Un prêtre a été condamné vendredi 8 novembre à 18 ans de prison pour un viol et des agressions sexuelles commis sur plusieurs enfants, notamment lorsqu'il était curé dans le village de Massiac (Cantal). L’une de ses victimes témoigne.
Philippe Pouzet, 70 ans, a été condamné à 18 ans de prison par la cour d’assises du Cantal. Il était poursuivi pour un viol et plusieurs agressions sexuelles, qui se seraient en partie déroulés alors qu’il était curé à Massiac. Il a également été condamné à une injonction de soins, un suivi socio-judiciaire de cinq ans, une interdiction de se rendre dans le Cantal et une interdiction de toute activité avec des mineurs à vie.
J’attendais qu’il reconnaisse ce qu’il nous a fait subir.
Une victime
“Il fallait que justice soit faite. C’était le plus important, en tout cas pour moi. Malheureusement ou heureusement, je n'ai pas attendu le procès pour recommencer ma vie, pour continuer d'avancer. Mais il fallait que ce soit fait", témoigne l’une de ses victimes. Satisfait par la peine prononcée, le jeune homme fait part de son ressenti après le procès : “J’attendais qu’il reconnaisse ce qu’il nous a fait subir et, en tout cas pour ma part, qu’il arrête dire que je lui ai sauté dessus, ce qui semblait assez logique. On a été reconnus comme victimes. C’est pour ça qu’on était là et ça a été fait, c’est le principal.”
Se reconstruire
Au cours de l'audience, Philippe Pouzet a reconnu des dizaines d'agressions sexuelles et le viol d'un adolescent de 14 ans, tout en assurant que les enfants étaient à l'initiative ou "en recherche d'eux-mêmes". "Il ne reconnaît pas aux victimes leur statut", a estimé Me Jean-François Canis, avocat des familles. Une attitude qui ne surprend pas la victime : “Je n'attendais plus rien de lui. À partir du moment où j'ai su qu'il avait touché à ma petite sœur, je n'ai plus rien attendu. Ça ne nous a pas soudés, ça nous a plutôt séparés au début, maintenant on va essayer de reconstruire quelque chose d'à peu près stable. On verra ce que la vie nous réserve. »
Une famille prise pour cible
A l'issue du procès devant la cour d'assises du Cantal, l'avocat général Paolo Giambiasi avait réclamé 15 ans de prison "pour la société, et pour (...) rendre justice" à la famille des victimes. Le prêtre était jugé pour les agressions sexuelles de quatre enfants d'une même famille et le viol de l'un d'entre eux autour de l'année 2017, ainsi que pour l'agression sexuelle d'un adolescent en 1994, aujourd'hui âgé de 44 ans. Cette famille nombreuse de sept enfants, isolée en ville, a été la cible de celui qui, curé de Massiac de 2011 à 2017, organisait des soirées au presbytère, offrait des cadeaux, prêtait sa voiture ou réglait un forfait téléphonique. "Je suis bouleversé de toute la douleur qui est remontée à la surface. J'en suis le seul responsable", a finalement déclaré l'accusé avant que la cour ne se retire.
"Pour moi, c'est juste"
Dans sa plaidoirie, son avocat Frédéric Franck avait demandé aux jurés de ne pas tenir compte de la difficulté de son client à expliquer ses gestes. "Les faits sont instinctifs, c'est pour cela qu'il ne sait pas aller plus loin pour les expliquer. [...] Ne lui en voulez pas pour ça. Il a fait, il a commis, il ne sait pas expliquer", avait-il argumenté en plaidant contre les 15 ans requis. "C'est un rétablissement de la peine de mort, prenez une corde et allez le pendre au Square, cela ira plus vite", a-t-il lancé. La victime quant à elle, affirme : « C'est compliqué à qualifier, mais si c'est ce qui a été décidé, c'est que c'est juste. Pour moi, c'est juste. » Au total, dix victimes ont été entendues et un cinquième enfant de la famille a affirmé avoir été lui-même violé.
Des précédents
L'enquête avait montré que l'Église, consciente des failles du curé, n'avait pas interrompu sa carrière : elle avait notamment relevé à son sujet "des problèmes d'affectivité", des "moments d'abandon" qui avaient conduit à des "incidents". En 1984 à Sommières (Gard), alors maître d'internat, il avait été jugé pour "attentat à la pudeur", après avoir agressé sexuellement deux enfants. "On relit l'histoire en sachant ce qu'il s'est passé", s'est justifié Mgr Bruno Grua, ancien évêque de Saint-Flour, ajoutant : "Bien-sûr que, de temps en temps, je me dis que j'aurais dû être plus vigilant." Une directrice d'enquête venue témoigner a estimé qu'une dizaine de prêtres étaient au courant : "Je ne sais pas pourquoi il n'a pas été écarté de son sacerdoce."