Depuis deux mois, la commune du Coteau (Loire) compte un employé municipal de plus dans ses effectifs, tout droit venu de la prison de Roanne. C'est la première collectivité locale en France à recourir à un détenu, dont la peine est toujours en cours, par le biais du dispositif d'aménagement de peine. Une procédure destinée à faciliter la réinsertion et à prévenir la récidive.
Le 1ᵉʳ février 2020, Fabrice a été condamné à cinq ans de prison, dont quatre ans ferme. Mais de sa cellule de quelques mètres carréss du centre de détention de Roanne, il est passé aux espaces verts de la commune du Coteau. Pas de libération anticipée, il a juste bénéficié d'un aménagement de peine, comme la loi le permet quand il reste moins de deux ans d'emprisonnement.
"Je vois l'avenir avec ce travail"
"Maintenant, je ne me considère plus comme un détenu. J'ai des fiches de paie, si je dois prendre des initiatives, un appartement, des crédits, une voiture… La prison, c'est derrière moi, je vois l'avenir avec ce travail", souligne Fabrice.
C'est dans la salle d'audience du centre de détention de Roanne que tout s'est décidé. Deux fois par mois, s'y tiennent, présidées par un juge d'application des peines, des audiences contradictoires.
"Lorsque ces détenus présentent un projet concret et bien établi pour permettre leur sortie, ça passe dans le cadre de cette audience en débat contradictoire. On revient sur les faits pour lesquels il a été condamné, sur son parcours de vie, son parcours carcéral. Ensuite, chacun peut poser des questions et donner son avis. Le Procureur de la République fait des réquisitions au nom de la société", explique Abdelkrim Grini, Procureur de la République de Roanne.
Réinsérer les détenus pour retourner vers la société
Réquisitions favorables ou non, selon que le projet lui apparaît suffisamment sérieux et cadrant. Mais la décision revient au juge. Quant au service pénitentiaire d'insertion et de probation, s'il n'est pas décisionnaire, il reste un maillon essentiel dans le dispositif.
Pour Judith Roussiès, conseillère pénitentiaire d'insertion et de probation, "on est un relais entre le passé de la personne et son avenir, son retour vers la société. On fait le relais avec l'emploi, la santé, mais on n'est pas médecin, ni Pôle emploi, ni une structure d'hébergement".
L'image que la personne a d'elle-même et qu'elle renvoie à la société ne sera pas la même
Manon RoyDirectrice adjointe de la prison
"Dès lors que l'on arrive à accompagner au niveau professionnel, que ce soit par le biais d'une formation, d'un emploi, déjà, c'est valorisant pour la personne, l'image qu'elle a d'elle-même et qu'elle renvoie à la société ne sera pas la même. Donc oui, l'aménagement de peine joue sur l'évolution de la personne détenue, sur son intégration dans la société", ajoute Manon Roy, directrice adjointe de la prison.
Coteau, 1ʳᵉ commune de France à employer un détenu
"Ce matin, on déneigeait les écoles, les passages piétons pour les personnes âgées… énumère Fabrice. On se sent utile, on est mieux qu'enfermé".
Cette chance de se sentir de nouveau utile, c'est la mairie du Coteau qui lui a offerte. Si certaines entreprises privées osent le faire, là, c'est la première commune en France à employer un détenu dans le cadre de ce dispositif. Il est financé par l'État et un mécène, implanté dans le Roannais.
C'est quelqu'un à qui l'on redonne les codes, le goût de travailler et de l'effort
Sandra Creuzet-TaiteMaire du Coteau (SE)
"Lorsque des personnes sont condamnées, elles peuvent effectuer une peine de travail d'intérêt général. Mais là, ce n'est pas ça. Là, c'est quelqu'un qui est en peine, en détention, que l'on fait sortir pour aller travailler. C'est quelqu'un à qui l'on redonne les codes, le goût de travailler et de l'effort", explique Sandra Creuzet-Taite, maire (SE) du Coteau.
Un contrat de six mois renouvelable, un toit, celui d'un foyer social, des horaires de sortie à respecter, certes. Dans ce dispositif qui préviendrait la récidive, Fabrice a surtout trouvé les clés pour reconstruire son avenir sur de bonnes bases.
Chaque année, dans ce centre de détention, sur près de 600 détenus, un tiers sollicitent un aménagement de peine.