Ce mardi 14 mai, la commission d'enquête parlementaire du Sénat a livré ses conclusions sur les auditions menées depuis 6 mois sur tout le territoire concernant la lutte contre le narcotrafic. Hassen Hammou, fondateur du collectif marseillais "Trop jeune pour mourir", livre à chaud sa réaction.
Une enquête parlementaire, c'est justement ce que réclame ce collectif depuis plus de 10 ans dans les quartiers marseillais. Les auditions menées par la commission d'enquête du sénat ont permis de récolter les témoignages des personnes qui travaillent dans la lutte contre le trafic de drogue, douane, police, magistrats mais aussi les familles qui subissent le trafic dans les quartiers paupérisés et les proches de victimes directement touchés par les activités illicites. À Marseille Hassen Hammou a fondé le collectif "Trop jeune pour mourir". Il réagit pour France 3 Provence-Alpes à ce rapport de la commission d'enquête.
"Mettre le focus sur ce que nous vivons"
"On accueille ces résultats avec beaucoup de bienveillance puisque nous-mêmes avons œuvré pendant des années en mettant la pression sur les politiques pour pouvoir obtenir ce rapport, a commenté Hassen Hammou. Cette séquence permet beaucoup de choses. Elle permet d'abord de mettre le focus sur ce que nous vivons dans nos quartiers, sur l'ampleur des réseaux de drogue, sur le territoire national et comment on enraye finalement durablement les trafics qui rendent la vie impossible aux habitants des quartiers".
La commission d'enquête sénatoriale sur le narcotrafic en France a proposé mardi la création d'un parquet national antistupéfiants (Pnast) et de faire de l'Office antistupéfiants (Ofast) une "DEA à la française", sur le modèle de l'agence antidrogue américaine, en lui donnant pleine autorité sur les services de terrain. "Ce nouveau parquet permettra de spécialiser et d'incarner la lutte contre le narcotrafic (...) et nous avons l'ambition de faire de l'Ofast une DEA à la française. Cela implique une véritable autorité sur les enquêtes et les moyens" alloués à la lutte, ont annoncé en conférence de presse les sénateurs Jérôme Durain (PS) et Etienne Blanc (LR), président et rapporteur de la commission d'enquête.
Au total, la commission a présenté 35 propositions pour tenter de lutter contre le trafic de drogue. Jérôme Durain a jugé que le narcotrafic constituait "une menace directe pour l'intérêt de la nation" et que ce "nouveau parquet permettra de spécialiser et d'incarner la lutte contre le narcotrafic dans la sphère judiciaire".
"Il faut pérenniser les moyens"
Jérôme Durain a qualifié le plan antidrogue 2 que doit présenter le gouvernement prochainement de "famélique" et "pas à la hauteur des enjeux". Il a expliqué que la commission avait eu accès à ce plan, qui, selon lui, est "en deçà" du précédent plan. Dans son rapport, la commission s'est montrée critique sur le bilan des opérations "places nettes" et "places nettes XXL" au regard des moyens considérables déployés. "Elles sont utiles mais les résultats sont modestes."
"C'est ce que nous habitants, on constate", confirme Hassen Hammou. "Et ce que nous, on veut, c'est la durabilité des actions que mène le ministre de l'Intérieur à l'endroit de nos cités."
Ce qu'on voudrait, ce n’est pas de la police de temps en temps, c'est de la police tout le temps.
Hassen Hammou, collectif "Trop jeune pour mourir"à France 3 Provence-Alpes
"Pour ça, il faut pérenniser des systèmes, des moyens. Là, le rapport d'enquête de la commission d'enquête parlementaire met en avant des outils nouveaux qu'on pourrait exploiter pour pouvoir durablement faire revenir le calme dans nos cités. Pour certains jeunes à la Castellane, si vous prenez l'opération 'place nette', ça a eu des effets positifs. Il y a de jeunes dealers qui m'ont avoué, il y a quelque temps, avoir repris le chemin d’une formation pour devenir chauffeur poids lourds, donc ça signifie que ça marche aussi".
Le problème de la "précarisation"
La commission d'enquête préconise une double prise en charge des mineurs impliqués dans le trafic de drogue par l’aide sociale à l'enfance (ASE) et la protection judiciaire de la jeunesse(PJJ). La commission préconise également de "tenir compte de la situation des fratries pour éviter le basculement des frères et sœurs dans les trafics". Et n'exclut pas "des exfiltrations des familles de ces quartiers" pour éviter le basculement. Les jeunes sont plus tentés de rentrer dans le trafic à cause de l'appât du gain.
"Certes, il y a l'appât du gain, explique Hassen Hammou. Mais il y a aussi la précarisation. Nous, ce qu'on regrette un peu dans la commission d'enquête parlementaire, mais c''est aussi le format qui a été choisi qui nous empêche d'en parler, c'est vraiment la condition de vie d'un certain nombre d'habitants. Et la précarisation, c'est ce qui pousse un certain nombre de mineurs à aller aujourd'hui plus facilement vers les réseaux de drogue plutôt que le travail". La commission prévoit de pénaliser plus durement les recruteurs qui agissent sur les réseaux sociaux par des peines de prison plus fortes, comme sept ans de prison.