TEMOIGNAGES. "On en a marre", "certains abandonnent le navire" : les salariés de Grenoble Habitat entre colère et lassitude

Alors que le tribunal administratif examinait ce mercredi un nouveau recours concernant la vente de Grenoble Habitat, les 80 salariés du bailleur social se disent "lassés" et "excédés" par une situation qui va "de rebondissements en rebondissements" depuis 2018.

Ils sont quatre-vingts à travailler pour Grenoble Habitat : des vendeurs, des constructeurs, des techniciens, des agents administratifs chargés de la gestion locative. Ils s'occupent au quotidien de 4500 logements, hébergeant environ 10 000 locataires.

Leur avenir était en première ligne, une nouvelle fois, ce mercredi devant le tribunal administratif. Par la voix de leurs délégués du personnel et de l'intersyndicale CFE-CGC-FO, ils confient leur ras-le-bol.

"Les salariés sont un peu lassés et excédés de la situation qui traîne de rebondissements en rebondissements, ça finit par mettre à mal l'entreprise et les gens qui s'investissent dedans", déclare ainsi Rémi Harrand, secrétaire adjoint du CSE.

Depuis cinq ans, les salariés du bailleur social, assistent, impuissants aux joutes politiques sur l'avenir de leur structure. 

"Le projet dure depuis 2018. Au départ, c'était un autre projet de rapprochement avec l'autre bailleur social, Actis, un Office public de l'habitat", indique Roseline Chevallier, secrétaire du CSE et déléguée syndicale CFE-CGC.

2018-2023 : cinq ans de tâtonnements pour Grenoble Habitat

"Il y a déjà eu des conflits politiques et financiers à ce sujet et le projet a capoté. Après, on est repartis sur la création d'une SAC (société anonyme de coordination, ndlr) toujours avec le même organisme, Actis, qui a vite été abandonné. Et, aujourd'hui, c'est la vente de Grenoble Habitat. Cela dure depuis 2018 et les salariés en ont marre, c'est beaucoup trop long", explique Roseline Chevallier. 

Ce manque de visibilité et ces incertitudes ont eu des conséquences sérieuses sur l'organisation du travail. Les démissions sont nombreuses depuis cinq ans. 

"Il y a beaucoup de gens qui abandonnent le navire en se disant 'puisqu'on ne sait pas ce que l'on va pouvoir faire, autant aller faire nos missions d'utilité ailleurs'", poursuit Rémi Harrand qui confie, non sans ironie, que Grenoble Habitat est devenu "un très bon vivier de recrutement pour nos confrères".

L'avenir est très sombre, très trouble.

Roseline Chevallier, déléguée syndicale CFE-CGC de Grenoble Habitat

à France 3 Alpes

"Aujourd'hui, quand les salariés ont une opportunité, ils ne se posent pas trop de questions, ils s'en vont parce qu'on n'a pas d'avenir devant nous. L'avenir est très sombre, très trouble", ajoute Roseline Chevallier.

"C'est très difficile aujourd'hui d'acheter un nouveau terrain (pour y installer de nouveaux logements sociaux, ndlr), de récupérer un projet sachant que les partenaires avec lesquels on travaille nous pose la question sans cesse : 'Est-ce que vous existerez encore demain ? Est-ce que, ce que l'on signe aujourd'hui, aura une valeur quand on commencera à travailler ensemble ?' Donc cela nous handicape lourdement en tant qu'entreprise et au niveau de la crédibilité des salariés quand ils sont en rapport avec l'extérieur, que ce soit avec nos locataires ou nos prestataires", s'indigne Rémi Harrand.

"Travailler dans l'intérêt des locataires"

Dans leurs voix, pointe la colère et une certaine lassitude. "Fondamentalement, on a l'impression depuis le début que c'est récupérer un chèque qui motive les acteurs et pas du tout à quoi on sert", regrette le représentant du personnel.

"L'intérêt général est complètement absent du débat politique. On se dispute sur l'avenir de notre société, au-dessus de nous, sans se préoccuper ni de notre intérêt, ni de l'intérêt des locataires pour lesquels on travaille, cela casse un peu les motivations", continue-t-il. 

Les salariés de Grenoble Habitat avaient manifesté, à plusieurs reprises, leur regret de ne pas pouvoir prendre part aux discussions. On leur a rétorqué, en substance, que l'affaire était entre les mains de juristes, plus qualifiés qu'eux, pour déterminer quels statuts donner à leur entreprise.

Alors, lorsqu'ils ont appris que le préfet avait décelé une non-conformité, dans la délibération du conseil municipal du 13 mars 2023, concernant la cession des actions de la ville de Grenoble à une filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations pour 37 millions d'euros, ils ont été interloqué.

"Mettre fin au conflit politique et aux ambitions individuelles"

"On est quand même très surpris que le projet que l'on nous vend comme sur des rails depuis un an soit finalement aussi fragile et qu'il y ait une question de légalité sur un point aussi fondamental. Cela nous a beaucoup surpris qu'ils se soient plantés sur un truc comme ça, la Ville s'étant entourée de cabinets d'avocats prestigieux qui nous ont expliqué à quel point c'était du droit des sociétés, que notre avis ne comptait pas et qu'on n'avait pas à être au courant", raconte Rémi Harrand.

Aujourd'hui, les 80 salariés n'attendent qu'une seule chose : que ces incertitudes et "cet entre-deux" se terminent.

"Il faudrait que la Métropole et la ville soient capables de discuter et de trouver une solution pour l'intérêt général, pour le fonctionnement de l'entreprise, d'une façon ou d'une autre. Le problème vient d'un conflit d'hommes. Nous, on aimerait appeler les leaders à prendre leurs responsabilités et à passer outre le conflit de personnes et les ambitions individuelles au niveau de l'agglomération", conclut Rémi Harrand.

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