Covid 19 : on vous explique pourquoi les stations de ski sont devenues un casse-tête européen

Mercredi, Jean Castex a annoncé la mise en place de contrôles aux frontières pour que les Français ne partent pas skier à l'étranger pendant les vacances de Noël. Une mesure qui intervient quelques jours après la décision de fermer les remontées mécaniques dans les stations de ski.

A l'heure des premières neiges et à quinze jours du déconfinement, la fermeture des stations de ski pendant les vacances de Noël est source de crispations. Jeudi 26 novembre, Jean Castex a annoncé que les stations seraient ouvertes mais que les remontées mécaniques resteraient fermées.

Dans le même souci de limiter la propagation du coronavirus, le Premier ministre a annoncé "des mesures restrictives dissuasives" pour empêcher les Français d'aller skier à l'étranger pour Noël. 

Des décisions, en pratique, difficiles à mettre en place.

1. Pourquoi le gouvernement a décidé de bloquer les remontées ?

Du côté du gouvernement, il s'agit de "prévenir les flux, les interactions et les contacts, a expliqué Jean Castex ce mercredi matin sur BFMTV. On voit bien que c’est une zone à risque qui pourrait nous rappeler cet été".

Le chef de l'État a également décrit les stations comme "des lieux de brassage" où l'"on se retrouve dans des lieux qu'on a loués à plusieurs. On sait que c'est comme cela qu'on s'infecte et donc on cherche plutôt à l'éviter".

Si l'économie du secteur en prend un coup, pour le ministre Bruno Le Maire, fermer les stations à Noël permettrait d'éviter une situation encore plus critique : "Si par malheur (...) l'épidémie repart (...) et que cette fois-ci c'est du mois de janvier au mois d'avril qu'il faut fermer les stations de sports d'hiver et les stations de montagne, on sera tous perdants et, là, c'est 80% du chiffre d'affaire de l'économie de la montagne qui sera perdu", a-t-il affirmé mardi sur LCI

Le Premier ministre a toutefois rappelé qu'il était encore possible de se rendre dans les stations "pour profiter de l'air pur de nos belles montagnes et des commerces - hors bars et restaurants - qui seront ouverts".

En Haute-Savoie, "toutes les activités qui ne nécessitent pas les remontées mécaniques seront autorisées", a précisé le maire de Chamonix dans un article du Parisien. Oui au ski de fond, de randonnées, aux raquettes... mais non au ski alpin ou snowboard.

2. Comment cette décision a été accueillie par les élus en montagne ?

Depuis l'annonce de la fermeture des remontées mécaniques, les professionnels du secteur ont exprimé leur incompréhension et leur colère. Dans une tribune publiée dimanche par le JDD, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez, des maires, plusieurs présidents de départements et des élus locaux ont demandé la réouverture des remontées mécaniques. Ils dénoncent une décision "sans cohérence ni bon sens". "Vous parlez d’Europe ? Mais ce n’est pas à Merkel de décider de l’avenir de nos stations", poursuivent-ils, faisant référence à la volonté de la chancelière allemande Angela Merkel de fermer les stations de ski au niveau européen.

Ces décisions serait "une sentence contre des dizaines de milliers d’emplois et d’entreprises", menaçant "250 stations, 120.000 emplois et 9 milliards d’euros de recettes pour notre pays". En réponse, le gouvernement a annoncé un "soutien renforcé" se caractérisant notamment par une indemnisation des remontées mécaniques fermées en décembre mais aussi par la mise en place d'un dispositif de chômage partiel avec "un reste à charge à zéro" pour les saisonniers.

Une réponse jugée insuffisante pour les professionnels du secteur.

Ce mercredi, à la station d'Isola 2000 dans les Alpes-Maritimes, les professionnels de la montagne, de jeunes skieurs et le maire ont posé symboliquement genou à terre, en signe de contestation. Ils demandent une ouverture le 19 décembre prochain.

Jeudi 3 décembre, une nouvelle mobilisation est prévue à Paris et dans de nombreuses stations.

3. Pourquoi y a-t-il une cacophonie au sein de l'Europe sur ce sujet ?

Mardi, le président de la République a assuré vouloir "convaincre" ses "partenaires" de ne pas rouvrir leurs stations. En Suisse, les stations sont d'ores et déjà ouvertes "avec des plans de protection", a annoncé le ministre de la Santé Alain Berset jeudi 26 novembre tout en ajoutant que le gouvernement suisse rééxaminerait la situation épidémique avant les fêtes.

Les gens ont besoin d'air, de neige, d'espace.

Christian Darbellay

Pour Christian Darbellay, président de l'exécutif cantonal en Valais, c'est déjà tout réfléchi : "on skiera à Noël", a-t-il confirmé à l'AFP. Dans cette région, les restaurants doivent ouvrir mi-décembre, les hôtels sont déjà ouverts. "Plus que jamais, les gens ont besoin d'air, de neige, d'espace", a justifié Christian Darbellay.

Samedi 29 novembre, le président des Remontées mécaniques suisses (RMS), Hans Wicki, a déclaré à la radio SRF qu'"aucun argument raisonnable ne parle en faveur de la fermeture de toutes les stations de ski". Hans Wicki d'ajouter : "certaines stations sont ouvertes depuis deux mois en Suisse et elles ne sont pas pour autant devenues des hotspots".

Cela ne suffit pas à rassurer. Jean-Luc Boch, président de l'Association nationale des maires de stations de montagne (ANMSM), de commenter sur franceinfo : "On est fermé et les Suisses et les Autrichiens sont en train de faire des campagnes de communication pour récupérer des skieurs qui ne peuvent pas skier chez nous".

Nous ne donnons pas de conseil à la France sur le moment opportun pour rouvrir le Louvre.

Elisabeth Köstinger.

Ailleurs en Europe, l'Italie et l'Allemagne ferment leurs stations. La principauté d'Andorre n'a pas statué. L'Autriche ouvrira ses stations le 24 décembre. Les infrastructures touristiques, elles, n'ouvriront qu'après le 7 janvier.

"Nous ne donnons pas de conseil à la France sur le moment opportun pour rouvrir le Louvre, a déclaré la ministre autrichienne du tourisme Elisabeth Köstinger dans le journal allemand Der Spiegel. Chaque pays doit prendre sa propre décision en se basant sur l'évolution des chiffres de la pandémie chez lui".

L'Autriche affirme avoir pris toutes les mesures pour réduire le risque de contamination au Covid-19 : du ski en plein air mais pas de soirées dans les bars, restaurants ou boîtes de nuit, des télésièges à l'air libre, une présence policière renforcée pour assurer le respect des mesures barrières.

Le pays ayant été classée "zone à risque" après un premier grand foyer de contamination à la station Ischgl au mois de mars, les Allemands de Bavière devront se soumettre à une quarantaine de 10 jours après leur séjour en Autriche aux vacances de Noël. Même s'ils étaient partis skier une journée. 

Lundi, Michael Ryan, chef du programme d'urgence au sein de l'OMS, a toutefois appelé les pays à la prudence. Selon lui, "le vrai problème va venir des aéroports, dans les bus vers les stations, dans les remontées mécaniques ou encore dans l’après-ski".

4. Le gouvernement français peut-il imposer des contrôles aux frontières ?

Ce mercredi matin, le Premier ministre Jean Castex a détaillé les mesures restrictives et dissuasives mises en place en France sur BFMTV. "On fera des contrôles aléatoires à la frontière", a-t-il déclaré. Pour les personnes contrôlées, "le préfet pourra ordonner la mise en quarantaine pendant sept jours" afin de réaliser les tests de dépistage du coronavirus.

Mardi, Emmanuel Macron expliquait vouloir dissuader les Français de partir skier à l'étranger pour notamment "ne pas créer une situation de déséquilibre avec des stations en France".  La mesure peine à convaincre. "Le malheur des autres n'a jamais fait mon bonheur", a confié à l'AFP Alexandre Maulin, président de Domaines skiables de France (DSF).

Jean Castex a mis en avant le risque "d'aller se contaminer" dans les stations étrangères. "Je cherche à protéger, même si d’autres pays n’ont pas la même conception", a-t-il développé.

D'un point de vue juridique, la question des contrôles aux frontières interroge. Comment différencier les Français qui vont skier et ceux qui se rendent en Suisse pour une autre raison ? Contactées par France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, les préfectures de l'Isère et de la Haute-Savoie se décrivent "dans le flou".

Contacté par Le Parisien, Matignon dit s'appuyer sur le droit européen ou l'état d'urgence sanitaire. Entré en vigueur le 17 octobre dernier en France, cette mesure exceptionnelle prévoit la possibilité d'une mise en quarantaine de personnes de retour d'une "zone de circulation de l'infection". Pour l'instant, les pays de l'Union européenne et la Suisse ne figurent pas dans la liste des pays à risque.

"On confine à l'absurde", réagit Nathalie Rubio, professeure agrégée de droit public à l'Université d'Aix-Marseille. "Sur le principe, c'est choquant dans la mesure où cela heurte deux libertés fondamentales au niveau européen : la liberté de circulation et la libre prestation des services"

Spécialiste en droit européen, Nathalie Rubio fait notamment référence à l'article 21 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Elle évoque toutefois des réserves possibles : "L’État peut restreindre ces libertés fondamentales pour des raisons d’ordre public ou de santé publique, mais le cas échéant sous le contrôle du juge", explique-t-elle. Les articles 20 et suivants du code frontières Schengen permettent à un état de réintroduire temporairement le contrôle aux frontières pour des raisons d'ordre public et de sécurité intérieure.

Se posent alors les questions de la proportionnalité de ces exceptions, de leur cohérence, du principe d'égalité et de non-discrimination. "Le Conseil d'État peut dire que c'est disproportionné. Pourquoi ne sanctionnerait-on pas ceux qui vont à la plage en Espagne ?", poursuit Nathalie Rubio.

Si des instruments de quarantaine peuvent être mis en place via le décret du 20 octobre 2020 dans le contexte de l'état d'urgence sanitaire, la question de la modalité des contrôles aux frontières, en pratique, interroge. 

"En tant que députée d'une circonscription frontalière avec la Suisse, je sais que les policiers frontaliers ont bien d'autres sujets de préoccupation, comme le grand banditisme et la criminalité organisée !", a commenté à l'AFP la députée LR de Haute-Savoie Virginie Duby-Muller.

Si la question des stations de ski est au cœur des débats ces derniers jours, il convient de rappeler que cela ne concerne qu'une très petite partie de la population. Selon une étude réalisée en 2010 par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), seulement 8% des Français ont l'habitude de skier à Noël, en France ou à l'étranger. 

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