Expatriée en Nouvelle-Calédonie depuis trois ans, Audrey vient de perdre son travail à l'hôpital de Nouméa où elle était infirmière. Les scènes de violences qui ont débuté en mai continuent de fragiliser l'archipel et poussent les métropolitains vers le départ.
Depuis trois ans, 17 000 km la séparent de son Auvergne natale. Audrey est expatriée à Nouméa en Nouvelle-Calédonie. Cette nouvelle vie, qu'elle a choisie, a basculé il y a deux mois et demi, lorsque des émeutes ont éclaté sur cet archipel du Pacifique. "La situation est moins tendue qu'au début, mais toutes les nuits, il se passe quelque chose. Des bâtiments sont brûlés, il y a des car-jackings", décrit la Clermontoise épuisée.
Il y a encore des barrages partout. Les gens sont terrorisés. Une tension perpétuelle règne.
AudreyExpatriée à Nouméa
Insultes et caillasses
Dix personnes sont mortes depuis le début des violences, qui ont éclaté en réaction au vote du dégel du corps électoral par l'Assemblée nationale. Pendant plusieurs semaines, Audrey a dû se rendre au travail en navette. Infirmière au CHU de Clermont-Ferrand, elle est en détachement à l'hôpital de Nouméa depuis 2021. "On mettait 2 heures pour y aller. J'avais peur qu'on se fasse tirer dessus. À côté du Médipôle, le quartier était en pleine panique. Il y avait des explosions et des tirs, jour et nuit. Les métropolitains ne prennent plus leur voiture pour y aller parce qu'on se fait insulter et caillasser", raconte la soignante.
Mais depuis peu, Audrey ne se demande plus comment aller travailler en toute sécurité. L'hôpital n'a pas renouvelé son contrat et ne paie plus les heures supplémentaires, faute de moyens. "Il y a des chirurgiens et des infirmières qui ont commencé à partir. Les soins se font quand même, mais il y a un peu d'attente", explique Audrey.
L'économie de l'archipel s'écroule
Si les tensions sont moins fortes par endroits, l'économie de l'archipel est à terre. Le conjoint d'Audrey, qui vit en Nouvelle-Calédonie depuis 10 ans, vient d'être licencié. "Il était électricien dans une petite société. Parmi tous les devis qui avaient été faits, beaucoup de clients ont quitté le territoire, perdu leur emploi ou n'ont plus d'argent. Au vu de la situation actuelle, personne ne fait de travaux donc, il n'y a plus de travail pour les entreprises", déplore-t-elle.
On ne sait pas de quoi demain sera fait. Les caisses de retraite sont vides. Les caisses qui paient l'hôpital aussi. Cela fait trois mois qu'il n'y a pas de Ruamm, l'équivalent de l'Urssaf en métropole. Il n'y a pas d'argent qui rentre.
AudreyExpatriée à Nouméa
Les métropolitains quittent le territoire
Ceux qui ont le moins investi sur le territoire sont les premiers à partir. Les autres s'accrochent à l'espoir que la situation s'arrange. "Le premier mois, on s'est dit qu'on attendrait. Maintenant, ça fait 2 mois et demi et on a perdu nos emplois. On tend vers une crise socio-économique et sanitaire terrible", s'inquiète Audrey qui a finalement décidé de rentrer en Auvergne avec son compagnon avant la fin de l'été.
On se sent complètement abandonnés depuis deux mois et demi. Ce qui se passe actuellement chez nous ne se serait jamais passé en métropole. On a aussi la sensation d'être mis dehors et de devoir tout laisser sur place : nos voitures, notre appartement. On repart avec deux valises.
AudreyExpatriée à Nouméa
Le couple va utiliser ses "dernières économies" pour payer un billet retour. "Très malheureux de cette situation", Audrey et son compagnon pensent à ceux qui sont "coincés" dans ce chaos, sans possibilité d'en sortir. "On laisse trois et dix ans de vie ici derrière nous. On est encore dans la sidération d'essayer de comprendre ce qu'il se passe. On sait que l'on va retourner dans notre famille et retrouver du travail, mais il nous faudra un temps de pause pour se remettre de tout ça."
Propos recueillis par Stéphane Trentesaux / France 3 Auvergne