pour un an : 11 millions de visiteurs, 650 millions d'euros injectés. Quels bénéfices la ville et les communes aux alentours en ont tiré et que reste-t-il 10 ans après ?
Le souvenir est bien celui d'un bouillon de culture et d'une effervescence. Des quartiers Nords jusqu'aux Goudes, porte sud de la cité phocéenne, jamais on avait autant parlé de la chose culturelle dans une ville tellement foot. L'événement a réduit les distances sur le territoire, rapprochant Arles, Salon-de-Provence, Martigues, Aix-en-Provence ou Aubagne de l'épicentre culturel que devenait Marseille. S'était ouverte une parenthèse de fraternité métropolitaine.
Il est encore possible aujourd'hui d'emprunter le GR2013, ce sentier "artistique" dessiné pour l'occasion qui relie les territoires entre eux et qui sent bon la nostalgie. Ce chemin de randonnée nous met sur la piste de la capitale culturelle que fut Marseille il y 10 ans.
Le bilan de MP2013 est évalué à 11 millions de visiteurs, 650 millions d'euros injectés, des dizaines de projets architecturaux sortis de terre sur l'ensemble du territoire métropolitain.
Quelques jours avant le lancement officiel de Marseille-Provence 2013, les marseillais découvrent leur Vieux-Port lifté et semi-piétonnisé, livré juste à temps pour accueillir les festivités. Il est le symbole du puissant coup d'accélérateur que MP2013 a apporté à des projets suspendus depuis des années faute de moyens ou de volonté politique.
Des projets pérennes et d'autres plus éphémères
Le symbole le plus visible et le plus spectaculaire de cette accélération reste le MUCEM, premier musée national sorti de terre en province et inauguré en juin 2013. Site le plus fréquenté de cette année capitale avec 1.8 millions de visiteurs en seulement six mois, le projet peinait pourtant à voir le jour. Il avait été relancé en 2008 lorsque Marseille fut désignée par l'Europe. Une décennie plus tard, sa dentelle de béton surplombant la rade en fait un lieu emblématique de la ville.
Numéro 2 au box office de 2013, La Friche Belle de mai a aussi tiré son épingle du jeu. En revanche, le J1 lui a fermé ses portes en 2014, écrin de culture demeuré vide durant 10 ans malgré son succès public. Cette ancienne halle portuaire rebaptisée La Passerelle accueillera finalement un hôtel 5 étoiles en 2025 et un ensemble commercial.
En revanche, parmi les 600 projets financés, les petites structures "n'ont pas forcément gagné au loto de 2013 " explique Stéphane Sarpaux, le directeur du collectif d'artistes Marseille 3013, né dans le prolongement du OFF 2013.
Nous sommes des rescapés. Depuis 10 ans, notre fonctionnement repose sur une économie de survie. D'autres acteurs de la culture ont disparu. En 2013, il y a eu une avalanche de financements publics mais derrière, tous les robinets ont été fermés durant 3 ou 4 ans et beaucoup de structures n'ont pas survécu.
Stéphane Sarpaux
Il n'en demeure pas moins que la ville s'est faite connaitre sur la scène artistique européenne et ce dans toutes les disciplines. Même si des arts du cirque sont les grands gagnants de MP2013, Cirques en capitale ayant réalisé une belle pirouette en devenant la Biennale du cirque (BIAC) installée depuis 10 ans dans le paysage culturel.
Quant au célèbre camping artistique Yes we camp qui avait ouvert ses portes à l'occasion de la capitale culturelle, il a pris son envol pour aller faire des petits du côté de Paris.
Marseille s'offre un lifting
Mais ce n'était pas qu'une affaire de culture. En 2013, une nouvelle identité urbaine s'est dessinée. Sur le plan politique d'abord, MP2013 englobant 85 % du territoire des Bouches du Rhône a accéléré la création de la métropole Aix-Marseille.
Chez elle, Marseille se veut attractive et remet les pendules à l'heure pour prendre des airs de capitale : le métro ne fermera plus ses portes à 21 heures, une révolution pour les usagers. Le quartier Euroméditerranée sort de terre non loin du "waterfront culturel", puis se déploiera plus vers le Nord, Arenc (2ème arrondissement) et les Aygalades (15ème arrondissement), le centre-ville fait peau neuve. Les rénovations se multiplient dans un esprit de "reconquête" de la ville avec pour objectif ultime un changement d'image de la cité phocéenne.
"L’effet 2013", comme on évoque "l’effet Guggenheim" à propos de Bilbao, est évident", explique Boris Grésillon, professeur d'Université et auteur du livre "Un enjeu "capitale". Selon le géographe, "Marseille a reconquis sa façade littorale au niveau du quartier de la Joliette, a rénové son Vieux-Port, réorganisé les circulations autour de ce carrefour, elle a aussi changé d’image".
Le tourisme prend de l'ampleur
Et c'est surtout l'image touristique de Marseille qui a changé. Devenue plus attractive, la capitale de la culture 2013 enregistre un boom de 2 millions de visiteurs supplémentaires cette année là. Selon une étude d'impact menée à la demande des opérateurs, Marseille est devenue en 2014 la 2ème ville française de congrès. Depuis, la cité phocéenne n'a cessé de rebondir sur la scène touristique. En décembre 2022, le classement de la maison d'édition de guides de voyages Lonely Planet plaçait Marseille parmi les meilleures destinations pour 2023. De quoi aiguiser l'appétit de la métropole voisine, Nice, candidate pour devenir capitale de la culture en 2028.