"Qu'attend-on pour éradiquer ce monstre ?", les ruches d'une apicultrice vauclusienne décimées par le frelon asiatique

Yasmina Leclerc est apicultrice à Venasque (Vaucluse). Depuis cinq ans, elle voit les frelons asiatiques décimer ses ruches et menacer sa production de miel. Elle se sent abandonnée, face à une situation qui "s'empire chaque année."

Yasmina Leclerc est une apicultrice qui a le bourdon. Depuis qu'elle s'est lancée dans le métier en 2018, elle a "toujours dû composer avec les frelons". Si la Vauclusienne l'a accepté pendant un temps, aujourd'hui la coupe est pleine. Elle a perdu une vingtaine de ruches cet été à Venasque (Vaucluse), toutes attaquées par le frelon asiatique. Le phénomène est devenu tellement important qu'elle ne tient plus vraiment le compte de ses colonies décimées.

"La situation s'empire chaque année, le frelon asiatique s'est répandu partout, assure-t-elle. Un nid de frelon asiatique mange en moyenne 11 kilos d'insectes par an. Une abeille ce n'est pas très lourd, donc ça fait une masse énorme ! Ce prédateur empêche la pollinisation et ne sert à rien dans notre écosystème car il n'a pas de prédateur non plus."

"Je passe mes journées au rucher avec une raquette électrique"

Ces attaques à répétition mettent aujourd'hui en péril la pérennité financière de Yasmina Leclerc. Elle s'avoue volontiers "à bout de nerfs, je passe mes journées au rucher avec une raquette électrique, c'est épuisant, soupire l'apicultrice. Quand on revient le lendemain rien n'a changé, on parle de milliers de frelons ! Cet été j'ai été obligée d'enlever une ruche, car il y avait plus de frelons que d'abeilles qui volaient autour. J'ai même fait détruire un nid de frelon asiatique à 800 mètres du rucher, mais ça n'a pas réduit leur présence."

Au total, elle estime ses pertes à 250 euros par ruche peuplée, sans compter les dizaines d'heures de travail effectuées pour faire survivre ses colonies au quotidien. Vingt ruches, c'est environ une tonne de miel que l'apicultrice ne pourra pas vendre. Un énorme manque à gagner qui pourrait la pousser à trouver des alternatives pour survivre. Face au prédateur, Yasmina Leclerc s'émeut à peine des piqûres dont elle a parfois été victime à travers ses gants de protection, trop légers face à l'agressivité du frelon.

Des pièges remplis en 48 heures

Pourtant, l'apicultrice n'est pas du genre à baisser les bras. "On tente de piéger les frelons au moment où la reine pond ses ouvrières en hiver, dans le nid primaire, détaille celle qui a conçu un insecticide maison à base de bière et de grenadine. Mais on a atteint un point de non-retour, qu'est-ce qu'on attend pour éradiquer ce monstre ? Tous les deux jours, on récolte deux kilos de frelons asiatiques dans nos pièges. Pour être efficaces, il faudrait un maillage organisé sur tout un territoire." Elle ne peut pas assumer seule le prix de ces pièges non plus, à reproduire sans cesse.

En détresse, Yasmina Leclerc a contacté le Ministère de l'agriculture, la Direction régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt, ainsi que la Direction départementale des Territoires, en vain. Les collectivités ne sont pas impuissantes, mais presque. Le constat du gouvernement, selon une réglementation publiée en 2018 est qu'il n'y a "aucune stratégie collective de prévention, surveillance et lutte contre ce frelon qui soit reconnue efficace".

Démuni de moyens de lutte, le Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation accompagne financièrement différents instituts et scientifiques chargés de contribuer au développement de moyens de lutte. Une participation à hauteur de 125 000 euros par an, dans le cadre du "Plan national en faveur des insectes pollinisateurs 2021-2026".

Le métier d'apiculteur est menacé

Si les solutions manquent, des chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae) ont publié en juillet 2023 des résultats prometteurs. Leur méthode repose sur la consommation des frelons asiatiques, avec l'implantation réussie de résidus de pesticides dans 75% des nids testés. Parmi ces substances : le butoxyde de pipéronyle, produit connu pour améliorer l'efficacité des insecticides, a été retrouvé dans 37% des colonies analysées. Il s'agit du plus consommé par les frelons dans les pièges.

Un espoir, tant les résidus pourraient "s'accumuler dans les larves et à l'intérieur du nid du frelon asiatique, affirment les scientifiques de l'Inrae, espérant que l'exposition aux résidus de pesticides ait, comme pour les abeilles et autres pollinisateurs, des effets à long terme sur leurs capacités cognitives, leur comportement et leur état physique."

Yasmina Leclerc, apicultrice dans le Vaucluse, s'informe régulièrement sur l'avancée de ces travaux. Elle compte sur les progrès de la recherche pour protéger ses abeilles à l'avenir, victimes d'attaques "de juillet jusqu'aux gelées hivernales" dans son rucher de Venasque. "La profession est en danger, alerte-t-elle. Si ça continue, dans 10 ans on va manger des cailloux car il n'y aura plus d'apiculteurs."

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