Ce sont des gens ordinaires confrontés à des situations extraordinaires. En quête de vérité, de sens, de justice ou d’utopie, ces citoyens ont fait le choix de s’engager. Un choix qui s'impose parfois au prix de certains risques, quitte aussi à outrepasser la loi. Ce sont les désobéissants.
La désobéissance ne s’apprend pas dans les livres. Elle se nourrit de situations réelles. Et ceux qui furent amenés à désobéir un jour n’étaient pas nécessairement préparés à cela. C’est la vie qui les a mis sur le chemin de la résistance. Lutte contre la pollution industrielle ou l’amiante, enquête sur les scandales financiers, collectifs contre l’impact électromagnétique sur les exploitations agricoles, les raisons de se dresser pour dire ‘non’ sont nombreuses.
Quête de sens
Pierre Monnoir fait partie de ces premiers lanceurs d’alerte. Au début des années 80, dans son Yonne natale, il fréquente les établissements sociaux où son frère handicapé est pris en charge. Il s’engage alors pour l’amélioration des conditions de séjour des personnes handicapées et remarque que des jeunes filles d’un foyer de la Dass disparaissent sans que personne ne s’en inquiète. De fil en aiguille, et malgré les obstacles institutionnels qui se dressent face à son enquête, il parvient à fédérer les familles des disparues. Cette détermination va faire éclater l’affaire Emile Louis au grand jour. Aujourd’hui encore, les familles des disparues de l’Yonne, dont certaines ne furent jamais retrouvées, rendent hommage à l’engagement sans faille de Pierre Monnoir.
Modeste, ce désobéissant revendique d’abord la quête de sens : « Qu’est-ce qu’on fait dans notre vie ? On passe comme ça, sans rien faire ? On naît, on meurt, ou on laisse une petite trace ? ». Le combat de 40 ans pour la justice de Pierre Monnoir ne s’est pas achevé avec la condamnation d’Emile Louis ; il accompagne désormais les victimes des tueurs en série. Son combat : faire en sorte que la loi garantisse aux victimes une assistance psychologique et que leurs proches soient reconnus comme tels.
Et la famille dans tout ça
Parfois, il est des désobéissances qui se payent au prix des larmes. C’est le cas du journaliste Denis Robert qui, en publiant son enquête sur Clearstream en 2001, fait éclater un scandale financier de grande ampleur. Le lanceur d’alerte subit alors une intense médiatisation et une grosse pression judiciaire. Les procès intentés par ce géant de la finance se multiplient, certains confrères se déchainement contre lui et les huissiers se succèdent les uns après les autres. Le journaliste, atteint dans son honneur, finit par tomber malade. Sa famille aussi finit par subir les conséquences de cette exposition. Récemment, sa fille a raconté cette histoire, qui est aussi la sienne, dans un film documentaire intime et poignant. S’adressant à son père, Nina Robert se souvient : « J’avais 11 ans quand tu as démarré ton enquête et 23 quand le tribunal de cassation a reconnu l’intérêt et le sérieux de ton travail. Je n’ai jamais lu tes livres sur l’affaire. Clearstream c’est un grand flou avec de la douleur et des flashs très précis ».
Les trois enfants de Denis Robert, ainsi que sa femme, expliquent avoir été éprouvées par cette affaire au long court qui, si elle a resserré les liens a posteriori, a aussi ébranlé la cellule familiale. « Derrière tout homme ou femme qu’on cherche à démolir, des vies trinquent dans l’ombre et le silence des médias (…) Pour moi Clearstream n’a jamais vraiment été une banque mais ça a toujours été un personnage maléfique sans visage, une bête perfide, monstrueuse. », poursuit Nina.
Par son action, Denis Robert est devenu le premier lanceur d’alerte français dont l’affaire a généré d’importantes polémiques au sein de la profession journalistique. Si certains journalistes avaient alors fait le choix de soutenir ce combat pour la vérité, d’autres traitaient Denis Robert d’affabulateur ou pire. Or, si la déflagration de ces révélations a laissé une trace durable dans la mémoire collective, elle ne semble pas avoir profondément changé les choses dans le rapport entre le monde politique et le monde de la finance. Quant à Denis Robert, s’il poursuit aujourd’hui sa carrière journalistique, il pratique plus volontiers dans la création picturale, sans vraiment couper le lien avec le monde d’avant : « Après l’affaire, j’ai eu un nouveau ressort, en allant dans les galeries d’art et je me suis senti plus libre à faire ces toiles. Et d’ailleurs l’histoire devient ‘formidable’ parce que ce qui va être monstrueux c’est de voir les mêmes banquiers qui me faisaient chier acheter désormais mes toiles. », s’amuse t-il.
Paysans collectifs
Serge Provost, producteur de lait dans la Manche, se bat depuis plus de 30 ans pour que la vérité éclate. Car, depuis le jour où EDF a posé un poste électrique avec des lignes de haute tension sur son exploitation, ses bêtes ont développé d’étranges pathologies. Face au silence des institutions malgré ses alertes, il suscite l’intérêt des médias. Il fait des émules. D’autres paysans concernés par les mêmes problèmes se joignent à lui. Ensembles, ils fondent l’association « Animaux sous tension », en 1993.
Dès lors EDF ne cesse de s’opposer aux expertises demandées par l’association et accuse Serge Provost d’incompétence pour expliquer son taux de pertes élevé de bêtes sur son exploitation. Pourtant ce dernier rappelle qu’à l’époque « Le nombre d’éleveurs touchés de manière directe et indirecte par les champs électromagnétiques était catastrophique ! ». Dans les pas de Serge Provost, d’autres éleveurs dénoncent les conséquences délétères suscitées par les antennes relaie, les lignes à haute tension ou les éoliennes. Face aux vaches aux ovaires atrophiés, les poules qui ne pondent plus et le comportement dérèglé des animaux de ferme, ces éleveurs ne veulent plus se sentir délaissés.
« Oser dire qu’on a des problèmes est quelque chose de douloureux (…) quand quelque chose va de travers sur l’exploitation, on se sent soi-même responsables du disfonctionnement. C’est à travers la solidarité qu’on peut dépasser cette dimension-là », précise Jean-Claude Olivier, agriculteur bio retraité et fondateur de la Confédération paysanne de la Sarthe. Aujourd’hui, la lutte contre la dépossession de leurs moyens d’action reste bien la priorité de ces paysans. Agir, faire entendre et prouver qu’ils ont raisons. Car à ce jour, selon les rapports officiels, aucun lien de causalité n’a été scientifiquement établi entre la présence de ces ouvrages et les anomalies constatées chez les animaux comme les troubles de comportement ou les maladies inexpliquées.
Il n’y a pas d’âge pour désobéir
Et si désobéir s’apprenait comme un jeu ? C’est ce que font de jeunes passionnées de théâtre de la commune de Salies-du-Salat en Haute-Garonne. Ils planchent sur un spectacle dont le thème est la désobéissance. Antigone de ‘Bertolt Brecht’ ou le ‘Indignez-vous !’ de Stéphane Hessel leur sert de support afin de s’interroger sur ces notions pas si évidentes qu’elles n’y paraissent, même pour des adolescents.
« S’indigner, c’est refuser quelque chose, dire non ! », explique Stephanie la professeure de théâtre à ses apprentis comédiens. « Quelles sont les raisons de vous indigner, une raison profonde qui vous tient à cœur ? », interroge -t-elle. Il s’agit de faire de ces jeunes élèves des désobéissants bienveillants et concernés. « On veut faire comprendre aux adultes et au gouvernement, qu’en fait on en a marre, on va récupérer une planète complètement pourrie (…) on veut les interroger mais ils ne veulent pas être interrogés », reproche une collégienne. Ces jeunes ont le sentiment de ne pas être écoutés ou que les adultes leurs cachent des choses. « En Europe, il existe plusieurs villages écologiques et indépendants ; on en entend jamais parler », déplore un autre lycéen.
Désobéir c’est atteindre l’âge adulte avec le regard de l’enfant. Ça s’apprivoise ou se libère ; ce peut-être un sentiment ou une position. Désobéir s’apprend aussi. Pour aller plus loin, découvrez la collection documentaire de France 3 « Les Désobéissants » qui propose dix films, dix combats pour la vérité. Diffusés lundi 14 septembre à 22h55 sur les antennes régionales, les dix documentaires sont désormais disponibles sur France.tv
Karim seul contre Mittal
Sur France 3 Grand Est
Réalisé par Pedro Brito Da Fonseca
Coproduit par 13 Productions et Citizen Films
« Je ne suis pas un héros » Karim Ben Ali, lanceur d’alerte ouvrier. Karim Ben Ali est le lanceur d’alerte de Florange. Fin 2016, cet intérimaire filme un déversement mettant en cause Arcelor Mittal. Diffusée sur le net, sa vidéo fait l'effet d'une bombe. Cette alerte va bouleverser sa vie. Le réalisateur, Pedro Brito da Fonseca, a suivi Karim pendant trois ans. Entre fierté et regret, Karim se confie à la caméra et raconte le parcours d’un homme seul, prisonnier de son alerte.
Clearstream et moi
Sur France 3 Paris Île-de-France
Réalisé par Nina Robert
Coproduit par 13 Production et Citizen Films
Le secret bancaire est un droit de l’homme riche. Le but de ce film n’est pas de faire comprendre l’affaire Clearstream 1 et 2 mais de comprendre que derrière toute enquête, derrière toute affaire, derrière tout homme ou femme qu’on cherche à démolir, des vies trinquent dans l’ombre et le silence des médias.
Amiante, le dernier combat
Sur France 3 Hauts-de-France
Réalisé par Fanny Bertrand
Coproduit par Bonobo Productions
Figure de proue de la défense des victimes de l’amiante, Pierre Pluta a travaillé durant 25 ans aux Chantiers navals de Dunkerque. Après avoir appris sa maladie, l’ancien ouvrier a créé l’Association régionale de défense des victimes de l’amiante (ARDEVA). En 1997, il lance une série d’actions pour l’obtention d’un procès au pénal à l’encontre des responsables nationaux de cette catastrophe sanitaire. Vingt-deux ans plus tard, les victimes et leurs proches sont toujours dans l’attente de ce procès. Pour cet homme, continuer la lutte, c’est espérer qu’un jour la santé humaine prévale sur les intérêts des grands groupes industriels.
Agriculteurs sous tension, l'omerta française
Sur France 3 Pays de la Loire, Normandie et Bretagne
Réalisé par Nathalie Barbe
Coproduit par Bonobo Productions
Un agriculteur de la Manche a tout perdu : sa ferme, son métier, son argent. Ses vaches, toujours malades et stressées, ne produisaient plus de lait. Enquête inédite sur les dessous d’un scandale sanitaire et politique. Plus de trente ans de combat où l'on tente par tous les moyens de faire taire les agriculteurs qui dénoncent l’impact des rayonnements électromagnétiques sur leurs animaux.
Voir Agriculteurs sous tension, l'omerta française
FOS: Les fumées du silence
Sur France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur
Réalisé par Nina Hubin et Pierre-Jean Perrin
Coproduit par Babel Doc
Enquête inédite sur un scandale sanitaire : cancers, AVC, diabète, asthme... Ces pathologies sont devenues le quotidien des habitants de Fos-sur-Mer. Des études scientifiques ont montré qu’ils étaient surexposés aux polluants industriels. Les Fosséens sont-ils malades de l’industrie ?
Voir. FOS : les fumées du silence
Pierre Monnoir, simple citoyen
Sur France 3 Bourgogne-Franche-Comté
Réalisé par Camille Morhange et Thierry Fournet
Coproduit par AMDA Productions
Pierre Monnoir fait partie de cette minorité invisible de personnes qui sont prêtes à sacrifier beaucoup au bénéfice d’une cause qui leur paraît supérieure. C’est lui qui, grâce à sa détermination et à son énergie déployée, finit par faire éclater l’affaire Emile Louis au grand jour. Aujourd’hui encore, Pierre Monnoir accompagne les victimes des tueurs en série. Le combat de sa vie, c'est de faire inscrire dans le marbre de la loi le droit pour chaque victime de crime à une assistance psychologique et la reconnaissance des proches des victimes et témoins du crime en tant que victimes elles-mêmes. Car des vies brisées par une justice sourde et corrompue, il en a trop vues.
Voir Pierre Monnoir, simple citoyen
Barrages sans concessions
Sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes
Réalisé par Pierre-Yves Hampartzoumian
Coproduit par YN Production, La cuisine aux images
La France pourrait devenir le premier pays européen à ouvrir à la concurrence l’exploitation de ses barrages hydroélectriques. Si certains parlent de privatisation, d’autres alertent sur la sécurité des ouvrages et les risques liés aux centrales nucléaires. Alors que le changement climatique annonce une guerre de l’eau, le prix de l’électricité pourrait lui aussi s’emballer. Sandrine Boucher, journaliste d’investigation, décrypte pour nous ce dossier complexe aux enjeux inquiétants.
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A Castagna libera
Sur France 3 Corse
Réalisé par Frederika Sonza
Coproduit par Les productions du Triton
Joseph est un ancien pêcheur vivant sur la plage dans un cabanon au sud du golfe d'Ajaccio. Un cabanon qui lui vient de son père, lui aussi pêcheur. C’est un lieu bien fragile, car sans acte de propriété, et qui est désormais entouré de villas de millionnaires regardant avec un œil réprobateur l'immense fatras de filets, de bouées et de cordes...
La terre du milieu
Sur France 3 Nouvelle Aquitaine
Ecrit et réalisé par Juliette Guignard
Coproduit par les films du Bilboquet et France 3 case L'Heure D
Camille est devenue paysanne, comme on dit de quelqu’un vivant avec le pays. Elle a choisi la Creuse, une terre rude et souple, laborieuse et lumineuse. Elle éprouve un rejet grandissant des normes agricoles qui contrôlent sa production. Élever ses trois enfants, prendre soin de ses animaux et de ses plantes, sera toujours plus important que le rendement. En miroir, les enfants apprennent aussi à faire des choix devant les normes que leur impose l'école.
Tour de Plaine
Sur France 3 Centre-Val de Loire
Réalisé par Jacques Bedel
Coproduit par Girelle Productions
Julien vient de se décider à reprendre la ferme familiale. Pour ce musicien trentenaire récemment revenu vivre dans le Loir-et-Cher, rien ne va de soi malgré la transmission des terres familiales. Comment sortir du tout chimique, gérer l’endettement, choisir les espèces à semer et ne pas oublier de vivre ?
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Désobéir
Sur France 3 Occitanie
Réalisé par Alwa Deluze
Coproduit par Anoki
Et si l’on jouait à désobéir ? Certains arpentent les couloirs du collège, d’autres terminent le lycée. Ils se connaissent depuis des années et partagent une même passion : le théâtre. Depuis le mois de septembre, ils planchent sur la désobéissance. Ce sera le thème de leur prochain spectacle, impulsé par Stéphanie, leur drôle de metteur en scène. Sans tabou et avec humour, ces adolescents se dévoilent et questionnent les règles de notre démocratie pour écrire leur pièce.
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