Deux enquêteurs de la police judiciaire de la direction zonale Sud expriment leur colère face à la réforme et expliquent en quoi cela va concerner chaque citoyen.
C'est la première fois que ces enquêteurs de la direction zonale Sud de la police judiciaire (PJ) s'expriment publiquement. Nos reporters Jean-François Giorgetti et Camille Bosshardt ont recueilli leur témoignage au sujet de la réforme de la PJ qu'ils contestent vivement.
Pour des raisons de sécurité, ils ont préféré garder l'anonymat. Eric* a 10 ans d'expérience en police judiciaire. Il explique les conséquences de la réforme dans la lutte contre le crime organisé et la grande délinquance financière.
"Ils sont en train de nous arracher notre outil de travail, explique-t-il en préambule. Si on est déchirés, ce n'est pas pour revendiquer une prime, un salaire ou quoi que ce soit. C'est parce qu'on croit en notre mission et ce qu'on nous promet, c'est de ne plus pouvoir faire notre mission".
Christian* craint que la réforme ne bouleverse le fonctionnement de la PJ. "Nous sommes méprisés par notre ministre actuel. On essaie de détruire quelque chose qui fonctionne très bien au profit de quelque chose qui fonctionne moins bien. Nous avons conscience qu’il faut une réforme, mais pas cette réforme".
Pour lui, cette réforme ne peut être faite par "des fonctionnaires dépassés". "Il y a des réformes qui méritent d’être faites par des professionnels qui touchent la procédure judiciaire les enquêtes sensibles, les enquêtes judiciaires du quotidien. Il faut que tout le monde apporte sa pierre à l’édifice".
Les conséquences de la réforme sur le quotidien des citoyens
Pour expliquer ce que la réforme de la PJ va changer pour chaque personne, Christian prend un "exemple marquant, dramatique" : l'attentat à Nice. "On nous a demandé d'aller à Nice pour aider les collègues pour faire l'enquête, prendre en compte les victimes, recevoir tous les témoignages, interpeller les auteurs."
Avec la réforme, ces policiers n'auraient peut-être pas apporté leur aide pour mener l'enquête. "Avec cette réforme, un directeur va chapeauter toutes les polices du département et va décider de ce qu’il fait de ses effectifs".
"J'ai peur que le directeur ne mette pas à disposition ses effectifs à un autre directeur plus loin pour résoudre des affaires de ce calibre. Ca me fait peur." Il explique également que l'écriture "PJ" sur le gilet d'identification permet de "rassurer les victimes".
C’est ce qui fait notre force, ce maillage territorial, cette disponibilité, ce pouvoir de projection. C’est pouvoir se projeter et répondre aux besoins des citoyens tout de suite.
Christian* enquêteur de la direction zonale Sud de la police judiciaire
La semaine dernière, deux faits importants se sont produits. Jeudi 6 octobre, les policiers de la PJ à Marseille ont montré leur mécontentement face à la réforme en formant une haie de déshonneur lors de la visite du directeur général de la police nationale.
Le lendemain, le patron de la PJ marseillaise Eric Arella a été limogé, provoquant un mouvement de soutien massif dans toute la France. Des rassemblements sont prévus dans toute la France le 17 octobre prochain contre cette réforme et notamment devant le palais de justice de Marseille.
*les noms ont été modifiés.