Le chef cuisinier Marc Veyrat se lance un nouveau défi. Il vient d'ouvrir, avec sa femme, un nouveau restaurant à Megève. Un concept novateur, fidèle à l'esprit visionnaire de l'homme au chapeau. Mais désormais, il ne vise plus les étoiles Michelin.
"Belle découverte ! L'épiaire, c'est une plante diabolique." A 75 ans, Marc Veyrat n'a rien perdu de sa fougue ni même de sa passion. Le chef cuisinier arpente les sentiers forestiers à la recherche de plantes et d'arômes pour accompagner son menu du jour.
"Les enfants, il y a plein d'oxalis [genre de plantes herbacées, NDLR]. Ce qui est merveilleux, c'est la tige, pas la feuille. Ça a un goût d'oseille", lance-t-il aux cuisiniers qui l'accompagnent. "Né au cul des vaches", ce fils de paysan revendique ses racines rurales, faisant de la nature son inspiration première.
"Mon grand-père, qui était communiste anticlérical, a fait venir l'école laïque à Manigod, à 6 km de notre village. Tous les matins, à 5 ans et demi, je faisais 6 km. Il m'attendait à la sortie de l'école. C'était un berger. Sur son chapeau, il y avait des myrtilles, des fraises des bois, des framboises. Un acte d'amour, c'est ça la cuisine", se rappelle Marc Veyrat, toujours fidèle à sa cueillette du matin. L'ingrédient secret de 50 ans de succès.
Jamais un chef n'avait été autant distingué : trois étoiles au Guide Michelin par trois fois et le score maximum de 20/20 par deux fois au Gault et Millau. Une consécration pour le cuisinier autodidacte. Mais en 2018, le Michelin lui retire l'une de ses trois étoiles. Marc Veyrat attaque alors le guide en justice mais perd son procès. Il demande à ne plus figurer dans le guide rouge.
"Interdit au guide Michelin"
Aujourd'hui, dans son nouveau restaurant de Megève (Haute-Savoie), l'homme au chapeau n'oublie pas. "Je suis un homme libre, proclame-t-il. Je vais mettre un panneau à l'entrée du restaurant : 'Interdit au guide Michelin"". Libre, le chef se lance un nouveau défi, en duo avec son épouse.
Mais à chacun sa cuisine, à chacun sa spécialité. L'âtre et la tradition pour Christine Heckler-Veyrat : "Je cuisine beaucoup avec l'oreille. On entend des choses magiques. On entend crépiter la flamme. Ça permet des choses incroyables", décrit-elle devant la cheminée.
La "cuisine haute définition" et la transmission reviennent à Marc Veyrat. "Tous les jours, il prend le couteau, il va aux marmites, il fait flamber... C'est impressionnant de voir quelqu'un de cette envergure être autant investi", souligne Maxime Deflon, chef de cuisine au restaurant de Marc Veyrat.
"A 75 ans, tout le monde me dit que je suis fou de rouvrir un établissement. Mais c'est à notre mesure, 18 couverts", ajoute le chef haut-savoyard. L'heure de la retraite n'a donc pas sonné pour Marc Veyrat, l'autodidacte devenu monument de la cuisine française.