Entre histoire et littérature, le chemin de Stevenson invite à remonter le temps, de la Haute-Loire jusqu'aux Cévennes

L'écrivain écossais Robert Louis Stevenson a arpenté au XIXème siècle les terres du Massif Central entre le Velay, le Gévaudan et les Cévennes. Son livre "Voyage avec un âne dans les Cévennes" inspire encore de nombreux marcheurs. Ils viennent du monde entier parcourir cet itinéraire qui porte aujourd'hui son nom.

C'est, dit-on, à cause d'une peine de cœur que l'écrivain Robert Louis Stevenson aurait quitté son Écosse natale pour venir, à 28 ans, traverser une région de la France profonde. Tout quitter pour se retrouver ici, avec un âne, aux confins du Massif Central, pour un voyage à travers les forêts, plateaux et vallées d'une région dont il ignorait tout.

Le carnet de voyage, paru en 1879, relatant son épopée, est de nature bien différente des romans célèbres qu'il a écrits comme "L'île aux trésors" ou encore "L'étrange cas du docteur Jekyll et de Mister Hyde". Son voyage avec un âne connaîtra un succès plus tardif, mais toujours d'actualité. La preuve, chaque année, ils sont plusieurs dizaines de milliers à parcourir le fameux GR 70 connu sous le nom de "Chemin de Stevenson".

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Il faut se remettre dans le contexte de l'époque. Les facilités n'étaient bien évidemment pas les mêmes qu'aujourd'hui, et réaliser un tel voyage en terre inconnue ne s'apparentait pas à une balade dominicale... Raconter par écrit cette aventure n'avait donc rien de banal. Parti du sud de la Haute-Loire, au Monastier-sur-Gazeille, jusqu'à Alès dans le Gard, Robert Louis Stevenson a découvert une région sauvage et sans concession qui n'a rien perdu de son mystère et de sa force à notre époque. Il a parcouru 272 kilomètres avec son ânesse Modestine dont la présence a été un réconfort et une précieuse aide. Et pas seulement pour le port de ses affaires. Tout au long de son roman, l'écrivain raconte ce qu'il découvre de ces terres sauvages qui entrent en résonance avec ses propres tourments... Jusqu'à la résilience, après une longue marche dans un pays dont il parlait mal la langue et qui ne voyait pas souvent passer des étrangers...

L'expérience, admirablement bien racontée dans son livre, inspire toujours des dizaines de milliers de marcheurs. Ils mettent entre une et deux semaines, selon leur rythme, pour traverser cette partie du Massif Central sur le fameux "chemin de Stevenson". Aujourd'hui, ils viennent du monde entier pour vivre cette expérience, certes moins longue que les chemins de Compostelle, mais tout aussi ressourçante sur un itinéraire alternant forêts et plateaux, vallées et villages, au gré des étapes. 

Le pays du Gévaudan, qui englobe la Margeride et une grande partie de la Lozère, est sans doute le plus mystérieux. D'abord, l'ombre de la bête, celle qui a causé la mort de 80 personnes au XVIIᵉ siècle, y rôde encore... L’histoire avait défrayé la chronique à l'époque, bien au-delà de nos frontières. Et Stevenson la connaissait à son arrivée dans la région. Il l'évoque dans son livre, lorsqu'il traverse le Gévaudan, non sans une certaine ironie... En effet, la rencontre conflictuelle avec des jeunes paysannes moqueuses lui fera écrire "que cette bête commençait à lui devenir sympathique" !

Marcher sur le chemin, c'est accepter de laisser le temps se connecter autrement. Oublier le rythme de la vie moderne et se recentrer sur soi. Avancer à chaque pas. Lentement, en symbiose avec la nature clémente un jour et redoutable le lendemain. 

Lors de notre tournage, la neige et le vent ont figé ces contrées qui bénéficiaient, deux jours auparavant, d'une température estivale. La Lozère, c'est cela. Un jour avenante, le lendemain, violente. Un petit enfer, qui rappelle que ces plateaux de moyenne montagne jouent aux grands par leurs sautes d'humeur. Le chemin traverse des villages médiévaux, des ruines mystérieuses, des forêts sombres où pullulent les lutins sylvestres. De quoi s'imaginer sans difficulté croiser la bête au détour d'une bourrasque de neige...

La présence de Modestine, l'ânesse de Stevenson lui a été précieuse même si le début de leur relation a été compliqué, l'animal n'en faisant qu'à sa tête ! Mais faire le chemin avec elle, c’était ne plus être seul. Au point de créer une relation si forte avec Modestine que Stevenson a eu du mal à s'en séparer une fois parvenu à destination.

Marie-Ange est une grande amoureuse des animaux. Elle confie ses ânes aux marcheurs qui viennent chez elle pour vivre une expérience au plus proche des écrits de Stevenson. 

Ce ne sont pas des bêtes de somme, mais des compagnons de route. Quand on m'appelle pour savoir combien il faut d'ânes pour porter les sacs de 12 personnes, je réponds qu'ils feraient mieux de prendre un convoyeur

Marie-Ange Benoit, éleveuse d'ânes et de chevaux

Marie-Ange grattouille l'oreille de "sa petite dernière", Cracotte, une ânesse du Poitou orpheline qu'elle a nourri au biberon, et reprend : "Je ne confie mes ânes qu'à ceux qui ont la volonté de vivre quelque chose de fort avec l'animal. Qu'ils sachent ou pas les conduire : ça n'a pas d'importance. Je suis là pour leur apprendre. Mais qu'ils les considèrent comme des outils de portage : ça n'est pas la philosophie du chemin de Stevenson". Nombreux sont ceux qui rêvent de faire la route avec un âne. Mais leur engagement doit être sincère pour aboutir à cette extraordinaire relation qui donne du sens à cette marche.

Si les chemins de Compostelle ont une forte vocation spirituelle, celui de Stevenson n'a pas d'ancrage religieux. Même si l'histoire et la spiritualité se cachent derrière chaque vestige, les cloches de chaque village ou encore lors de la halte à l'abbaye de Notre-Dame des Neiges. Une étape sur laquelle le marcheur peut retrouver des forces dans un lieu où souffle l'esprit. Mais c'est au fond de soi que la marche agit, transforme, et ramène, qu'on le veuille ou non, à l'essentiel. À son propre essentiel. Chaque randonneur le sait.

Comme ce couple de retraités Australiens qui a décidé de traverser le Gévaudan après avoir vu le film "Antoinette dans les Cévennes" grandement inspiré de l'œuvre de Stevenson. Ou encore, cette jeune trentenaire qui parcourt en solitaire le chemin, prenant le temps de s'arrêter pour discuter avec nous, et de partager son plaisir d'être là, jamais vraiment seule tant les rencontres sont nombreuses tout au long de la route. 

Stevenson, c'est une parenthèse enchantée, un moment de rupture avec le monde qui nous rapproche de nous-mêmes. Ici, il n'y a plus de riches, plus de pauvres, seulement des humains, qui ont froid, chaud, qui transpirent, s'émerveillent et se parlent à chaque étape en sachant qu'ils partagent tous la même chose

Aurélie Viala, association "Stevenson" dans le Gévaudan

Aurélie Viala fait partie de l'association gestionnaire du chemin de Stevenson. Passionnée par son pays, le Gévaudan, elle ne tarit pas d'éloges sur les bienfaits de la marche au long cours. Le caractère bien trempé de ces plateaux, elle le connaît par cœur et s'amuse de nous voir congelés en ce printemps glacial. Elle œuvre pour promouvoir une autre façon de marcher, qui, contrairement à la chanson, ne se limite pas à mettre un pied devant l'autre, et à recommencer. Un chemin très accessible, qui ne nécessite pas forcément une grande expérience de la marche, même si certains tronçons peuvent être exigeants. La seule chose qui compte, c'est un peu de temps, une bonne paire de chaussures, et beaucoup de volonté. "La plénitude, promet Aurélie, viendra avec l'émerveillement, l'écoute de soi, et la communion avec la nature ..." 

▶️ "Gévaudan, sur les traces de Stevenson" un magazine de 26 minutes présenté par Laurent Guillaume, réalisé par Frédéric Fiol, diffusé le dimanche 19 mai à 12H50 dans "Chroniques d'en Haut" sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, à revoir en REPLAY sur france.tv

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