L'enquête de l'Inspection générale de la justice sur l'agression d'Yvan Colonna dans la prison d'Arles, le 2 mars 2022 pointe des "manquements" de la part de l'ex-directrice et d'un surveillant. Remis hier, il a été rendu public par Matignon.
Après quatre mois d'enquête, l'Inspection générale de la justice a remis le rapport à la Première ministre. Elisabeth Borne s'est empressée d'annoncer des "procédures disciplinaires" à l'encontre de ces deux agents de la prison d'Arles.
"Défaut de vigilance"
L'agression mortelle d'Yvan Colonna, d'une "extrême violence", selon le rapport rendu public jeudi 28 juillet, a duré neuf longues minutes pendant lesquelles aucune intervention n'a eu lieu. Les enquêteurs qui ont visionné l'enregistrement des caméras de surveillance ont conclu à un "net défaut de vigilance du surveillant".
Jessy Zagari, délégué régional de Force Ouvrière Pénitentiaire estime qu'il y a "une stigmatisation à l'encontre du surveillant", injustifiable, selon lui.
"Beaucoup de témoignages indiquent que le surveillant était occupé à d'autres tâches au moment de l'agression, et le rapport ne le prend pas vraiment en compte. Il faisait ce qu'il pouvait avec les moyens que l'administration lui donne", relève Jessy Zagari.
La radicalisation de l'agresseur mal évaluée
"L'insuffisance du management de l'ancienne cheffe d'établissement" se retrouve notamment dans les failles d'identification "de la radicalisation" de Franck Elong Abe, l'agresseur, dresse le rapport.
La responsabilité de Corinne Puglierini, directrice de la prison d'Arles jusqu'à dix jours avant l'agression, est mise en cause. Il lui est reproché d'avoir laissé le meurtrier en "détention ordinaire", sans qu'il soit déplacé en quartier d'évaluation de la radicalisation (QER), alors qu'il avait été incarcéré pour "association de malfaiteurs terroristes", notamment.
Des "responsabilités individuelles qui en masquent d'autres, politiques"
Pour Emmanuel Mercinier Pantalacci, l'un des avocats d'Yvan Colonna, les "responsabilités individuelles" des deux personnes mises en cause "ne sauraient masquer celle, fondamentale, du pouvoir politique qui a délibérément empêché Yvan Colonna de purger sa peine près de chez lui, en violation des règles pénitentiaires".
Un rapport public mais anonymisé
Jeudi 29 juillet, Elisabeth Borne a précisé que le rapport serait rendu public, mais anonymisé. Me Sylvain Cormier, autre avocat d'Yvan Colonna, a estimé que l'Inspection générale de la justice avait "fait son travail".
"C'est son utilisation qui nous inquiète. On ne voudrait pas que quelques surveillants payent les pots cassés pour un ensemble de manquements qui existent depuis des années".
12 recommandations dans ce rapport
Quant aux 12 recommandations qui visent la maison d'arrêt d'Arles, elles ne sont qu'un miroir du milieu carcéral français, estime Jessy Zagary. "Malheureusement, dans toutes les prisons de France, il y a énormément de choses à améliorer, et les agents au bas de l'échelle font leur travail comme ils le peuvent. Monsieur Colonna a subi les carences de notre administration, et il n'est pas le seul."
Yvan Colonna a été agressé le 2 mars à la maison centrales d'Arles où il purgeait une peine de prison à perpétuité pour sa participation à l'assassinat du préfet Claude Erignac, le 6 février 1998, à Ajaccio.