Les navires sont responsables de la moitié de la pollution de l'air à Marseille, selon l'adjoint à la transition écologique Sébastien Barles. C'est vrai en ce qui concerne les oxydes d'azote, mais d'autres polluants présentent aussi des risques pour la santé.
“Il faut plaider avec nous pour qu’enfin il y ait une zone à faibles émissions maritime pour sortir les navires les plus polluants. La moitié de la pollution de l’air à Marseille vient des navires." Interrogé à propos du rétropédalage de la métropole concernant l'interdiction des véhicules polluants de type Crit'air 3 dans le centre-ville de Marseille, l'adjoint à la transition écologique, Sébastien Barles, a pointé du doigt sur France Bleu Provence lundi 5 février la pollution émise par les bateaux qui accostent au large de la cité phocéenne.
"C'est une question de justice sociale, martèle Sébastien Barles, joint à postériori par France 3 Provence-Alpes. Si on n'interdit pas les navires les plus polluants, certaines personnes risquent de ne pas comprendre qu'on leur interdit de circuler avec leur vieille voiture, dans le centre-ville, alors que des navires qui polluent beaucoup plus sont autorisés au large."
Mais les ferries, les bateaux de commerce et les navires de croisières sont-ils vraiment à l'origine de la moitié de la pollution de l'air à Marseille, comme l'affirme l'adjoint à la transition écologique marseillais ?
54% des oxydes d'azote
Sébastien Barles a raison en ce qui concerne l'un des principaux polluants à Marseille : les oxydes d'azote (NOx). Dans le détail, le secteur maritime était à l'origine de 54 % des émissions de ce polluant atmosphérique en 2021, devant le transport routier (30 %), l'industrie (8 %), le secteur tertiaire (4 %), résidentiel (3 %), d'après les derniers calculs réalisés par Atmosud, l'observatoire régional de la qualité de l'air.
"Les oxydes d'azotes sont des polluants émis par combustion qui sont irritants pour les voies respiratoires", explique le directeur d'Atmosud, Dominique Robin. Ces polluants sont aussi associés aux "HAP" (les hydrocarbures aromatiques polycycliques), dont certains, comme le benziapyrène, sont considérés comme des cancérogènes probables."
"À Marseille, les émissions d'oxydes d'azote des navires ont augmenté entre 2020 et 2021, en grande partie parce qu’ils sont restés à quai en laissant leurs moteurs allumés pendant la crise Covid", commente encore Dominique Robin.
Cette pollution va toutefois diminuer significativement dans les années à venir avec l'électrification des quais, l'un des principaux chantiers du port maritime, avec le renfort de l'Etat, de la région et de la Ville, qui ont investi des dizaines de millions pour passer à la vitesse supérieure dans le cadre du plan Escale Zéro Fumée. En 2030, elle sera obligatoire pour tous les porte-conteneurs et le transport de passagers, en vertu d'une nouvelle réglementation européenne.
L'impact des particules fines
Mais les oxydes d'azotes ne sont pas les seuls polluants dans l'air. Parmi les plus à risque pour la santé des Marseillais, Dominique Robin cite les particules (PM10), qui irritent les voies respiratoires en pénétrant dans les bronches, et plus particulièrement les particules fines (PM2.5) et "ultrafines" (inférieures à 0.1 micromètre) : ces dernières s'immiscent dans les artères, au risque d'atteindre le cerveau et de provoquer des AVC. "Tout comme les oxydes d'azote, ces polluants sont associées aux "HAP", cancérogènes probables", précise Dominique Robin.
Or pour ces particules, les ordres de grandeur ne sont plus du tout les mêmes que pour les oxydes d'azote.
Le secteur résidentiel est de loin le principal émetteur de particules fines à Marseille (53%), notamment à cause du bois de chauffage, suivi par le transport routier (25%).
Dominique Robin, directeur d'Atmosud
En 2021, le secteur maritime est responsable de 8 % des émissions de particules fines dans la ville. Avec 645 tonnes émises, tous secteurs confondus, les quantités de particules fines sont toutefois largement inférieures à celles des oxydes d'azotes (5 741 tonnes).
Les quartiers Nord davantage concernés
Atmosud surveille aussi le monoxyde de carbone (CO), les oxydes de soufre (SO2), l'ammoniac (NH3), et les "composés organiques volatils non méthanique" (COVNM). Ces polluants suscitent moins d'inquiétude à Marseille, "car même si certains d'entre eux sont très présents, les seuils observés respectent les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé", explique Dominique Robin.
Des pics de pollution à l'ozone (O3) sont également observés, mais ce gaz qui irrite le système respiratoire, les yeux et participe à l'effet de serre n'est pas directement émis par les activités humaines : il se forme sous l'effet du rayonnement solaire (par exemple, l'été).
Enfin, la qualité de l'air varie heure par heure, comme le montre la carte ci-dessus. Et les polluants ne sont pas les mêmes partout à chaque instant, même si le phénomène est plus difficile à mesurer.
"La pollution des navires touche principalement les quartiers Nord, notamment dans les deux premiers kilomètres au large. Elle est moins importante la nuit, en raison des régimes de brises qui repoussent les panaches de fumée vers la mer", poursuit Dominique Robin. Les voitures et le bois de chauffage "polluent partout tout le temps, alors que l'air se renouvelle moins bien en centre-ville", conclut le directeur d'Atmosud.
En 2021, la pollution de l'air a causé plus de 300 000 morts en Europe, selon une étude. Les dépassements des normes de dioxyde d'azote (NO2) qui comptent parmi les NOx, et de particules respirables (PM10) ont par ailleurs valu à la France une condamnation par la justice européenne, et au gouvernement, plusieurs dizaines de millions d'euros d'amende devant le Conseil d’État.
Dans la zone Aix-Marseille, cela concernait uniquement les NO2. Depuis 2022, les émissions sont repassées au-dessous des seuils autorisés. Mais la situation reste "fragile", selon la plus haute juridiction administrative.