Attaque au couteau de Laurent Bonnevay (Lyon) : "il fallait à tout prix empêcher l'agresseur d'arriver au métro"

Ismaïla Toné est chauffeur de bus à Lyon. Il fait partie de personnes qui ont su neutraliser l'agresseur au couteau de Laurent Bonnevay samedi 1er août. Profondément marqué par la mort de Thimothy, 20 ans, il revient sur ces événements sanglants.

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Samedi 1er août, Ismaïla Toné est arrivé au volant de son bus juste après l'agression mortelle au couteau de Thimoty à la station Laurent Bonnevay de Villeurbanne.

Il a été profondément choqué et touché par le décès de Thimoty, ce jeune savoyard de 20 ans venu prendre un bus pour se rendre à un festival de musique avec ses amis. "Ça va, on se remet  tout doucement, ça me fait me poser beaucoup de questions." dit-il. Deux jours après les événements, il a accepté de nous raconter ce qu'il a vécu.

"Je suis encore sous le choc de l’émotion, après cette situation difficile et intense que nous avons dû gérer avec mes collègues, il faut que je me remette de ça, et que j'encaisse". Ismaïla est étrangement calme quelques jours après l'agression au couteau à la station Bonnevay, à Lyon, lorsqu'il revient sur les faits.
"Vers 16h30, j’arrive au volant de mon bus C 3 à la station de métro Bonnevay, quand je vois des usagers courir de partout. Au moment où j'arrive, le jeune Thimothy est déjà à terre. L’agresseur était dans le même bus que lui». Selon les propos de ses collègues et autres usagers présents sur les lieux, Ismaïla comprend rapidement qu’au premier coup asséné, Thimoty s'est effondré et que l’agresseur l’a roué de coups de couteau. "Lorsque les collègues arrivent pour le secourir c’est trop tard" déplore le chauffeur de bus.

Ismaïla est encore sous le choc "Quand j'arrive sur les lieux, je vois l’agresseur se diriger vers le métro en poignardant tous ceux qui sont autour de lui, dont une femme de 75 ans blessée au visage et sur d’autres parties de son corps". Pour le chauffeur de bus, c’est un scénario catastrophe "tout le monde crie de panique."
"Mon collègue Abdelkader le suit jusqu’en haut de l’escalator. L'agresseur  poursuit un père de famille qui se retrouve coincé contre la balustrade qui surplombe le périphérique face à l’agresseur qui s’apprête à le poignarder". Isamaïla poursuit son récit comme s'il le vivait encore. "C’est à ce moment-là que je rejoins Abdelkader aidé de deux ou trois clients munis de barres de fer pour l’empêcher de fuir et surtout, le convaincre de renoncer à un meurtre de plus".

"Nous engageons la discussion pour détourner son attention afin de permettre la fuite du père de famille blessé et réussissons à lui faire baisser ses armes : un couteau et d’un pic de barbecue. 
Une foule restée à distance, dont certains filmaient la scène avec leur portable, le voyant désarmé, fonce sur lui avec la volonté de le lyncher. Il  reprend ses armes encore au sol et menace de faire sauter une bombe. Cette annonce fait fuir les adeptes du lynchage. Nous, qui sommes très près de lui, savons qu’il bluffe."
 
"Nous restons autour de lui pour le protéger de la foule menaçante et en même temps l’empêcher de fuir en attendant l’arrivée de la police. Les quelques  minutes avant l’intervention des forces de l’ordre paraissent des heures. Pendant que nous discutons avec l’homme, l'un de nous éloigne du pied ses armes laissées au sol. Nous restons très vigilants : il nous faut toujours éviter son lynchage par la foule."

Si Isamaïla est intervenu, c’est parce qu’il a vu un père de famille "à deux doigts d’être tué". Le conducteur de bus a agi par instinct de protection, "je me suis dit qu’il fallait empêcher un autre crime" mais aussi par sens des responsabilités. "Je ne pouvais pas tourner le dos devant une telle situation."

Le conducteur de bus a-t-il mesuré le risque qu’il prenait à ce moment-là ? "On n’y pense pas, mais on pense plutôt à ce père de famille qui avait besoin d’assistance". Et plus que le risque d’être poignardé, Isamaïla n’avait qu’une chose à l’esprit "empêcher à tout prix l’agresseur d’accéder au métro, il fallait le contenir sinon ça aurait été un carnage". L’agent TCL ne cache pas avoir eu peur pour les clients qui sortaient de la station et qui "risquaient de prendre un coup de couteau". Il parle d’un réflexe professionnel aussi, "ça s’est passé sur notre lieu de travail, la station TCL, et toutes les personnes apeurées se sont tournées vers nous, on s’est sentis responsables, on a fait ce que l’on avait à faire."

Des images reviennent tout le temps à Ismaïla. Avec le recul il prend conscience qu’à mains nues, lui, ses collègues et deux courageux passagers ont pris de gros risques

Isamaïla affirme qu’il n’a pas ressenti de peur. "Sur le moment, non !" Pour le chauffeur de bus, son intervention a été "une réaction humaine" face à "une personne en détresse et à d’autres en danger".

"On s’est senti obligé d’agir." résume-t-il.  


Mais l’intervention aurait pu tourner au lynchage car "la foule était surexcitée", se rappelle Isamaïla. Cette scène aussi l’a fortement marqué, "des gens venaient sur l’agresseur armés de barres de fer, de tessons de bouteilles, et nous n’étions pas à l’abri de recevoir des coups".

Isamaïla se souvient avoir déjà croisé l’agresseur à plusieurs reprises. "Il voyage régulièrement dans mon bus, de Bonnevay à Vaulx-en-Velin où il habite". Et il évoque une personne très différente de celle qu’il a affrontée samedi après-midi sur le parvis de Laurent Bonnevay, "C’était une personne très calme et discrète, souvent au fond du bus, les yeux rivés au sol. On ne sentait de sa part aucune agressivité". Deux jours après le drame de Villeurbanne, il est encore abasourdi: "Qu’il ait fait une chose pareille samedi, donne froid dans le dos."

… et bouleversé aussi par "la mort de ce gamin, un jeune innocent qui vient pour s’amuser avec ses copains à un festival de musique et qui perd la vie dans une station de transports en commun". Son lieu de travail mais aussi un endroit où "où l’on est censé être en sécurité".
 

La direction de son entreprise a mis à disposition une cellule d’écoute et propose un suivi psychologique aux agents qui ont vécu ces événements dramatiques. Héros ordinaire et posé, Ismaïla promet qu’il prendra rendez-vous avec le psychologue dans les jours à venir, mais sans empressement.
L'agresseur a été placé en détention provisoire.


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