Alors qu'il répondait à une interview, spontanément, le maire de Lauris (Vaucluse) a enlevé sa chemise, une façon symbolique de montrer que les maires des petites communes sont à bout. Avant, le congrès des maires qui va se tenir à Paris; du 19 au 21 novembre prochain, André Rousset, maire de Lauris, est revenu sur les difficultés rencontrées pour les élus.
“C’est un réflexe archaïque", lance André Rousset, maire (SE) de Lauris dans le Vaucluse. Joint par téléphone par France 3 Provence-Alpes, il revient sur son geste spontané en pleine interview. " On était au salon, et je voulais montrer comment les communes, notre commune est à poil avec tout ce que l'on nous impose", explique André Rousset. "Je veux faire savoir la complexité d’être maire aujourd’hui et le déclin des aides de l’état, alors qu’on devrait travailler ensemble".
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Un salon des maires en préambule du congrès national
La semaine dernière, les maires du Vaucluse étaient à Avignon, réunis pour le salon des maires, à quelques jours de La 106ᵉ édition du Congrès des maires et des présidents d’intercommunalité de France qui se tiendra les 19, 20 et 21 novembre 2024, porte de Versailles à Paris. Les échanges, lors de ce salon, ont tourné essentiellement autour des coupes budgétaires exigées par l'État. Le gouvernement a dévoilé le 10 octobre dernier son projet de budget pour 2025. Près de 60 milliards d'euros d'économie sont prévus. Cela implique des hausses d'impôts, mais aussi un effort collectif demandé aux collectivités, pour ramener le déficit public de 6,1 % à 5 % l’an prochain. Un projet de loi de finances qui va impacter les communes dans leur budget de fonctionnement et d'investissement. Un nouvel effort pour la nation, qui a du mal à passer pour des maires qui estiment qu'on leur en demande toujours plus. En octobre de cette année, George Cristiani, maire de Mimet sans étiquette et président des maires des Bouches-du-Rhône avait, lui aussi, parlé avec colère de la situation actuelle. "Le déficit, c'est l'état qui le creuse et après on nous pointe du doigt alors que nous nos budgets sont tenus à l'euro près." Le sentiment de "colère et d'inquiétude" est partagé par la plupart des maires.
“Les gens n’imaginent pas ce que l'on fait”
Et c'est précisément dans ce contexte-là, qu'André Rousset a fini par tomber la chemise.
"Il faut le voir pour le croire, ce que l'on subit", indique l'édile qui dit être fatigué d'être "entre le marteau et l'enclume".
Et il l'explique très bien " nous les maires des petites communes, notre téléphone sonne continuellement, jour et nuit. Dès qu'on se déplace, on doit assurer le service après-vente du gouvernement parce qu'ici, des députés, des sénateurs, des ministres, on n'en voit pas. Alors ce sont les maires des petites communes qui reçoivent toutes les doléances, et bien souvent, on ne peut rien faire, parce qu'on nous impose des restrictions budgétaires. C’est à nous que parlent les citoyens, et ce n'est pas facile".
Et il lance dans la conversation " on le voit le trou à reboucher, pas besoin que les citoyens viennent nous voir, mais on n’a plus les moyens de le faire, on est désemparé".
Et pour mieux nous faire comprendre, il prend un exemple concret concernant sa petite commune de près de 3800 habitants. "En 2016,le préfet nous a obligé de rejoindre la communauté d’agglomérations, nous, on serait bien restés en communauté de commune et on n’aurait pas l’obligation de respecter les pourcentages de logements sociaux".
De 3% à 25% de logements sociaux
Non pas que ce maire ne veuille pas faire de logements sociaux, "mais où les faire ? Nous habitons sur un promontoire, on a la Durance d'un côté avec une zone de risques inondation, de l’autre côté le Lubéron et ses forêts et donc avec les zones risques incendie, et sur les deux autres côtés, on a fait des zones agricoles protégées qui permettent à Lauris de produire de quoi manger pour sa population. Figurez-vous qu'ici, on mange à la cantine de l’école 95% bio et local".
Une injustice pour André Rousset, qui ne décolère pas. "Mais avec le passage en communauté d'agglomération, on est soumis à ces obligations de logements sociaux, alors que par exemple à Cadenet, qui est une plus grosse commune que nous, qui est restée en communauté de communes, ils ne sont pas soumis à cette obligation. Vous voyez, c'est assez injuste ?".
Concrètement, cette commune qui avait 3% de logements sociaux, a dû passer à 25% de logements sociaux, "il nous manquait 443 logements, selon une étude, pour atteindre cet objectif, il nous faudrait 280 ans pour y arriver. Donc comme on n'y arrive pas, en attendant, on paye des pénalités. En 2021 on a payé 78 000 euros, en 2022 83 000 euros, donc est au bord de la faillite".
L'État met la pression sur les communes
Selon André Rousset, il y a une volonté de faire disparaître les communes. "On a l’impression que l’État ne veut plus de commune, il nous punit au lieu de nous aider". Et pour donner du poids à ses affirmations, le maire de Lauris explique "depuis 2014, la DGF, c’est une aide de l’état pour faire fonctionner la mairie, est en constante baisse alors même que nos besoins augmentent et dans le même temps, il nous demande toujours plus de restrictions, comment on fait ? On est vraiment à poil".
Et selon lui, "les mots se recoupent ", lorsqu'il échange avec ses confrères des autres communes. "Problème de budget, violence envers les élus, fatigue, stress, déprime, les maires des petites communes sont à bout".
Alors pour se faire entendre, ce mardi 19 novembre, "les maires vont se regrouper dans le hall du salon du congrès et faire une action, mais le président Macron ne sera pas là, il ne vient pas, alors que ses prédécesseurs venaient et avaient de la considération pour nous les maires", indique André Rousset.
À la fin de l'interview télé, André Rousset a indiqué que là, il avait enlevé le haut, et qu'à Paris, il enlèverait le bas. Espérons pour lui qu'il sera entendu et qu'il n'ait pas à aller au bout de son idée.
Le 106ᵉ congrès des maires qui se tiendra du 19 au 21 novembre à Paris et risque d'être celui "de la colère" et les élus pourraient être "les prochains gilets jaunes", ont alerté début novembre les représentants de l'Association des maires de France (AMF). Intitulé "Les communes... Heureusement !", ce rendez-vous politique clé est particulièrement attendu cette année, dans un contexte de bras de fer budgétaire avec le gouvernement pour évaluer le "juste niveau" d'effort des collectivités.