Cela fait six ans que Vincent Fichot, quadragénaire de Saint-Martin-de-Crau, recherche son fils et sa fille enlevés par leur mère japonaise et se bat sans relâche à l'échelle internationale contre l'enlèvement d'enfants.
Dans "Une part manquante", réalisé par Guillaume Senez et en salle depuis le 13 novembre, l'acteur Romain Duris interprète le rôle de Jay, père Français expatrié à Tokyo qui, à bord de son taxi, cherche sa fille depuis 9 ans. Jay, n'a jamais pu obtenir une garde partagée de son enfant. En effet, en cas de séparation, les lois japonaises donnent l’autorité exclusive à un seul parent.
L'histoire de Jay n'est pas uniquement le fruit de l'imagination de Guillaume Senez. Chaque année 150 000 enfants, d'après des chiffres d'associations locales, sont enlevés par un parent au pays du Soleil Levant. Vincent Fichot, résident à Saint-Martin-de-Crau, est l'un d'entre eux. En 2005, cet ancien trader est expatrié au Japon, à Tokyo. Il rencontre celle qui deviendra sa femme en 2005 et avec laquelle il aura deux enfants : Tsubasa et Kaede.
Après la naissance des deux enfants, le couple de Vincent bat de l'aile. En 2018, alors qu'il rentre du travail un soir, sa femme et ses enfants ont disparu et la maison est vidée de fond en comble. Sa fille avait 11 mois la dernière fois qu'il l'a vue et son fils allait avoir trois ans.
"Ma fille pensait que j'étais mort"
Depuis six ans, le Français n'a plus jamais revu son fils et sa fille. La faute à une législation conservatrice : le Japon ne reconnaît pas la garde partagée en cas de séparation d'un couple et donne systématiquement la garde exclusive à un seul des parents. Le parent déchu peut seulement tenter d'obtenir de rares droits de visite peu respectés. Le premier avocat de Vincent Fichot lui rappelle brutalement cette réalité : "Il m'a dit qu'elle avait enlevé les enfants et que je ne les reverrai plus jamais, et que si je voulais avoir des enfants, je devais refaire ma vie".
S'ensuit alors pour le père de famille un véritable parcours du combattant : démarche judiciaire en France et au Japon, assignation du pays devant l'ONU et même une grève de la faim d'une durée de 21 jours en 2021. Malgré toutes ces démarches, Vincent Fichot ne reverra jamais ses enfants et obtient une unique fois, deux ans après l'enlèvement, des informations de la part des autorités japonaises :
"Ils m'ont indiqué leur taille en centimètre et dit que mon garçon croyait que j'étais à Hawaï et que je lui manquais. Ma fille pensait que j'étais mort."
Vincent FichotFrance 3 Provence-Alpes
"Au Japon, un enfant est considéré comme un meuble"
Dans sa bataille, Vincent Fichot a rencontré de nombreux parents concernés par cette problématique : "pour enlever son enfant en toute légalité, il suffit d'aller au Japon. Une Américaine m'a expliqué que son mari a enlevé ses deux enfants en y déménageant alors qu'aucun des deux n'avait un lien avec le pays. Ce sont 95 % de parents japonais concernés par cette problématique et 5 % d'étrangers."
Au Japon, un enfant est considéré comme un meuble, il appartient aux deux parents lorsqu'ils vivent dans le même foyer, mais si l'un des parents emporte l'enfant dans un autre endroit et bien l'enfant appartient au nouveau foyer.
Vincent FichotFrance 3 Provence-Alpes
En 2021, avec deux autres parents concernés par la problématique, Vincent Fichot décide de créer l'application "Find my parent". Elle emploie la reconnaissance faciale et l'intelligence artificielle pour faire des liens entre un parent et un enfant recherché. L'application est lancée en février 2022 juste avant le début de la guerre en Ukraine. Au début du conflit, Vincent Fichot entre en contact avec l'ambassadeur ukrainien au Japon : "Je lui ai dit que l'application pouvait servir à retrouver les enfants enlevés dans la guerre. On a signé un accord et l'application 'Reunite Ukraine' existe depuis avril 2023. Elle est désormais l'application officielle de la police ukrainienne".
En continuant d'œuvrer contre les enlèvements d'enfants, Vincent Fichot espère toujours de retrouver Tsubasa et Kaede : "J'ai créé des comptes sur les réseaux sociaux à leurs noms pour qu'ils puissent les voir et peut-être entrer en contact avec moi. J'ai aussi grand espoir que le film de Guillaume Senez arrive jusqu'à eux. Peut-être qu'ils pourront s'identifier à cette histoire".
Six ans après son dépôt de plainte en France, l'histoire de Vincent Fichot sera examinée au tribunal correctionnel de Paris en février 2025.