Nouveau rebondissement, quelques heures après la décision du Conseil d'Etat. Cette suspension implique que le CHU de Reims devra continuer à alimenter Vincent Lambert, en attendant que le dossier soit examiné sur le fond par la Cour européenne.
Le feuilleton judiciaire concernant Vincent Lambert, tétraplégique en état végétatif dont le sort déchire la famille, a connu mardi deux rebondissements spectaculaires: la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a demandé en urgence son maintien en vie, prenant le contre-pied du Conseil d'Etat qui s'était prononcé un peu plus tôt pour l'arrêt des soins. "Ayant pris connaissance de l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat", la CEDH a demandé au gouvernement "de faire suspendre l'exécution de cet arrêt pour la durée de la procédure devant la Cour", précise un courrier adressé par la CEDH au gouvernement français, et transmis à l'AFP par l'un des avocats des parents du patient, Me Jean Paillot. "Cette mesure implique que Vincent Lambert ne soit pas déplacé avec le but d'interrompre le maintien de son alimentation et de son hydratation", précise la Cour.
La CEDH intervient dans ce dossier à la demande des parents de Vincent Lambert, dans le cadre d'une procédure qui lui permet d'imposer aux Etats certaines mesures urgentes et provisoires, "à titre exceptionnel", en cas de "risque réel de dommages graves et irréversibles" pour les requérants. Cette mesure d'urgence n'augure pas de la décision qui sera prise au fond, à une date non précisée. Habituellement, l'examen d'une requête devant la CEDH prend plusieurs années, mais la Cour a précisé mardi que le dossier de Vincent Lambert "serait traité en priorité". "C'est un nouvel épisode, un de plus, qui prolonge d'autant la situation dramatique de Vincent", a regretté le Dr Eric Kariger qui dirige le service de soins palliatifs du CHU de Reims où est hospitalisé Vincent Lambert. "Nous allons devoir (lui) faire encore subir des traitements qui relèvent d'un acharnement thérapeutique et de l'obstination déraisonnable qu'il redoutait tant lui-même", a-t-il ajouté.
Le recours et le délai de trop
"Cette une situation extrêmement difficile à vivre pour l'ensemble de mon équipe qui appréhendait cette décision comme le recours et le délai de trop", a-t-il ajouté. Avant ce revirement imposé par les magistrats européens, le Conseil d'Etat, plus haute juridiction administrative française, avait rendu une décision inverse. Il avait jugé "légale" la décision médicale de "mettre fin aux traitements", soulignant qu'elle correspondait à la volonté exprimée par Vincent Lambert, un ancien infirmier en psychiatrie, avant l'accident qui l'a cloué il y a six ans sur un lit d'hôpital, avec des "lésions irréversibles".
Cette décision "s'inscrit dans le cadre tracé par la loi Leonetti" de 2005 sur la fin de vie, avait en outre estimé Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil
d'Etat. Un avis partagé par le député UMP Jean Leonetti, à l'origine de cette loi, qui a vu dans cette décision non pas la "validation d'un acte euthanasique, mais le refus de l'acharnement thérapeutique", et a rappelé que chaque chaque situation devait "être appréciée au cas par cas".
Le neveu de Vincent Lambert, François, partisan de l'arrêt de soins, avait fait part de son "soulagement" et estimé que "les choses ont été faites dans les règles". "J'irai lui dire au revoir encore une fois, une dernière fois j'espère", avait-il ajouté.
L'arrêt des soins est également demandé par Rachel, l'épouse de Vincent Lambert, par six frères et soeurs et par le corps médical, au nom du "respect" dû à l'ancien infirmier.
Ses parents Pierre et Viviane Lambert, catholiques traditionalistes, ainsi qu'un frère et une soeur qui réclament son maintien en vie, avaient en revanche dénoncé "un jour funeste", par la voix d'un de leurs avocats, Me Jérôme Triomphe.
Ces rebondissements surviennent au moment où deux procès relancent le débat sur la fin de vie: celui du Dr Nicolas Bonnemaison pour l'empoisonnement de sept patients aux assises des Pyrénées-Atlantiques, et celui, qui débute mercredi aux assises de l'Hérault, d'une ex-professeur de français, accusée d'avoir tenté d'abréger la vie de sa mère atteinte d'Alzheimer. Le gouvernement a chargé M. Leonetti et le député PS Alain Claeys de proposer d'ici fin 2014 des aménagements.